Des dizaines d’organismes gouvernementaux continuent d’acheter de la pub sur Facebook, malgré le boycottage annoncé
La Monnaie royale canadienne, la SÉPAQ, des musées et des écoles paient encore pour mousser leurs contenus.
Dominique Cambron-Goulet et Nicolas Brasseur
Des dizaines d’organismes gouvernementaux de Québec et Ottawa continuent d’acheter des publicités sur Facebook, malgré les engagements de boycottage pris le mois dernier contre le géant du web Meta.
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«Puisque ces organisations sont liées au gouvernement par leur financement, on serait tenté de penser qu’elles sont tenues aux mêmes lignes directrices, sauf que leur marché est sur Facebook», souligne Bruno Guglielminetti, consultant en communication numérique.
Selon une recension de notre Bureau d’enquête, des organismes sous la gouverne d’Ottawa et de Québec, comme la Monnaie royale canadienne ou la Société des établissements de plein air du Québec (SEPAQ) ont dépensé dans des centaines de publicités depuis le 6 juillet dernier.
La veille, l’ancien ministre du Patrimoine, Pablo Rodriguez, annonçait que le gouvernement fédéral cessait d’acheter des publicités sur Facebook et Instagram.
Une annonce similaire est venue par la suite du premier ministre du Québec, François Legault, pour son gouvernement, puis de la part de nombreuses villes, dont Montréal et Québec.
Ceci se voulait une réponse au géant du web Meta, qui après l’adoption du projet de loi C-18 menaçait de bloquer les contenus des médias canadiens. Une menace qui est devenue réalité depuis mardi.
«Ça a été vite de dire qu’on allait suspendre, mais c’est peut-être un peu plus long à faire. Les organisations qui ont des vocations commerciales, il faut qu’ils recrutent des clients, ce n’est pas juste une question de principe», estime le professeur au Département de communication sociale et publique de l’UQAM, Bernard Motulsky.
Dépenses sur Facebook
Québec: 2 M$ (2021-2022)
Ottawa: Environ 10 M$ par année
Montréal: 580 000$ (2022)
Du même ministre
À Ottawa, nous avons recensé une quinzaine d’organismes qui ont acheté de la publicité sur Meta après l’engagement du gouvernement d’y mettre fin.
La Monnaie royale canadienne à elle seule a acheté 38 publicités depuis le 6 juillet.

Six de ces organismes relèvent directement du ministre du Patrimoine, dont le Musée canadien de l’immigration et le Centre national des arts.
«La directive du gouvernement fédéral n’engage pas le CNA [Centre national des arts]», a répondu sa Directrice générale, Stratégie et Communications, Annabelle Cloutier, soulignant l’«autonomie et indépendance» de la société d’État.
Dans une courte réponse, le ministère du Patrimoine nous a indiqué que la directive s’appliquait «à environ 97 ministères assujettis à la Politique sur les communications et l’identité fédérale» et non à l’ensemble des organisations fédérales.
- Écoutez l'entrevue avec Bernard Motulsky, titulaire de la Chaire de relations publiques et communication marketing à l’UQÀM et professeur en communications à l’émission d’Alexandre Dubé via QUB radio :
Invitées, mais pas obligées
Du côté de Québec, une vingtaine d’organisations, dont des centres de services scolaires, des cégeps, des universités publiques ont «sponsorisé» des publications depuis le 6 juillet.
La SÉPAQ, Héma-Québec et le Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ) sont les plus actifs avec respectivement 37, 24 et 20 publicités.

Le ministère du comité exécutif a indiqué que sa directive s’adressait à «l’ensemble des ministères», mais qu’il y avait plusieurs exceptions pour les organisations.
Celles-ci ont plutôt été «invitées à cesser les placements publicitaires sur Meta».
«Tant qu’on les invite [sans les obliger], je ne pense pas qu’ils vont cesser de faire de la publicité, car c’est là qu’ils rejoignent les gens», croit Bruno Guglielminetti.
Le MNBAQ a affirmé par exemple avoir «pris connaissance» de la recommandation gouvernementale, mais continue ses publicités sur Meta pour l’heure, assurant que seule «une faible proportion» de son budget publicitaire y est consacré.
Même son de cloche du côté de la SÉPAQ qui dit évoluer dans un «marché concurrentiel».
«La Sépaq a néanmoins entrepris pour ses prochaines campagnes une réflexion sur la réorientation de budgets publicitaires destinés à Meta», précise le porte-parole Simon Boivin.
Une exception pour Héma-Québec
Héma-Québec nous a indiqué avoir demandé une autorisation au ministère de la Santé pour continuer ses campagnes publicitaires, en dépit de la directive gouvernementale. Celle-ci a été obtenue pour des raisons de santé.
«[Héma-Québec] juge qu’un arrêt des placements publicitaires géolocalisés sur Facebook et Instagram mettrait à risque l’approvisionnement en produits sanguins et autres produits biologiques au Québec avec des conséquences sur l’état de santé des receveurs», a soutenu son porte-parole, Patrice Lavoie.

Tornade payante pour Meta
Malgré l’annonce par la mairesse de Montréal, Valérie Plante, d’un boycottage de Meta, la Ville de Montréal continuera d’acheter des publicités pour des raisons de «sécurité civile».
Le 13 juillet dernier, Montréal a dépensé entre 500 et 600$ pour promouvoir une publication Facebook relayant une alerte de tornade.
«[La Ville] a pris la décision de sponsoriser les contenus sur Meta lors de situations d’urgence comme pour des avis d’ébullition, d’inondations ou de phénomènes météorologiques importants, pour ne nommer que quelques exemples», a indiqué le porte-parole Gonzalo Nunez
De plus, les organismes liés comme le parc Jean-Drapeau ou BIXI, ne sont pas concernés par cette directive et continuent d’acheter des publicités sur Facebook.
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