Nos patriotes ont soulevé un vent de liberté en Australie


Mathieu-Robert Sauvé
Les 58 patriotes qui ont échappé à la pendaison en 1840 ont lancé un vent de liberté dans l’Australie et la Nouvelle-Zélande où ils ont été déportés. Près de deux siècles plus tard, deux croix façonnées avec le bois de leur navire reviennent sur les rives du Saint-Laurent.
« C’est grâce aux patriotes français et américains qu’un vent de démocratie a commencé à souffler en Australie et en Nouvelle-Zélande », lance en entrevue au Journal Samuel Pineault, directeur photo du documentaire en cours de réalisation La baie des exilés, qui revient sur cet événement « extraordinaire et peu connu ».
Envoyés dans le trois-mâts HMS Buffalo sur les rives océaniennes, les patriotes condamnés pour leur rôle dans les rébellions de 1837 et 1838 devaient se considérer chanceux d’échapper à l’exécution sur l’échafaud du Pied du courant.

C’est là que 12 de leurs compagnons, dont leur chef, Chevalier De Lorimier, ont été pendus le 15 février 1839.
Nombreux descendants
La plupart des exilés sont revenus au Bas-Canada, où ils ont été graciés par la reine d’Angleterre quelques années plus tard ; certains ont mis jusqu’à quatre ans avant de regagner leur patrie. D’autres se sont installés en Océanie et y ont fondé des familles dans leur pays d’accueil.
« On a retracé l’histoire de ces exilés qui ont eu plusieurs enfants. Ceux-ci, à leur tour, ont engendré de nombreux descendants. On trouve encore des patronymes canadiens-français dans les familles australiennes et néo-zélandaises », reprend M. Pineault.
C’est à l’un de ces descendants, Deke Richard, qu’on doit l’initiative de La baie des exilés, un projet cinématographique pour lequel on ficelle les dernières étapes du financement.

Le film devrait voir le jour en 2024.
Deux croix de retour
Pour rendre hommage aux patriotes, des plongeurs ont extrait du navire échoué en 1840 des morceaux de bois avec lequel on a façonné trois croix de bois. Elles ont fait l’objet d’une cérémonie en Nouvelle-Zélande le mois dernier.

« Deux de ces croix reviennent au Québec et feront l’objet d’une célébration le 22 mai à Saint-Polycarpe, où a vécu un des exilés, François-Xavier Prieur », explique Samuel Pineault.
Il espère que ces pièces feront un jour partie de la collection d’un musée national.
François-Xavier Prieur : la déportation plutôt que la pendaison !

Pour avoir dirigé un soulèvement de 150 à 200 hommes opposés à la domination britannique le 3 novembre 1838, le patriote François-Xavier Prieur (1814-1891) est condamné à mort. Mais, en raison de ses relations politiques, sa condamnation est commuée en déportation. Il est exilé en Australie, où il pose le pied en 1840.
Après y avoir construit des routes, il est jardinier, garçon de ferme et fabricant de chandelles. Il revient au Canada le 5 septembre 1846.
Il publie en 1865 ses Notes d’un condamné politique de 1838, une précieuse autobiographie qui témoigne des événements politiques de l’époque.
À sa mort, en 1891, Paul Colonnier lui rend hommage dans Le Monde illustré. Prieur a été « dès les premiers temps, remarqué par sa bravoure et dirigea bientôt la lutte avec une grande énergie. Mais il dut céder, à Beauharnois, devant l’arrivée des troupes régulières qu’il ne peut contenir avec ses patriotes mal armés et dépourvus de tout ».
Après sept ans d’exil, « il put revenir vers les siens et contempler encore une fois ces rives chéries du Canada pour lesquelles il avait vécu, pour lesquelles il avait voulu mourir ».
Source : Jean Provencher, Les quatre saisons