Ex-anesthésiste accusé de 30 empoisonnements en France: «Ce coma m'a enlevé mes souvenirs», dit une victime d'un arrêt cardiaque médicalement inexpliqué

AFP
«Je suis une rescapée», a témoigné vendredi devant la cour d'assises du Doubs l'une des 30 victimes d'empoisonnements présumés, dont 12 sont mortes, imputés à l'ancien anesthésiste Frédéric Péchier, jugé depuis le 8 septembre à Besançon, dans l'est de la France.
• À lire aussi: France: au procès Péchier, la détresse des collègues de l'anesthésiste, accusé de 30 empoisonnements
• À lire aussi: Procès d'un anesthésiste accusé d'empoisonnements: les victimes présumées racontent leur «calvaire»
• À lire aussi: Patients empoisonnés: un anesthésiste accusé de 12 meurtres devant la justice en France
Bénédicte Boussard, qui avait 41 ans lorsqu'elle a été victime d'un arrêt cardiaque médicalement inexpliqué en cours d'anesthésie, le 7 avril 2009, a raconté à la cour ses séquelles, ses amnésies et son souhait de «connaître le coupable» et de «savoir la vérité».
Mais elle se fait peu d'illusions: Frédéric Péchier «n'avouera pas, je pense que c'est enfoui au plus profond de lui-même et que ça ne sortira jamais. Il est allé trop loin», a confié cette femme de 57 ans, qui dit être ressortie «marquée physiquement et moralement» par cette épreuve subie il y a 16 ans.
Venue à la clinique se faire opérer, elle se réveille après un coma, «intubée, en soins intensifs, entourée de machines, attachée au lit». «Mon subconscient me disait "bats-toi, tu as tes enfants, ton mari, ta famille"», se souvient la quinquagénaire.
«Ce coma m'a enlevé mes souvenirs: je n'ai aucun souvenir de mon enfance, aucun souvenir de la naissance de mes enfants, aucun souvenir de mon mariage», confie-t-elle en retenant ses larmes. «J'en ai seulement des flashes et des albums photos...», poursuit-elle.
Comme tous les patients figurant sur la liste des victimes présumées, elle s'estime cependant heureuse de «faire partie de ceux qui sont encore là». «Vous êtes une miraculée», lui glisse son avocat, Christophe Bernard.
«Je suis une rescapée de l'affaire Péchier», souligne désormais, lors de ses rendez-vous médicaux, celle qui se dit convaincue que son arrêt cardiaque n'a pu être provoqué que par un empoisonnement.
Une autre patiente, Nicole Deblock, qui a fait un arrêt cardiaque quelques semaines après Mme Boussard, dans les mêmes circonstances et dans la même clinique, a elle aussi été victime d'«un empoisonnement, c'est certain», affirme à la barre sa fille Mathilde, elle-même médecin cancérologue.
Pour Mme Deblock - qui survivra à l'accident cardiaque, survenu à l'âge de 65 ans, mais décédera en 2015, d'une leucémie - il y a eu un avant et un après ce 22 juin 2009. Auparavant «forte et très dynamique», elle devient ensuite «plus éteinte, plus fragile», raconte sa fille.
Après l'accident cardiaque, des analyses permettront de découvrir des doses de potassium et d'adrénaline en quantités anormales dans une poche de perfusion utilisée pour son opération. «C'est effroyable, c'est machiavélique (...) quelqu'un nous l'a ravie», s'émeut la témoin.
Frédéric Péchier, 53 ans, encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
Il est jugé pour 30 empoisonnements de patients âgés de quatre à 89 ans, entre 2008 et 2017 dans deux cliniques privées de Besançon. L'ancien médecin anesthésiste-réanimateur, qui comparaît libre, a toujours clamé son innocence.
Le verdict est attendu le 19 décembre.