De La Fontaine à Duhaime: les conservateurs ont déjà été au pouvoir au Québec


Normand Lester
Sans réussir à se faire élire, Éric Duhaime a quand même ressuscité un parti politique qui était pratiquement disparu depuis plus de 80 ans. Il fait encore parler de lui, ces jours-ci, en essayant tant bien que mal d’obtenir une petite place à l’Assemblée nationale. Revisitons l’histoire de ce parti qui jadis domina la politique au Québec.
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À l’origine, ce qui deviendra le parti conservateur regroupe les partisans de Louis-Hippolyte La Fontaine, qui forment au début des années 1850 le « parti bleu », opposé à l’anticléricalisme et au radicalisme libéral du « parti rouge » de Louis-Joseph Papineau.

Les « bleus » du Bas-Canada, avec à leur tête George-Étienne Cartier, s’allient aux partisans de John A. Macdonald du Haut-Canada pour former un gouvernement de coalition de 1857 à 1862. Cette alliance conservatrice sera à l’origine de la Confédération de 1867.
Le Bas-Canada devient la « province de Québec » et c’est le parti bleu, le parti conservateur, qui forme le premier gouvernement de la province avec Pierre-Joseph-Olivier Chauveau comme premier ministre. Durant les trois décennies qui suivront, huit des dix premiers ministres du Québec seront conservateurs.
L’exécution de Louis Riel
Au début des années 1880, le parti se divise entre ses modérés et sa faction intégriste catholique, les « Castors » ultramontains.

Ses liens avec les conservateurs fédéraux, hostiles aux francophones et au Québec, affectent sa popularité, surtout après la pendaison de Louis Riel en 1885.
Macdonald avait déclaré qu’il « sera pendu même si tous les chiens du Québec aboient en sa faveur ».
Après la mort en 1891 de Macdonald – dont on a déboulonné la statue à Montréal en 2020 –, la coalition Canada/Québec qui forme le parti conservateur fédéral éclate sur la question de l’abolition des écoles françaises au Manitoba (1890).

La désaffection du Québec entraînera la perte du pouvoir des conservateurs à Ottawa aux élections de 1896 et à Québec l’année suivante. Le parti conservateur n’a jamais formé un autre gouvernement à Québec depuis. La répulsion des Québécois pour les conservateurs s’accroît encore lorsque le premier ministre Robert Borden impose en 1917 la conscription, qui déclenchera des émeutes à travers le Québec.
La mort du parti et Duplessis
En 1933, Maurice Duplessis prend la direction du parti conservateur malgré l’opposition du chef démissionnaire Camillien Houde, futur maire de Montréal. L’année suivante, les libéraux au pouvoir se déchirent à leur tour. Des libéraux nationalistes quittent le parti de Louis-Alexandre Taschereau pour former l’Action libérale nationale, qui s’allie avec les conservateurs dans une coalition appelée « Union nationale » qui remporte en 1936 une éclatante victoire.

Soutenu par la majorité des élus, Duplessis devient chef du parti, qui prendra le nom de la coalition. Il conserve un thème de l’ALN qu’il juge rentable : l’autonomie provinciale.
Sauf pour le hiatus 1939-1944, où les libéraux ont repris le pouvoir, l’Union Nationale dominera la politique québécoise jusqu’à la mort de Duplessis en 1959.
Aux élections de 1976, le parti a 11 élus. Il ne fera plus jamais élire de député par la suite.
Pour en revenir au Parti conservateur du Québec, il ne présenta que trois candidats aux élections de 1939, qui n’obtiendront que moins de 1 % des voix. Il disparaîtra peu après... avant d’être refondé en 2009. Il obtient 0,18 % des suffrages à l’élection de 2012. Adrien Pouliot en devient chef en 2013 pour céder sa place en 2021 à Éric Duhaime, un ancien de l’ADQ.
Sous sa direction, le PCQ récoltera 13 % des voix, mais n’aura aucun élu.