Donald Trump veut créer «un monde de chaos et de rapport de force»

Yannick Beaudoin
En multipliant les menaces de tarifs douaniers, en parlant d’annexer le Canada ou le canal e Panama et en négociant seul avec la Russie la fin de l’invasion en Ukraine, Donald Trump semble vouloir bouleverser l’ordre mondial à tout jamais, soutient l’ancien ambassadeur Henri-Paul Normandin.
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«Bienvenue au monde de Donald Trump, où on met de côté la diplomatie traditionnelle pour mettre l'accent sur une diplomatie du chaos, sans règles et fondée sur les rapports de force. C'est essentiellement ce que M. Trump applique à l'échelle internationale et aussi au Canada», a mentionné celui qui est fellow à l’Institut d’études internationales de Montréal, en entrevue au TVA Nouvelles.
Dans le cas spécifique de l’Ukraine, les objectifs réels du président américain ne sont pas clairs, clame l’expert, puisqu’il n’a jusqu’ici obtenu aucune concession de la part de la Russie.
De manière plus globale, l’attitude de Trump face à ce conflit semble provenir d’une idéologie bien précise.
«M. Trump veut retourner à une diplomatie ou ce qui compte, c'est le rapport de force. Et il croit que comme superpuissance, avec la Russie et avec la Chine, les États-Unis vont mieux tirer leur épingle du jeu», indique M. Normandin.
«Il croit en la force. Les pays et les gens qui sont faibles, on les met de côté. Alors on revient un peu à un monde où les grandes puissances peuvent se partager des sphères d'influence et assujettir finalement les États qui sont plus faibles. On le voit avec les déclarations de M. Trump sur le Groenland, sur le Panama, etc. Il est prêt à concéder l'Ukraine à la Russie et qui sait, peut-être le Taïwan à la Chine», ajoute-t-il.
Une nouvelle méthode risquée
Les partisans de Trump estiment que la méthode traditionnelle d’effectuer des relations internationales ne fonctionnait plus. Ils citent les guerres en Ukraine et à Gaza comme exemples de l’échec de la diplomatie habituelle.
Dans ce contexte, ceux-ci croient que la méthode Trump pourrait bel et bien fonctionner.
Henri-Paul Normandin n’est pas de cet avis et croit, notamment, que l’Ukraine va grandement écoper si Donald Trump pousse sa stratégie jusqu’à la limite.
«Ce sera difficile. Dans un tel monde de chaos où le rapport de force prédomine, c'est possible que les États-Unis ou bien la Chine et la Russie obtiennent des gains par-ci, par-là. C'est dans le domaine du possible», mentionne l’ex-ambassadeur.
«Premièrement, il y a fort à parier que les plus petits pays ou les moins puissants vont subir les conséquences, premièrement, et deuxièmement, les risques d'un affrontement, notamment entre les grandes puissances, sont probablement plus élevés», ajoute-t-il.
Ce dernier est d’avis que le pari du président américain est très risqué pour la paix mondiale.
«Transformer l'ordre international actuel fondé sur une sécurité collective et les règles de droit par un monde de chaos et de rapport de force, c'est très risqué», soutient M. Normandin.
Que peut faire le Canada?
Donald Trump ne cesse de s’en prendre au Canada, que ce soit en parlant d’en faire le 51e État, en appelant Justin Trudeau le «gouverneur Trudeau» ou en tentant de s’en prendre à l’économie canadienne via ses tarifs douaniers.
Le président des États-Unis souhaite même redessiner la frontière, notamment pour élargir l’emprise américaine sur l’eau des Grands Lacs.
Devant de telles ambitions et surtout face à la méthode Trump, le Canada a bien peu de leviers, estime Henri-Paul Normandin.
«Le Canada, traditionnellement, on compte sur les règles et sur le droit. C'est ça, notre protection. Or, les règles et le droit pour M. Trump, ça ne veut rien dire», indique l’expert.
«Le 51e état, ça ne se passera pas point à la ligne. Par contre, que M. Trump veuille nous déstabiliser et tente de mettre la main sur nos ressources importantes, les minéraux, l'énergie, l'eau, ça, c'est fort probable. Et il va falloir se défendre là-dessus. Et ce ne sera pas facile, effectivement», ajoute-t-il.