Loi sur les mesures d’urgence: des mesures «raisonnables et proportionnelles», dit Trudeau
Raphaël Pirro
Le premier ministre Justin Trudeau a inauguré les deux jours de débats prévus au Parlement entourant l’invocation de la Loi sur les mesures d’urgence avec un discours lors duquel il a martelé qu’«invoquer la [Loi], ce n’est pas quelque chose qu’on fait à la légère».
• À lire aussi - Le parlement barricadé: vers une intervention imminente de la police d’Ottawa
• À lire aussi - «Nous allons reprendre le centre-ville», clame la police d’Ottawa
«Ce n’est pas la première option, ni la deuxième, ni même la troisième. C’est une solution de dernier recours», a lancé M. Trudeau, alors que les camionneurs bornés entameront vendredi leur quatrième semaine d’occupation sur la colline Parlementaire.
Faisant écho à son discours de lundi, M. Trudeau a réitéré que l’application de la Loi serait «ciblée» et «limitée dans le temps». «Les mesures sont raisonnables et proportionnelles», a-t-il souligné.
«On ne se sert pas de la Loi des mesures d’urgence pour déployer l’armée. On ne suspend pas les droits fondamentaux, on ne limite pas la liberté d’expression ni le droit de manifester pacifiquement», a assuré le premier ministre.
Gel de comptes bancaires
Les décrets adoptés mardi en vertu de la Loi donnent au gouvernement le droit de geler des comptes bancaires et de bloquer toute forme d’aide matérielle aux tentatives de blocage.
En point de presse un peu plus tard, la vice-première ministre Chrystia Freeland a indiqué que la menace a déjà été mise à exécution : des comptes bancaires ont déjà été rendus inaccessibles par les institutions financières, mais la ministre n’a pas révélé combien.
«Je ne vais pas les partager avec vous présentement parce que des actions opérationnelles sont en cours et nous voulons faire très attention de ne pas les compromettre», a-t-elle dit.
Une des figures de proue du convoi, Pat King, a dit ce matin lors d’un live sur Facebook que son compte bancaire avait été gelé.
«Depuis près de trois semaines, notre économie, notre démocratie et la réputation du Canada dans le monde font face à des menaces soutenues, coordonnées et financées par l’étranger», a soutenu Mme Freeland devant les journalistes.
Le NPD montré du doigt
En guise de réponse au discours du premier ministre, le leader adjoint du Parti conservateur, Luc Berthold, a déclaré que le moment «s’inscrira dans l’histoire de notre pays, mais pas nécessairement pour les bonnes raisons». «Et c’est extrêmement décevant.»
De concert avec le Bloc québécois, les conservateurs estiment que l’invocation de la Loi n’était pas nécessaire étant donné que, de tous les blocages qui ont marqué les dernières semaines à travers le pays, seule l’occupation d’Ottawa reste à être démantelée.
Ces derniers n’ont eu de cesse de chahuter le NPD de Jagmeet Singh, qui a décidé d’appuyer le gouvernement dans sa démarche, pourvu qu’il ne compte pas «abuser» de ses pouvoirs.
M. Singh a ajouté qu’il était prêt à retirer son appui si la crise à Ottawa se réglait avant le vote, qui se tiendra lundi soir à 20 h.
Cette prise de position a valu au NPD des railleries du Bloc québécois et du Parti conservateur, dont des députés ont fait remarquer que l’ancien chef du parti, l’emblématique Tommy Douglas, avait refusé d’appuyer le gouvernement libéral de Pierre-Elliott Trudeau à l’invocation de la Loi sur les mesures de guerre.
Le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, l’a répété jeudi : la proclamation des mesures d’urgence vise aussi à prévenir l’apparition d’autres blocages en coupant l’herbe sous le pied des manifestants. Il a d’ailleurs souligné que des manifestants tenteraient de récidiver au pont Ambassador, reliant Windsor à Detroit.
Le gouvernement a déposé la motion portant sur la Loi mercredi soir. Celle-ci devrait recevoir l’appui des néo-démocrates, tandis que le Parti conservateur et le Bloc québécois s’y opposeront.