Accès à la propriété: avez-vous réellement les moyens d'aider votre enfant?


Félix Desjardins
Témoins d’un marché immobilier compétitif et du pouvoir d’achat amenuisé de leurs enfants, de nombreux parents québécois décident d’épauler leur progéniture dans l’achat de leur première propriété.
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Selon le dernier rapport de la Société canadienne d’hypothèques et de logement, 34% des premiers acheteurs au pays ont utilisé un don pour garnir leur mise de fonds en 2024. Parmi ceux-ci, 17% n’auraient pas pu acheter une propriété sans cette aide financière.

«Les parents ont de plus en plus la philosophie de profiter de ce qu’ils ont accumulé, estime Pascal Berger, conseiller en prêts hypothécaires pour la RBC Banque Royale. Il y a un sentiment d’accomplissement de pouvoir voir de ses propres yeux ses enfants bénéficier de ce que tu as bâti, plutôt que de tout laisser en héritage.»
Ne rien laisser au hasard
La décision de donner des milliers de dollars à ses enfants ne doit toutefois pas être prise à la légère, insiste Christophe Faucher-Courchesne, expert-conseil pour la division Gestion privée 1859 de la Banque Nationale.

«La première question que je pose aux parents qui veulent aider, c’est: “Est-ce qu’on a les moyens de le faire?” explique-t-il. On doit voir si notre plan de retraite fonctionne si on retire ces sommes-là, et la seule bonne façon de faire, c’est de réaliser une projection financière.»
Puisque l’argent est la source numéro 1 de conflits dans les familles, il est judicieux de ne rien laisser au hasard et d’impliquer son notaire dans le processus, ajoute M. Berger. «Un don a un impact sur la succession, surtout si on a plusieurs enfants. Il faut que ce soit bien documenté pour éviter la chicane.»
Dans le cas d’un prêt sans intérêt, une autre pratique commune, il est d’autant plus important d’établir clairement ses modalités. «Si les parents-prêteurs se séparent, qui va recevoir le remboursement du prêt? Ma meilleure recommandation est d’établir un contrat avec le notaire», complète le représentant de la RBC.
Gare à l’impulsivité
M. Faucher-Courchesne appelle à la prudence en voyant des parents être convaincus que la fenêtre d’opportunité de leurs enfants pour accéder à la propriété se referme rapidement.
«On a un biais de récence, estime-t-il. Ç’a explosé récemment, mais est-ce que ça va se poursuivre à un tel rythme dans les prochaines années? Il faut savoir faire la distinction entre notre expérience et la situation actuelle.»
Il invite aussi les parents à ne pas tomber dans le piège de simplement comparer le loyer que paient leurs enfants à l’hypothèque qu’ils débourseraient. «Il faut ajouter les taxes de mutation, les taxes scolaires, les frais d’entretien... la propriété vient avec son lot de travail aussi».
Des façons d’aider son enfant
Le don d’argent
Les dons ne sont pas imposables au Québec, contrairement à la France. Il peut d’ailleurs être judicieux d’échelonner son don sur plusieurs années. En aidant votre enfant à maximiser son compte CELIAPP chaque année, par exemple, vous lui permettriez de jouir de déductions d’impôt.
En cas d’achat avec un conjoint, il est important de signaler la réception d’un don à son notaire afin de l’exclure de la valeur de la maison, advenant une séparation.
Le prêt
Le prêt peut constituer une option qui offre un peu plus de flexibilité aux parents dont la retraite est planifiée au quart de tour.
Les modalités du prêt sont donc à votre discrétion, à condition que la propriété achetée ne génère aucun revenu locatif. Le cas échéant, «un taux d’intérêt minimum prescrit par l’Agence du revenu du Canada doit être appliqué», ajoute M. Faucher-Courchesne.
Le don d’une propriété
Faire le don de sa propriété principale de son vivant est une autre option pour éviter le marché immobilier. Les choses se compliquent lorsqu’on fait cadeau d’une résidence secondaire, toutefois: on doit alors payer de l’impôt sur le gain en capital.