Et si les femmes perdaient le droit de vote aux États-Unis? «Improbable, mais possible», selon une experte

Anne-Sophie Poiré
Est-ce exagéré de croire que le droit de vote pourrait être retiré aux Américaines, après que le secrétaire de la Défense des États-Unis a évoqué l’idée la semaine dernière? La tâche ne serait pas mince, mais dans l’Amérique de Donald Trump, même les droits protégés par la Constitution ne semblent pas inébranlables.
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«Tout ce qu’on croyait impossible il y a six mois à peine [lors du retour de Donald Trump au pouvoir] devient improbable, mais possible», signale la doyenne de la Faculté de science politique et de droit de l’UQAM, Rachel Chagnon.
«Et le problème avec l’administration actuelle, c’est qu’elle accorde très peu d’importance au respect des lois», ajoute la spécialiste de l'analyse féministe du droit.
Le secrétaire américain à la Défense, Pete Hegseth, a partagé jeudi dernier une vidéo sur son compte X dans laquelle des pasteurs ultraconservateurs remettent en question le droit de vote des femmes et prônent la soumission au mari.
All of Christ for All of Life. https://t.co/QqXhqZFStv
— Pete Hegseth (@PeteHegseth) August 8, 2025
Dans une société «idéale», disent-ils, le vote s’exercerait par foyer. Et c’est l’époux qui tranche.
Dans ce même extrait du reportage Crusade for Christian domination in the Age of Trump diffusé sur CNN, certains sont même favorables à l’abolition du 19e amendement de la Constitution des États-Unis qui a élargi, en 1920, le droit de vote aux femmes dans l’ensemble du pays.
Un État de droit?
«Le 19e amendement garantit le droit des femmes à voter au fédéral et dans les États. Pour modifier cet amendement, il faut un vote des deux tiers de la Chambre des représentants et Sénat», explique Rachel Chagnon.
Une ratification par au moins 38 des 50 États américains est ensuite nécessaire.
«À l’heure actuelle, les républicains ne contrôlent que 50% du Sénat et de la Chambre des représentants et n’ont donc pas les votes nécessaires, à moins de convaincre des sénateurs démocrates», poursuit-elle.

Le processus de modification de la «loi suprême» des États-Unis est fort complexe, notamment parce que le pays est considéré comme un État de droit.
Ce principe protège l'indépendance de la justice et la protection des droits fondamentaux.
«On ne sait pas à quel point l’administration Trump est attachée à l’État de droit actuel», souligne toutefois Rachel Chagnon.
L’experte rappelle que son administration a déjà obtenu des reculs importants, notamment en matière de droits des femmes, sans trop avoir à montrer les crocs.
Elle cite cette femme enceinte de la Géorgie, décédée en février dernier, qui a été maintenue en vie pour terminer sa grossesse en raison des lois antiavortement de l’État. Elle a finalement obtenu la permission d’être débranchée après avoir accouché en juin.

La Garde nationale dans sa petite poche
Donald Trump semble aussi pouvoir compter sur la Garde nationale pour faire avancer ses intérêts.
Lundi, le président a en effet annoncé le déploiement de 800 militaires de la Garde nationale pour «nettoyer» la capitale américaine qui serait, selon lui, «envahie par des gangs violents».
Les autorités locales seront également placées sous contrôle de la police fédérale pendant 30 jours.
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Pour Rachel Chagnon, «un gouvernement qui choisit d’installer la Garde nationale à Washington, ça peut sonner comme le début de la fin».
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que le locataire de la Maison-Blanche met en place une telle mesure supposée être exceptionnelle.
En juin, 4000 membres de la Garde nationale et 700 Marines ont été mobilisés dans les rues de Los Angeles contre l’avis du gouverneur démocrate de la Californie à la suite de manifestations contre la politique migratoire de l’administration républicaine.
«Trump a limogé plusieurs généraux de l’armée pour les remplacer par des personnes qui lui sont immensément loyales. On est face à un président dont la Garde nationale lui est fidèle et qui ne défend pas les intérêts de l’État, mais bien ceux du président lui-même», illustre Rachel Chagnon.
«Dans un scénario pas si utopique que ça, on pourrait se rapprocher de la guerre civile», suggère-t-elle.