Enquête origine-destination: le trafic routier entre la Rive-Nord et la Rive-Sud de Québec en baisse de 3,7%
Selon des experts en mobilité, cela ne fait que confirmer la non-pertinence d’un 3e lien

Taïeb Moalla
Le nombre de déplacements interrives en voiture a baissé de 3,7% entre 2017 et 2023, selon des données obtenues par Le Journal et provenant de la très attendue enquête origine-destination (EOD). D’après des experts en mobilité, cela ne fait que confirmer la non-pertinence d’un troisième lien autoroutier entre Québec et Lévis.
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Le Journal a pu mettre la main sur des éléments cruciaux de l’EOD, une vaste étude qui sert de référence en matière de transports. Le document aurait dû être rendu public à la mi-mai par le gouvernement Legault, mais ce n’est toujours pas le cas. Des sources évoquent désormais la fin de l’été pour son dévoilement.
On y apprend que le nombre de déplacements quotidiens de la Rive-Nord vers la Rive-Sud est demeuré le même entre l’automne 2017 et l’automne 2023. Dans le sens inverse, les déplacements ont plutôt baissé de 5,9% durant ce même laps de temps (voir tableau). Notons que le nombre de déplacements commerciaux et ceux dont l’origine se trouve à l’extérieur du territoire de l’enquête n’apparaissent pas ici.
Du côté du ministère des Transports et de la Mobilité durable (MTMD) et du cabinet de la ministre Geneviève Guilbault, on n’a pas voulu commenter nos informations. «Les discussions se poursuivent avec les partenaires. Le moment de la publication des résultats de l’enquête origine-destination n’est pas encore déterminé», a soutenu Nicolas Vigneault, porte-parole du MTMD.
«Projet absurde»
Invités à réagir, cinq spécialistes ont dit avoir été confortés dans leurs analyses respectives.
«Tout comme la précédente, la nouvelle enquête ne viendra pas justifier ce projet absurde de 3e lien autoroutier. Il n’existe aucun argument rationnel, aucun fondement objectif, pour un tel projet. Ce n’est qu’une joute politique», a affirmé Catherine Morency, professeure titulaire à Polytechnique Montréal et titulaire de la Chaire Mobilité.
Pour Marie-Hélène Vandersmissen, professeure titulaire au Département de géographie de l’Université Laval (UL), «peu importe l’évolution des données de circulation entre les deux rives, cet argument [de la congestion routière] ne justifie pas un 3e lien».
Selon Emiliano Scanu, professeur adjoint en sciences sociales à l’UL, «le projet de 3e lien relève de la pure idéologie. Il est indéniable que le 3e lien détient une forte légitimité politique, notamment sur la Rive-Sud, mais sa légitimité scientifique est presque nulle».
Aux yeux de Jean Dubé, professeur à l’École supérieure d’aménagement du territoire et de développement régional (ÉSAD), «l’argument de la congestion n’a jamais tenu la route, avec ou sans données disponibles pour 2017 et 2023. La loi de la demande induite en transport (et sa contrepartie, la demande évaporée) nous avise que l’ajout d’infrastructures routières ne peut pas régler le problème de congestion en milieu urbain».
D’après Fanny Tremblay-Racicot, professeure agrégée à l’École nationale d’administration publique (ENAP),«on ne peut pas nier le fait qu’il y a de la congestion à Québec, à certaines heures et à certains endroits. Mais il faut limiter le problème, pas l’empirer en augmentant la capacité routière, qui va encore générer davantage de circulation».
Depuis un an, le gouvernement Legault utilise d’ailleurs de moins en moins l’argument de la congestion routière pour justifier le 3e lien. «La sécurité économique» de la région est désormais mise de l’avant dans ce dossier.
Pas surprenant
Les données de l’EOD 2023 ne sont pas surprenantes. Dans son rapport déposé en juin 2024, la Caisse de dépôt et placement du Québec Infra (CDPQI) avait eu accès à des conclusions préliminaires de l’enquête.
«Les modèles de prévision du trafic et de croissance de population mis à disposition par le MTMD montrent peu de croissance des flux routiers interrives par rapport à la situation actuellement observée», concluait CDPQI en parlant de l’heure de pointe matinale.
Déplacements sur une période de 24 heures
- Rive-Nord vers Rive-Sud: 27 900 (2017) | 27 900 (2023) | 0%
- Rive-Sud vers Rive-Nord: 47 200 (2017) | 44 400 (2023) | -5,9%
- Total interrives: 75 100 (2017) | 72 300 (2023) | -3,7%
Source: données obtenues par Le Journal et issues de l’enquête origine-destination (2023)
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