La pause de Michel Charette lui a permis de se relever
La deuxième saison de «Vestiaires» est présentée le mercredi à 20 h sur AMI-télé.
Daniel Daignault
Sollicité de toutes parts pour une multitude de projets, l’acteur a ressenti le besoin de s’accorder une pause de quelques mois. Après un repos salvateur qui lui a permis de recharger ses batteries, il se sent d’attaque et entrevoit de beaux projets pour l’avenir. Il se confie sur son cheminement.
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Tout d’abord, Michel, comment vas-tu?
Ça va super bien, je suis très en forme! Je ne reviens pas de si loin, et sincèrement, ç’a été une pause extrêmement profitable. Je me suis écouté. J’ai eu besoin de m’arrêter parce que je m’en allais tout droit dans le mur. Au lieu de fesser dans le mur à 120 km/h, je l’ai fait à 45 km/h.
Tu ressentais donc une réelle urgence de t’éclipser?
J’avais déjà un genou à terre, et avant de mettre le deuxième et que ça me prenne des années à m’en remettre, j’ai décidé d’arrêter. C’est connu, je fais de l’anxiété. Je savais où je m’en allais, mais je voyais ça pire, plus grave que les autres fois. J’ai fait la liste des projets de mes quinze dernières années, environ, et j’ai réalisé que je n’avais pas arrêté deux minutes. Les quotidiennes, les téléséries, l’animation de galas, le spécial Les Boys, l’écriture de pièces avec François (Chénier), mon one man show et l'animation à la radio: ça en faisait beaucoup. Les gens voient beaucoup le côté professionnel, mais il y a aussi le côté personnel: les enfants, ma blonde qui est retournée aux études, à Sherbrooke, en droit... Ç’a été comme un gros tourbillon. Quand tu es dedans, ça va, tu ne le sens pas. Mais à travers tout ça, je suis aussi allé tourner deux saisons de Marco Lachance à Québec, l’une à la suite de l’autre. J’avais de la pression parce que c’était mon projet, mais je n’ai pas écrit une ligne de cette émission-là... Bref, tout ça représentait beaucoup de travail.
En plus, tu préparais ton spectacle...
Oui! Quand ces tournages ont été terminés, j’étais vraiment fatigué, physiquement et mentalement, et je voyais les rodages de mon one man show arriver. J’en avais déjà repoussé, je n’arrêtais pas de les remettre, et c’est là que j’ai décidé de m’asseoir avec l’équipe de production de Marco Lachance, qui produisait mon spectacle. Je leur ai dit que je pouvais continuer, mais que je me sentais fragile. Avant de lancer la machine, j’ai voulu prendre un pas de recul, respirer, m’occuper de ma famille et de moi.
Comment ton entourage a-t-il réagi?
Tout le monde a été extraordinaire! Ils m’ont dit qu’ils me suivaient là-dedans et que l’important, c’était ma santé physique et mentale. J’ai arrêté, je me suis retiré des réseaux sociaux et j’ai pris du recul. Ça m’a permis de passer plus de temps avec mes enfants. Je suis un vieux papa! Ils sont jeunes, mais moi je n’ai plus 30 ou 40 ans, et je veux être en forme. Ma fille a 15 ans et mon gars en a 11. Il faut que je sois là pour eux. Ils ont été extraordinaires quand j’ai pris ma pause. Ils m’ont dit que c’était cool, qu’ils allaient être présents et m’aider. Ils n’ont pas fait de cas avec ça. Et je ne peux pas demander mieux que ma blonde comme partenaire de vie, autant comme amoureuse que comme mère de famille. Elle m’a appuyée et m’a dit de ne pas m’inquiéter et de prendre le temps qu’il fallait. Elle a été longtemps à la maison, et avec son retour aux études, je sais qu’elle va s’épanouir. Je suis fier d’elle. Pendant trois ans, elle a fait la route Montréal-Sherbrooke trois fois par semaine pour aller étudier, en plus de son Barreau, qui demande énormément de travail! Maintenant, on récolte un peu ce qu’on a semé, et c’est ça qui est beau!
Quels gestes as-tu posés pour prendre soin de toi?
J’ai mis des choses en place. J’ai appelé Martin Binette, qui a travaillé pour un organisme qui aide les gens aux prises avec l’anxiété et la bipolarité. Il a un balado intitulé Entre les deux oreilles. C’est un grand anxieux, il a fait plusieurs épuisements professionnels. Je lui ai dit que j’étais là-dedans et je lui ai demandé ce que je devais faire. Il m’a d’abord suggéré de prendre soin de moi et de décrocher. Regarder des séries télé, aller marcher... C’était parfait, c’est ce que je voulais entendre. Ensuite, j’ai élaboré un programme avec mon entraîneur, parce que je ne voulais pas arrêter de bouger. J’ai aussi poursuivi ma thérapie avec ma psychologue, que j’ai vue plus souvent. Faire le ménage dans sa tête, de temps en temps, ça fait du bien. Mes amis ont aussi été là pour moi. Quand tu traverses ce genre de période, il y a quatre choses que tu ne peux pas arrêter de faire: dormir, manger, bouger et, surtout, parler. Il y a plein de gens dans ce genre de situation qui ne parlent pas. Ils gardent ça pour eux, mais ça ne fait qu’empirer les choses. Dans ce temps-là, ça peut prendre encore plus de temps à s’en remettre. Avec mon expérience de vie – ça m’est arrivé quand j’avais 54 ans –, je savais quoi faire et j’ai mis des choses en place. J’ai eu une vague d’amour comme tu n’as pas idée...
Est-ce que des gens t’ont écrit pour t’encourager?
