Des élèves du privé plus faibles à cause de la pandémie


Daphnée Dion-Viens
Les nombreux chambardements entraînés par la pandémie pèsent lourd sur les élèves, y compris ceux des écoles privées, qui sont plus faibles qu’avant, selon leurs enseignants. Le tiers d’entre eux affirment même avoir diminué leurs exigences pour les faire réussir.
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C’est du moins l’un des constats provenant d’un sondage réalisé auprès de 335 enseignants par la Fédération du personnel de l’enseignement privé (FPEP-CSQ), qui tire la sonnette d’alarme.
Près de 50% des enseignants craignent en effet que leurs élèves ne puissent pas atteindre les cibles de réussite habituelles.
«Tout n’est pas réglé. On a l’impression qu’on revient à la normale, mais les retards scolaires sont bien réels», affirme sa vice-présidente, Marie-Josée Dallaire.
Même si les résultats du premier bulletin de l’année, transmis à la mi-février, ne montrent pas de baisse significative de la réussite scolaire, la réalité est tout autre, ajoute-t-elle, puisque «les critères ne sont tout simplement pas les mêmes».
Pour éviter les échecs
Les enseignants agissent ainsi «pour s’ajuster à la réalité de leurs élèves et éviter un nombre trop élevé d’échecs», explique de son côté Stéphane Lapointe, président de la Fédération.
La baisse des exigences se traduit de différentes façons: diminution du nombre de questions dans un examen, critères d’évaluation moins exigeants, réduction du nombre de compétences évaluées ou augmentation du temps accordé pour une évaluation, rapportent les enseignants interrogés.
Les retards scolaires de leurs élèves placent les profs dans une situation «délicate», ajoute Mme Dallaire. «Il n’y a personne qui est fier d’avoir baissé les exigences. Les gens se sentent mal, ils se sentent dans un dilemme professionnel face à cette réalité-là», dit-elle.
Au quotidien, des enseignants constatent que la pandémie a ébranlé l’estime de soi de certains élèves et veulent les aider à rebâtir cette confiance, explique-t-elle.
À plus forte raison, plusieurs déplorent que l’écart se creuse encore davantage, depuis deux ans, entre les élèves plus forts et ceux qui sont plus faibles.
L’impact négatif des absences
Par ailleurs, l’enseignement en ligne est loin d’avoir tout réglé, même s’il a été mis en branle dès le début de la pandémie dans les écoles privées: 61% des enseignants interrogés considèrent que les absences des élèves en raison de la COVID-19 ont eu des conséquences négatives sur leur réussite.
Les jeunes ont maintenant plus de difficulté à s’organiser, à se concentrer et à développer des méthodes de travail efficaces, constatent plusieurs enseignants.
«Avec la pandémie, il y a eu une interruption dans la routine de travail et à la maison; en enseignement à distance, l’encadrement n’était pas toujours là. L’engagement dans les études était moins présent», affirme M. Lapointe.
La Fédération plaide pour une augmentation des ressources pour venir en aide aux élèves qui en ont le plus besoin, notamment dans les écoles privées, où ces ressources «sont déjà très rares», même si «les besoins sont criants».
Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, a annoncé, l’an passé, un plan de relance pour la réussite éducative, assorti d’un financement de 110 millions $, mais ce ne sera pas suffisant, ajoute M. Lapointe. «Il faut faire plus», lance-t-il.
Ce qu’ils ont dit:
«La qualité du français écrit et parlé a beaucoup chuté depuis le début du confinement dans notre contexte où la plupart des élèves ne parlent pas français avec leur famille.»
- Une personne enseignante, région de la Rive-Nord de Montréal
«Habituellement, au mois de février, nous sommes rendus beaucoup plus loin dans la matière, mais là nous avons dû consolider certaines bases qui, normalement, auraient dû être acquises en début d’année.»
- Une personne enseignante, région des Laurentides
«Ils sont plus faibles que d’habitude et ils semblent avoir plus de difficulté à s’organiser, à se concentrer longtemps sur une tâche et à retenir les informations.»
- Une personne enseignante, région de Montréal
«Mes élèves, surtout en troisième secondaire, sont très en retard autant académiquement que d’un point de vue du comportement. Ils n’ont jamais véritablement connu le secondaire. Ils sont toujours en retard, n’ont pas leur matériel.»
- Une personne enseignante, région de la Montérégie