Des tours à condos «beiges» partout: Montréal perd-elle son identité architecturale?


Andrea Lubeck
Dans les rues résidentielles, les immeubles neufs ou rénovés aux lignes et couleurs modernes détonnent des petits triplex de briques rouges desquels émergent des escaliers en fer forgé qui «colimaçonnent» jusqu’au trottoir. La question qui se pose: construit-on du logement à Montréal au détriment de l’identité architecturale qui a fait la renommée de la métropole?
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Depuis 2009, JS Davidson documente les changements architecturaux qui s’opèrent à Montréal. Sur son blogue, Vanishing Montreal, mais aussi sur TikTok et Facebook.
«Je me promenais dans Saint-Henri, où il y avait une trentaine de projets [immobiliers]. J’ai commencé à prendre des photos pour constituer une banque de mémoire, parce que beaucoup de monde se promenait et voyait que la rue avait changé sans savoir pourquoi», relate-t-il en entrevue à 24 heures.
À travers son projet, il veut aussi offrir une parcelle de l’histoire du quartier à ceux qui s’y installent sans savoir ce qui s’y trouvait avant.

Selon lui, Montréal est en train de perdre son identité architecturale.
«Il y a beaucoup d’endroits où les vieux bâtiments ont été démolis et ont été remplacés par des nouveaux condos, dont 95% sont un peu drabes. C’est très carré et beige ou gris», regrette JS Davidson.
Des constructions génériques
Taika Baillargeon, directrice adjointe des politiques à Héritage Montréal, craint aussi «l’apparition d’une architecture très internationale, qui n’est pas nécessairement montréalaise».
En gros, «des condos un peu génériques qui sont partout pareils, des espèces de champignons qui poussent un peu partout, mais qui n’ont pas une identité spécifique ou qui ne se rattachent pas à l’identité des quartiers».
À ses yeux, Montréal demeure néanmoins «très éclectique» en constante évolution.
«Ce n’est pas une ville qui est monochrome, où tout est sensiblement pareil et de la même époque. Il y a du moderne, il y a de l’ancien, il y a des maisons de faubourgs, il y a des duplexes», nuance-t-elle.
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«Griffintown, c’est un gâchis»
S’il adorait se rendre à Griffintown pour prendre des photos, JS Davidson considère aujourd’hui que le quartier, autrefois une plaque tournante de l’industrialisation de Montréal, a été défiguré par le développement immobilier.
«Griffintown, c’est un gâchis. C’est pêle-mêle, c’est tout croche. Il y a [des bâtiments] qui sont beaux individuellement, mais je ne comprends pas comment ça s’est fait. On en a quasiment complètement effacé l’histoire», déplore-t-il .
Taika Baillargeon est d’accord: le quartier est un «échec de développement» qu’il faut à tout prix éviter de reproduire.
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Transformer plutôt que raser
On ne peut pas parler d’architecture dans la métropole sans adresser l’éléphant dans la pièce: la crise du logement.
Alors que les promoteurs immobilier veulent construire le plus rapidement possible et au moindre coût, Taika Baillargeon s’inquiète de voir poindre «des condos beiges à qui mieux mieux».
Elle voudrait voir des bâtiments vacants, qui font partie de l’histoire de Montréal, être rénovés et transformés en logements, plutôt que rasés.
Elle rappelle finalement que ce n’est pas nécessairement plus cher de «construire quelque chose qui est sensible et visuellement bien intégré».