Oui, à la fois des personnes du public et des gens du milieu. Des acteurs, des actrices, des animateurs extrêmement connus, mais que je ne côtoie pas... J’ai reçu beaucoup de messages. Ils me disaient qu’ils savaient ce que je vivais, qu’ils l’avaient vécu aussi, et que je devais prendre le temps de bien me reposer. Certains m’ont réécrit semaine après semaine pour savoir comment j’allais. Ç’a été extraordinaire de recevoir tous ces témoignages. C’était comme une déferlante d’amour. J’ai été choyé. Je n’étais pas encabané: je sortais, j’allais manger au resto, et chaque fois, il y avait quelqu’un pour me demander si j’allais bien et me rappeler de penser à moi.

Te sens-tu maintenant prêt à reprendre le boulot?
Oui, plus que jamais! Je suis en forme, mais il y a des choses que je ne referais plus. Je ne reprendrais pas le rythme de travail que j’avais avant... Pour citer le chanteur Patrice Michaud quand il a fait son arrêt: «C’est un métier extraordinaire, mais c’est un métier qui use.» Quand je sors de chez moi, je suis toujours en représentation, parce que les gens m’accostent, ils viennent me parler, et ça me fait plaisir. Je te dirais que la journée où les gens vont arrêter de me parler, c’est là que ça va mal aller. En plus, quand on joue, il faut performer à chaque prise, au rythme de travail qu’on connaît aujourd’hui. Sam Breton, Claude Legault, Jean-Philippe Wauthier, Peter Macleod: il y en a plein qui ont ressenti le besoin de faire une pause, et c’est bien correct. On est tous des pigistes dans ce milieu-là, et quand on reçoit des offres, on en prend, on en prend encore... À un moment, je faisais District 31, Les pays d’en haut et Le bonheur, entre autres. Je ne peux pas me plaindre, parce que ce sont tous des projets qui ont cartonné, et j’étais heureux. Je touche du bois, car je n’ai jamais eu à faire autre chose pour gagner ma vie depuis que je suis sorti du Conservatoire, en 1992. Je suis privilégié et je n’ai jamais tenu ce métier-là pour acquis. Mais la décision que j’ai prise d’arrêter pendant quatre mois a été la meilleure de ma vie.
As-tu des projets en tête?
Je continue de créer mes propres affaires: une pièce de théâtre avec François (Chénier) et notre mentor, Louis Saia; une série avec Vincent-Guillaume Otis; une autre série avec Marie-Joanne Boucher... Je travaille beaucoup avec Jessica Barker et Vincent Bolduc, aussi. On démarre des projets. Au début de 2026, je vais jouer au Rideau Vert dans la pièce À toi, pour toujours, ta Marie-Lou de Michel Tremblay, aux côtés notamment de Madeleine Péloquin. Il y aura ensuite une tournée.
As-tu peur de t’en mettre trop sur les épaules?
Non, parce que ce sont mes affaires à moi, je travaille à mon rythme. Je ne suis pas un auteur dans la vie, je ne suis pas un scénariste, mais je veux développer ce côté-là. J’ai décidé de suivre des formations. Je veux travailler avec des gens pour avoir une structure et développer cette expertise-là. Quand c’était le temps de faire le rodage de mon spectacle, j’ai ressenti un trac pas possible! Je suis habitué de travailler en gang, d’être avec d’autres personnes sur scène ou sur un plateau de tournage. Je ne fais pas d’anxiété quand c’est en lien avec mon métier, parce que je sais ce que j’ai à faire. Je suis travaillant, je suis préparé, et je pense que je ne suis pas si pire comme acteur. J’ai de l’expérience. Mais quand je me suis retrouvé seul pour mon one man show, j’ai tout remis en question. J’ai réalisé que c’était un métier en soi. J’aimerais faire des premières parties de spectacles, casser des numéros lors de festivals... Je vais aller faire mes classes.
Donc, ton spectacle solo va attendre?
Oui, et quand viendra le temps de le faire, dans deux ou trois ans, je sais que les gens seront heureux de venir me voir. Plusieurs personnes du milieu, comme Simon Delisle, Laurent Paquin, Réal Béland et Stéphane Poirier, m’ont offert de m’aider pour mon spectacle. Ça m’a agréablement surpris. Ils m’ont tous offert leur expertise.
Que retires-tu de cette période de repos?
J’ai découvert qu’il y avait autre chose dans la vie que la performance. Il faut s’écouter et ne jamais avoir peur de demander de l’aide. Il y a plusieurs années, je vivais une grosse période d’anxiété et je suis allé à un studio de yoga et de méditation qui appartenait à Nicole Bordeleau et à Hélène Dalair. Avant de commencer, Nicole a prononcé des paroles qui me sont restées en tête: «Il y a quelque chose à savoir de bien important: dans la vie, tout passe...» Vous êtes anxieux? Ça va passer. Vous êtes heureux? Ça va passer. Vous êtes colérique? Ça va passer. C’est rentré par une oreille et ce n’est jamais ressorti! Mon objectif est donc d’être fidèle à mon plan et de me fier au processus. Trust the process and stick to the plan. Avec cette mentalité-là, tu ne peux pas ne pas t’en sortir. C’est drôle de dire ça maintenant, mais cette pause-là n’a été que positive pour moi, mais aussi pour ma blonde et nos enfants. Je me suis donné le droit d’arrêter. Je me suis mis en arrêt de travail par choix et j’ai profité de ces moments-là à fond.
Dirais-tu que tu es plus heureux aujourd’hui qu’il y a un an?
C’est le jour et la nuit. J’ai toujours été relativement heureux dans ma vie et dans mon métier. Mais aujourd’hui, je suis beaucoup plus équilibré, plus posé, et je suis aussi beaucoup moins dans l’urgence d’accomplir quelque chose.