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Exploiter sa propre misère sur TikTok pour faire du cash: le cas de Florence et son troll

Captures d'écran tirées de TikTok
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Photo portrait de Andrea Lubeck

Andrea Lubeck

2025-05-16T10:00:00Z
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Vous avez probablement déjà ressenti de la pitié ou un malaise en visionnant une vidéo sur TikTok. Pas étonnant, la plateforme fait des profits sur le dos de certains de ses usagers qui mettent de l’avant leur misère pour améliorer leur situation. 

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Il y a, par exemple, des contenus comme celui qui suit, dans lequel la mère d’un enfant à besoins spéciaux qui en arrache financièrement demande de l’argent.

Plus une telle publication est vue et commentée, plus elle rapporte des sous à la personne qui en est l’auteure.

En gros, l’idée est d’exploiter sa propre misère pour faire de l’argent. C’est ni plus ni moins une forme de mendicité virtuelle.

Florence et son troll 

Au Québec (et au Canada), c’est impossible de faire de l’argent avec une publication TikTok. Les créateurs optent donc pour des diffusions en direct (les fameux lives), lors desquelles ils peuvent recevoir des cadeaux virtuels (qui sont échangeables en argent).

Un exemple: le compte mieux connu sous le nom de Florence et son troll (@florenceetsateam), géré par Florence et Marc-André, un couple qui semble vivre dans la précarité.

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Le compte a gagné en popularité lorsque Florence organisait des directs dans lesquels elle faisait du karaoké... en échange de cadeaux ou de virements Interac.

Comme le couple multiplie les lives, les gens qui les suivent ont accès à son quotidien: l’appartement en bordel, la moisissure sur les murs et leurs nombreuses chicanes.

«Le dévoilement volontaire de leur vulnérabilité fait partie de leur stratégie pour fidéliser leur auditoire. Et ça a même fonctionné temporairement avec moi», explique la chercheuse Laurence Grondin-Robillard, qui s’est intéressée à la monétisation de la misère sur TikTok dans le cadre du 92e Congrès de l’Acfas.

«Les créateurs de contenu, devenus entrepreneurs d’eux-mêmes, transforment leur présence en ligne en des écosystèmes structurés permettant de rentabiliser leur misère apparente», poursuit celle dont la thèse de doctorat porte sur la circulation de l’information sur la plateforme.

Qu’est-ce nous accroche tant?

La tactique semble fonctionner: les spectateurs sont au rendez-vous... et ils sont généreux.

Dans une vidéo TikTok qui a depuis été supprimée, Marc-André affirme avoir gagné des revenus de plus de 100 000$ l’an dernier.

Dans d’autres vidéos, le couple se procure des ensembles de literie neufs, une batterie de cuisine haut de gamme et tente de mettre la main sur la nouvelle console Nintendo Switch 2, qui se vend 630$.

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Mais comment expliquer l’attrait pour ce type de contenu qui nous rend mal à l’aise?

«C’est le spectacle. Un peu comme la télé-réalité, ça nous intéresse, mais on ne sait pas trop pourquoi. On a l’impression d’avoir accès à ces créateurs, que c’est authentique. On pense qu’il n’y a pas de scénario, pas de script. Mais on ne sait pas ce qu’ils se disent à l’extérieur de TikTok, peut-être que c’est tout planifié», avance Laurence Grondin-Robillard.

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Florence et Marc-André cumulent près de 140 000 abonnés sur TikTok, si on tient compte de tous leurs comptes.

Un cercle vicieux créé par TikTok

Même si TikTok prétend interdire l’exploitation des enfants et la mendicité sur sa plateforme, elle profite des diffusions en direct comme celles de Florence et Marc-André. L’entreprise touche des commissions pouvant atteindre 70% de la valeur des cadeaux reçus dans les lives.

Les éléments graphiques qui apparaissent à l’écran pendant les lives — un chronomètre, un objectif de cadeaux chiffré, un pointage, des effets visuels lorsque le créateur reçoit un cadeau — servent à inciter les créateurs à diffuser plus longtemps et à demander plus de cadeaux.

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Ça crée une «culture du grind» — dans ce cas-ci, diffuser en direct durant de longues heures, tous les jours — qui finit par nuire plus qu’aider ces créateurs de contenu, déplore Laurence Grondin-Robillard.

«Il y a un risque de surmenage banalisé, parce que le grind, ça vient avec un prix: celui du bienêtre», souligne-t-elle.

Diffuser en direct tous les jours n’est pas non plus une manière de s’assurer un revenu stable, rappelle la professeure associée à l'École des médias de l'UQAM.

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