Explosion des acheteurs de maisons de prestige à Montréal et à Québec
Leur proportion a doublé à Montréal et quadruplé à Québec depuis la pandémie


Martin Jolicoeur
En dépit du ralentissement, la proportion des achats de résidences de luxe, ou d’un prix bien supérieur à la médiane québécoise, a considérablement augmenté depuis la pandémie.
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À Montréal, par exemple, les transactions de maisons de prix dépassant le seuil des 900 000$ ont pratiquement doublé depuis 2019, selon l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ). Si elles représentaient 17% des transactions en 2019, leur proportion s’établit maintenant à 31% depuis le début de 2023.
La même tendance est observée sur le marché de Québec, mais avec encore plus d’intensité. De fait, les transactions impliquant une résidence unifamiliale de 700 000$ et plus à Québec ont plus que quadruplé depuis le début de la pandémie. Elles sont passées de 2,5% du total des transactions en 2019 à pas moins de 11% en 2023.
Selon l’économiste Charles Brant, directeur de l’analyse de marché à l’APCIQ, cette situation s’explique principalement par une croissance anormalement rapide du nombre de ménages fortunés au Québec, au cours des dernières années.
L’économiste Daren King, de la Banque Nationale à Montréal, ne saurait confirmer – chiffres à l’appui – une telle affirmation. «Une chose qu’on sait, par contre, est que beaucoup ont profité de la pandémie pour assainir leurs finances et dégager de l’épargne excédentaire. C’est probablement aussi vrai pour ceux qui étaient déjà en meilleure posture.»

De nouveaux millionnaires
Parmi eux, Charles Brant pointe au premier chef les ménages qui possédaient déjà une propriété avant que les prix de l’immobilier explosent jusqu’en 2022. Depuis février 2000 jusqu'à aujourd’hui, le prix médian de la résidence unifamiliale au Québec a crû de 53%, du jamais-vu qui a permis, dit-il, à d’innombrables propriétaires de s’enrichir très rapidement ces dernières années.
Les entrepreneurs de l’industrie de la rénovation et de la construction qui, profitant du contexte de pénurie des dernières années, se sont investis à fond dans l’industrie du «flip» [achat et revente rapide] ont été nombreux à connaître les joies de l’enrichissement vite fait.
Il en va de même, poursuit l’économiste de l’APCIQ, pour plusieurs professionnels de l’immobilier, œuvrant à la frontière de la gestion immobilière et de l’économie numérique. Profitant du manque total de surveillance et d'encadrement législatif dans cette industrie, les plateformes de location à court terme, comme Airbnb, Vrbo, et même Marketplace, ont permis de donner naissance à des dizaines d’autres millionnaires au Québec.
S’ajouterait enfin, selon lui, une flopée d’autres artisans du numérique (effets visuels pour le cinéma et l’industrie du jeu vidéo) et de professionnels de la recherche du secteur l’intelligence artificielle, susceptibles de garnir les rangs de ces nouveaux riches capables de s’offrir ces propriétés de prestige (900 000$ et plus), de plus en plus nombreuses.
À la différence des familles fortunées de longue date, ces derniers paraissent toutefois beaucoup plus sensibles aux fluctuations rapides des taux hypothécaires. Pour l’heure, grâce aux politiques accommodantes des banques, le pire a été évité, constatent les spécialistes. Mais la multiplication de ventes de feu par des propriétaires pris à la gorge demeure une possibilité dans les prochaines années.
