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L'article provient de Le Journal de Québec
Éducation

Des profs de cégep non qualifiés pour enseigner au secondaire

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Photo portrait de Daphnée  Dion-Viens

Daphnée Dion-Viens

2022-03-22T04:00:00Z
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En pleine pénurie, des profs de cégep qui veulent enseigner dans les écoles secondaires s’expliquent mal pourquoi ils doivent faire une deuxième maîtrise pour se qualifier légalement comme enseignant dans le réseau scolaire.

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Annie Bernard a enseigné le français pendant plus de 15 ans dans un cégep de la région de Québec, dans le programme technique de bureautique. 

Annie Bernard, prof de cégep en français qui enseigne dans une école secondaire de Québec cette année comme enseignante non qualifiée.
Annie Bernard, prof de cégep en français qui enseigne dans une école secondaire de Québec cette année comme enseignante non qualifiée. Courtoisie

Cette année, elle a décidé de prendre un congé sans solde afin d’enseigner au secondaire pour «essayer de comprendre pourquoi les jeunes sont si faibles en français», raconte-t-elle. 

Même si elle a fait un baccalauréat avec une majeure en langue et linguistique de même qu’une maîtrise en pédagogie collégiale, Mme Bernard fait partie des enseignants «non légalement qualifiés», qui peuvent faire de la suppléance ou obtenir des contrats. 

  • Écoutez l'entrevue de Benoit Dutrizac avec Annie Bernard sur QUB Radio :

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Ses perspectives d’emploi à long terme demeurent toutefois limitées puisqu’elle n’a pas son brevet d’enseignement. 

Pour l’obtenir, elle doit refaire une deuxième maîtrise, en enseignement au secondaire. Impossible d’y échapper, a-t-elle constaté après avoir réalisé de multiples démarches auprès du milieu universitaire et du ministère de l’Éducation. 

Mme Bernard n’en revient pas de ce manque de souplesse, surtout dans un contexte de pénurie. «Ça ne me dérange pas de faire de la formation complémentaire. Mais de là à devoir refaire une maîtrise au complet? Ma maîtrise, je ne l’ai pas faite en mécanique automobile», lance-t-elle. 

Dans ce contexte, elle pourrait facilement décider de retourner enseigner au cégep l’an prochain. «Moi, ça ne me dérange pas, je suis permanente et je peux y retourner demain matin. Je suis mieux payée et je travaille deux fois moins. C’est ça, la réalité», laisse-t-elle tomber. 

Simon Rioux Rivard, qui enseigne à contrat depuis environ un an et demi dans une école secondaire de Montréal, dénonce la même «aberration». Avec une maîtrise en histoire et un diplôme de 2e cycle en pédagogie des cycles supérieurs, M. Rioux Rivard est qualifié pour enseigner au cégep, mais pas au secondaire. Pour y arriver, il devrait lui aussi faire une maîtrise qualifiante en enseignement au secondaire. 

«Dans un contexte de pénurie, c'est d'autant plus frustrant, car j'adore ma profession et j'espère pouvoir la poursuivre le plus longtemps possible», dit-il. 

Dans le milieu universitaire, on affirme toutefois que cette formation est tout à fait justifiée, y compris pour les enseignants de cégep. «Il y a des spécificités à l’enseignement secondaire qu’il faut apprendre. Même les profs d’université ne sont pas qualifiés pour enseigner au primaire et au secondaire», fait remarquer Pascale Lefrançois, doyenne de la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal. 

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Enseigner à de jeunes adultes au cégep ou à un groupe d’adolescents de 12 et 13 ans n’est pas la même chose, fait-elle d’abord valoir. 

L’âge peut faire une grosse différence, notamment en matière de gestion de classe. La motivation des jeunes est aussi parfois bien différente. 

«Enseigner au secondaire, ça veut aussi dire enseigner à des élèves qui n’ont pas toujours envie d’être là», dit-elle. Les cours de mathématiques, par exemple, sont obligatoires au secondaire, mais optionnels au cégep. 

Par ailleurs, l’enseignement d’une discipline se fera de façon beaucoup plus large au secondaire qu’au collégial, ajoute-t-elle. 

Un enseignant d’histoire au cégep pourrait enseigner l’univers social au secondaire, mais cette matière comprend aussi des notions de géographie et d’éducation à la citoyenneté. 

Même chose pour les sciences, qui comprennent trois disciplines au secondaire: la chimie, la physique et la biologie. 

Des efforts sont toutefois déployés afin de reconnaître davantage les compétences acquises sur la base de l’expérience, ajoute Mme Lefrançois. 

L’établissement a mis en branle récemment un processus de reconnaissance des acquis, basé sur l’expérience, qui en est à ses balbutiements. Des candidats à la maîtrise pourraient ainsi se faire reconnaître une partie de leur expérience, ce qui pourrait accélérer le processus menant au brevet d’enseignement.  

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