[EN IMAGES] Feux de forêt au Québec: une surface plus grande que le Costa Rica réduite en cendres... et qui brûle encore
Un nombre record de journées avec un avertissement pour la mauvaise qualité de l'air a aussi été enregistré au Québec


Olivier Faucher
Les feux de forêt qui ont brûlé tout l’été au Québec ont pulvérisé des records, rasant une superficie plus grande que le Costa Rica et tenant encore à ce jour en haleine le personnel de la SOPFEU.
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«Ça représente du jamais-vu depuis qu’on tient des statistiques comparables», résume Stéphane Caron, coordonnateur à la prévention et aux communications à la SOPFEU.
Depuis les années 1970, le Québec n’avait jamais vu plus de deux millions d’hectares de forêt brûler en une seule année sur son territoire.

Mais en 2023, c’est une superficie faramineuse de 5,2 millions d’hectares qui est partie en fumée, ce qui représente un territoire un peu plus grand que le Costa Rica, ou plus de 100 fois l’île de Montréal.
Près des zones habitées
Ce qui inquiète encore plus les experts, c’est qu’une partie importante de ce qui a brûlé se trouve dans la «zone de protection intensive» de la SOPFEU, c’est-à-dire dans les forêts plus au sud de la province, où on retrouve plus de populations.
«Ce qui a brûlé, cette année, ça correspond à ce qui avait brûlé en tout dans les 20 dernières années dans la zone de protection intensive», fait savoir Victor Danneyrolles, professeur en écologie forestière à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC).
En 2005, qui était considérée comme la pire année pour cette zone, 385 000 hectares avaient brûlé. En 2023, ce chiffre atteint déjà 1,5 million d’hectares.

Ces brasiers ont sérieusement menacé en début juin plusieurs communautés, qui ont dû être évacuées, dont Chibougamau, Lebel-sur-Quévillon, Clova et Normétal.
Selon les dernières statistiques du ministère de la Sécurité publique, plus de 25 000 personnes ont été évacuées depuis le 1er juin dernier, dont certaines à plus d'une reprise.
Si les feux font moins les manchettes depuis quelques semaines, la SOPFEU, quant à elle, déploie encore des efforts qu’elle considère comme exceptionnels pour un milieu de mois d’août.
«On est encore très actifs dans la zone nordique, explique Stéphane Caron. Ça n’a comme jamais arrêté [pour nous]. À ce temps-ci de l’année, c’est remarquable parce qu’habituellement, passé la troisième semaine de juillet, le niveau d’activité de la SOPFEU diminue énormément.»

Du jamais-vu pour la qualité de l’air
La fumée générée par ces feux a voyagé partout au nord-est de l’Amérique et a compromis, d'une manière qui n'avait jamais été vue, la qualité de l’air au Québec.
Environnement Canada calcule que 291 journées ont été «en avertissement» pour une mauvaise qualité de l’air en 2023.

Pour en arriver à ce chiffre, on additionne les régions et les jours. Par exemple, si Montréal et l’Abitibi-Témiscamingue sont en avertissement le même jour, cela compte pour deux journées.
«C’est presque 10 fois la normale, indique Simon Legault, météorologue chez Environnement Canada. Depuis que le programme existe, depuis 20 ans, il n’y a pas de données comparables.»
Les régions qui ont été les plus touchées sont l’Abitibi-Témiscamingue et le Lac-Saint-Jean, mais Montréal n’a pas été épargnée. Les Montréalais se souviendront notamment des journées surréalistes où ils pouvaient sentir une forte odeur de fumée à l’extérieur.
Les pourvoiries ont perdu 30% de leur chiffre d'affaires
Les pourvoiries du Québec ont lourdement écopé en raison des feux de forêt cet été, perdant des millions de dollars en annulations, puisqu’il a été interdit d’accéder à leurs installations.
Les pertes rapportées par 126 pourvoyeurs via un sondage totalisent neuf millions pour cet été.
«Je n’ai pas de misère à estimer les pertes totales de notre industrie entre 10 et 15 millions», soutient Dominic Dugré, président de la Fédération des pourvoiries du Québec (FPQ), qui a réalisé le sondage.

«En moyenne, c’est 30% de leur chiffre d’affaires annuel qu’elles ont perdu, poursuit le président. À plusieurs égards, c’est pire que la pandémie, les pertes.»
Des restrictions qui ont fait mal
Début juin, le gouvernement a interdit l’accès à une grande partie de la forêt québécoise afin de limiter le risque de provoquer de nouveaux feux.
Il était ainsi défendu d’accéder à plus de la moitié des pourvoiries de la province, du jamais-vu pour cette industrie, et ce, dans la période la plus achalandée de l’année.
Cette première fermeture était tout à fait compréhensible aux yeux de M. Dugré. Néanmoins, la frustration a monté dans les semaines qui ont suivi.
«Après ça, il y a eu plus un jeu de yo-yo: on rouvre, on ferme. À un moment donné, je pense qu’il y a eu un manque au niveau de la communication sur comment on décide quel territoire est fermé ou pas.»
Plusieurs établissements épongeaient de lourdes pertes, devant parfois «rester fermés pendant une semaine, alors qu’il pleuvait chez eux».
Une aide jugée insuffisante
Ainsi, la majorité des pertes de cette industrie qui accueille plus de 500 000 clients annuellement a été causée non pas par les feux eux-mêmes, mais par des interdictions gouvernementales qui en ont découlé.
M. Dugré précise que «90% des pourvoiries n’ont jamais été à moins de 10 km d’un feu».
Le gouvernement du Québec a annoncé en juillet une aide de 50 millions aux entreprises touchées par les feux, incluant les pourvoiries.
La FPQ juge ce soutien nettement insuffisant et demande une aide financière directe s’inspirant du prêt du gouvernement fédéral durant la pandémie, pardonnable à la hauteur de 30%.
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