Fiasco SAAQclic : «Début d’émeute» dans les centres de services et «conscription» des employés deux semaines après le déploiement catastrophique

Nicolas Lachance
Début d’émeutes, insultes, employés en pleurs, intervention policière : deux semaines après le lancement désastreux de la plateforme SAAQclic, la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) était incapable de traiter plus la majorité des transactions de ses clients, provoquant un véritable chaos dans ses centres de services.
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Face à la crise, la SAAQ a rapidement instauré une forme de «conscription», forçant tous ses professionnels à venir prêter main-forte derrière les comptoirs de services.
«Au début, les clients étaient plus compréhensifs», a affirmé Jean-Philippe McKenzie, vice-président à l’Accès sécuritaire au réseau routier de la SAAQ. «Ce sont surtout les employés qui se sentaient impuissants», a-t-il expliqué, lui qui a dirigé la gestion de crise dès les premiers jours.
«Leur ADN, c’est de servir les clients, et là, ils n’y arrivaient pas. L’état des troupes, c’était des groupes en détresse : des gens qui pleuraient, des gestionnaires qui quittaient ou demandaient de l’aide.»

M. McKenzie témoignait devant la Commission Gallant. Hier, il a vivement critiqué les firmes engagées à grands frais pour mener la transformation numérique de la SAAQ.
Deux semaines après le lancement pénible de SAAQclic, le chaos éclate dans les succursales.
«Graduellement, les files se sont allongées, parce qu’on n’était pas capables de servir les clients comme prévu. Et ça a dégénéré. Les comportements ont changé : les employés se faisaient crier après», a-t-il relaté, évoquant des «débuts d’émeute» dans les centres de services.
«On a dû faire intervenir la police. Il y a même eu des débuts d’émeutes dans les files d’attente. Des propos d’une vulgarité insensée ont été tenus envers les employés», a raconté, ému, Jean-Philippe McKenzie.
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Plan d’action rapide
La «conscription» est décrétée à la SAAQ. «Aucun secteur ne pouvait dire non. On a mobilisé tout le monde, des juristes aux comptables, jusqu’à 150 personnes redéployées pour aider dans les succursales», a-t-il expliqué devant le commissaire Denis Gallant.
La livraison de SAAQclic devait permettre à la majorité des clients de devenir autonomes grâce aux services numériques pour délivrer des permis de conduire et des immatriculations. Trois semaines après le déploiement, c’est l’inverse qui s’est produit.
La SAAQ réalisait 55% de la capacité de transactions par rapport à celles de l'année précédente. Des employés sont embauchés, les heures sont prolongées.
Un plan d’action est mis en place, avant même l’intervention de la ministre des Transports, Geneviève Guilbault.
«On n’arrivait toujours pas à servir le nombre de clients souhaité. On a compris que ça allait être plus long que prévu», a décrit M. McKenzie.
«On était rendus à la deuxième semaine, et malgré tout ce qui avait été dit, on était en train de replanifier nos opérations. On a déposé un plan d’action.»
La SAAQ a constaté que l’insécurité liée au fiasco SAAQclic attirait des clients non attendus dans les succursales.
«Des gens venaient pour des renseignements ou pour devancer des services. Mais on n’avait pas la capacité de les servir. Donc, on a établi une règle : si vous avez une échéance aujourd’hui ou demain, on vous prend. Sinon, on vous planifie pour plus tard», a signalé le vice-président.
Le plan d’action «a été communiqué publiquement», a-t-il ajouté.
Cependant, les incidents informatiques se sont multipliés.
Trois semaines après le déploiement, une cellule de crise est mise en place, incluant la ministre des Transports. Jean-Philippe McKenzie devient le capitaine chargé de remettre de l’ordre dans les services à la clientèle.
Il a expliqué devant la commission la complexité du défi, en plus de la gestion du changement à laquelle la SAAQ faisait face.
«On ne s’attendait pas à vivre les premières semaines qu’on a vécu», a-t-il dit. Avoir su, le déploiement n’aurait pas été réalisé de cette manière.
2023 aura été l’année où la SAAQ aura eu le plus de plaintes.
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