Edgar Fruitier s’éloigne de la prison
Son état de santé se détériore, si bien qu’il pourrait éviter de se retrouver derrière les barreaux

Michael Nguyen
Malgré sa condamnation à six mois de prison pour crimes sexuels, l’homme de théâtre Edgar Fruitier pourrait bien ne jamais se retrouver derrière les barreaux, en raison de son état de santé qui se détériore.
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« C’est un homme isolé dans son sous-sol avec sa musique, dans son monde intérieur. Une sentence a pour but de conscientiser un accusé et, dans son état, ça se peut qu’il ne puisse jamais comprendre pourquoi il est en prison », a soutenu vendredi l’avocat de la défense Me Gaétan Bourassa, devant la Cour d’appel du Québec.
Fruitier, 92 ans, conteste sa condamnation pour des attentats à la pudeur commis sur un adolescent dans les années 1970. Le mélomane, qui a notamment prêté sa voix au personnage de M. Burns dans la série Les Simpson, avait passé cinq jours en détention avant d’être libéré en attendant l’issue de son appel.
Mémoire défaillante

Mais depuis, son état de santé s’est détérioré, selon la lettre d’un neurologue déposée en cour. Le document fait état de troubles cognitifs qui progressent rapidement et d’une perte de mémoire neurologique s’apparentant à la maladie d’Alzheimer.
« Ce n’est pas qu’il ne comprend pas, mais, plutôt, il ne se souvient pas, a affirmé Me Bourassa. Il se peut que le message [qu’envoie un jugement pour conscientiser un accusé] ne soit jamais capté. »
Ainsi, si le plus haut tribunal de la nation refuse de réduire la peine de Fruitier, la défense suggère de « suspendre l’application du jugement », ce qui signifie que l’accusé continuera à vivre chez lui plutôt que dans une cellule.
La Couronne, de son côté, s’est bien évidemment opposée à un tel traitement. Non seulement parce que Fruitier a été dûment condamné alors qu’il était apte à subir son procès, mais aussi parce que, même si son état de santé se détériore, d’autres instances que les tribunaux peuvent gérer la situation.
« Il y a d’autres recours, le système carcéral a un pouvoir discrétionnaire, dont pour des motifs humanitaires », a rappelé Me Francis Villeneuve-Ménard, de la poursuite.
Situation « difficile »
Le procureur a d’ailleurs rappelé que le juge qui avait condamné Fruitier avait tenu compte de tous les facteurs avant de prononcer la peine de six mois de prison.
La formation de trois juges qui a entendu la cause vendredi a pour sa part qualifié la situation d’« inusitée et difficile ».
Ainsi, aucune décision ne sera rendue avant mars prochain. Fruitier pourra entre-temps se soumettre à des évaluations médicales qui devraient permettre d’éclairer le tribunal sur son état de santé. La défense pourra alors présenter de la nouvelle preuve, si nécessaire.
Et d’ici là, Fruitier restera en liberté sous caution. Il n’a pas fait face à la caméra depuis sa sortie de détention, en septembre dernier.
« C’est moi, la victime », avait-il alors lancé, créant un malaise chez son avocat.