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L'article provient de Le Journal de Montréal
Société

En kayak sur la nappe phréatique de Montréal

Notre chroniqueur a vécu l’expérience surréaliste d’une balade en kayak dans une caverne de Montréal

Me voici dans un couloir de la Galerie de l’Écho. J’ai mesuré seulement le lendemain de mon expérience combien celle-ci était ahurissante.
Me voici dans un couloir de la Galerie de l’Écho. J’ai mesuré seulement le lendemain de mon expérience combien celle-ci était ahurissante. Photo Louis-Philippe Messier
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Photo portrait de Louis-Philippe  Messier

Louis-Philippe Messier

2021-08-07T05:00:00Z
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À l’intérieur de Montréal, le journaliste Louis-Philippe Messier se déplace surtout à la course, son bureau dans son sac à dos, à l’affût de sujets et de gens fascinants. Il parle à tout le monde et s’intéresse à tous les milieux dans cette chronique urbaine.


J’ai le vertige... Mon kayak semble voler, façon chasse-galerie, suspendu au-dessus d’un canyon. Je suis sur la nappe phréatique de Montréal. Sur une eau si cristalline que j’aperçois même le fond à six mètres en dessous.

Le spéléologue Daniel Caron me guide dans la nouvelle section de la caverne de Saint-Léonard, surnommée « Galerie de l’Écho », qu’il a codécouverte en 2017, en attirant même l’attention du National Geographic.

Environ dix mètres de roc au-dessus de nos têtes nous séparent des terrains de baseball du parc Pie-XII, à Saint-Léonard.

Nos embarcations flottent sur quelque six mètres de liquide invisible. Ces eaux de pluie ont percolé jusqu’ici et mettront des années à rejoindre la rivière des Prairies.

Le corridor est trop étroit pour retourner les kayaks, sauf, de justesse, à deux endroits. Il faut parfois évoluer à reculons. Les parois, l’air, l’eau, tout ici bas reste en permanence à 8 °C, été comme hiver.

Origines

Les corridors sont si étroits qu’il faut parfois kayaker à reculons.
Les corridors sont si étroits qu’il faut parfois kayaker à reculons. Photo Louis-Philippe Messier

Les murs parfaitement verticaux et le plafond plat et droit semblent conçus par un architecte. 

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« Des théories loufoques ont circulé au sujet de ces corridors caverneux, certains disaient que c’était les mêmes concepteurs que [ceux] des pyramides égyptiennes, d’autres parlaient d’extraterrestres », me raconte en riant M. Caron.

La réalité est moins romanesque : un glacier de quelque trois kilomètres de hauteur recouvrait Montréal il y a 15 000 ans.

Ce mastodonte a glissé et écartelé la terre en élargissant une fissure préexistante.

« Si tu regardes les parois, tu vas voir qu’elles s’emboîtent parfaitement comme un casse-tête », me fait remarquer le spéléologue.

Au détour d’un canal, je sursaute lorsque soudain quelqu’un se met à parler derrière moi, mais c’est un caprice de l’écho, une sorte de mirage auditif. 

Ouvrir au public

Daniel Caron suspend son kayak. Le mien restera à l’eau. Les installations sont rudimentaires et l’accès aux embarcations exige des acrobaties et du mouillage dans l’eau glacée. Des travaux d’aménagement seront requis avant d’accueillir le public.
Daniel Caron suspend son kayak. Le mien restera à l’eau. Les installations sont rudimentaires et l’accès aux embarcations exige des acrobaties et du mouillage dans l’eau glacée. Des travaux d’aménagement seront requis avant d’accueillir le public. Photo Louis-Philippe Messier

Vice-président de Spéléo Québec, Daniel Caron rêve de faire découvrir sa Galerie de l’Écho au public. Ce vétéran pratique la spéléologie depuis 1968. C’est lui, notamment, qui a convaincu l’arrondissement de Saint-Léonard, en 1982, d’ouvrir sa caverne au public. Avec les nouvelles galeries découvertes, ce site est devenu unique : « Montréal est la seule ville du monde à posséder une telle merveille cavernicole ; faire du kayak sur la nappe phréatique, c’est incroyable ! » dit-il.

Il me montre comment l’endroit pourrait être aménagé afin de permettre les visites sans endommager les lieux et pour éviter aux visiteurs d’avoir à patauger dans l’eau glaciale jusqu’à la taille comme j’ai dû le faire pour accéder aux kayaks. 

Conseiller de Saint-Léonard, Dominic Perri me parle d’un projet que son arrondissement vient de proposer à Infrastructure Canada dans l’espoir d’obtenir du financement. 

« Une sorte de musée accueillera les visiteurs, qui apprendront sur les cavernes, avant de pouvoir eux-mêmes y descendre », m’explique-t-il.

Il est anormal qu’une telle merveille existe sans que les Montréalais y aient accès (à moins d’être un journaliste dans le cadre d’un reportage). Bientôt, la ligne bleue aura une station (Lacordaire) non loin du parc Pie-XII. Le REM doit aussi passer près de là. Pour le projet de Spéléo Québec et de Saint-Léonard, les astres s’alignent.

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