Famine à Gaza: un faux organisme humanitaire américain derrière plusieurs centaines de morts


Gabriel Ouimet
Depuis un peu plus de deux mois, les habitants de Gaza font face à un dilemme impossible: mourir de faim ou risquer leur vie pour espérer mettre la main sur une quantité dérisoire de nourriture dans l’un des quatre centres de distribution de l’enclave. Voici pourquoi autant de civils sont tués dans ces lieux «humanitaires» censés leur venir en aide.
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Un quart de la population de Gaza, soit près de 500 000 personnes, est confrontée à une situation de malnutrition, ont prévenu mercredi plus d’une centaine d'organisations non gouvernementales (ONG). Ces dernières qualifient la situation de «famine de masse».

Cette «tragédie annoncée» est le résultat direct du blocus imposé en mars par Israël, rappelle le directeur de l’Observatoire canadien sur les crises et l’action humanitaire (OCCAH), François Audet.
«Ce n'est pas parce qu'il y a une sécheresse, ce n'est pas parce qu'il y a déplacement de population, c'est parce qu’Israël empêche délibérément la nourriture d'entrer sur le territoire de Gaza», martèle-t-il.
«Une opération militaire déguisée»
Depuis le mois de mai, la distribution de nourriture est confiée à la Fondation humanitaire de Gaza (GHF), un organisme créé par Israël avec l’aide des États-Unis et qui est administré depuis l'État américain du Delaware.
L’État hébreu avait auparavant chassé les organismes humanitaires professionnels de la bande de Gaza en réponse aux attaques perpétrées par le Hamas, le 7 octobre 2023.
«Ce n’est pas une organisation humanitaire [GHF], c’est une organisation mercenaire. Ce sont des gens qui ne sont pas des professionnels, qui ne comprennent pas les normes humanitaires, et qui déguisent une opération militaire en une réponse humanitaire massive avec des espèces d’opérations bidon de distribution de nourriture», critique François Audet.
Résultat: plus de 1000 personnes sont mortes en allant chercher de la nourriture dans ces centres et d'autres convois humanitaires depuis le mois de mai, selon l'ONU.
Voici trois des raisons qui expliquent pourquoi ces centres sont si dangereux:
1- Ils sont situés dans des zones d’évacuation gérées par l’armée israélienne
Les quatre sites de la GHF sont situés dans des zones d'évacuation, des régions normalement interdites aux Gazaouis et où l’armée israélienne est particulièrement aux aguets.
«Les gens qui arrivent trop tôt ou trop tard se font tirer dessus», s’alarmait en juin Médecins Sans Frontières (MSF).
Une enquête publiée par le quotidien israélien Haaretz a révélé que des soldats israéliens tirent gratuitement sur les civils qui attendent autour des sites de distribution.
«On ouvre le feu tôt le matin si quelqu’un essaie de se mettre en ligne à quelques centaines de mètres et parfois, nous les chargeons à bout portant. Mais il n’y a aucun danger pour les forces. Je n’ai pas eu connaissance d’un seul cas de riposte. Il n’y a ni ennemi ni arme», a confié un militaire israélien sous le couvert de l’anonymat.
2- Ils sont ouverts 8 minutes à la fois
Les sites de distribution de nourriture ne sont ouverts que huit minutes à la fois, selon la page Facebook de la GHF.
Le déroulement est le même à chaque endroit: les travailleurs de la fondation déposent des boîtes à divers endroits sur le site, qui a environ la même taille qu’un terrain de football, avant de ressortir.
Une fois les portes ouvertes, des milliers de Palestiniens se ruent sur des quantités insuffisantes de nourriture.
Des combats éclatent. Certains sont armés de couteaux. L’armée israélienne et les mercenaires américains chargés de la sécurité n’hésitent pas à ouvrir le feu pour disperser la foule.
3- Ils ouvrent la nuit
Les sites ouvrent souvent la nuit, vers 2h du matin, selon de nombreux témoignages rapportés dans divers médias internationaux.
Le coordinateur des urgences de MSF à Gaza a expliqué que les distributions nocturnes sont particulièrement dangereuses, car de nombreuses routes dans le sud de Gaza ont été rendues méconnaissables par les bombardements israéliens.
Plongés dans l’obscurité, les Palestiniens ont ainsi de la difficulté à suivre les itinéraires désignés par le GHF pour se rendre aux sites de distribution.
Ceux qui s’écartent des chemins officiels risquent d’être pris pour cible par l’armée israélienne.