David Goudreault rappelle l'urgence d'agir pour protéger le français au Québec dans «Ta langue!», un collectif où 12 autres écrivains s'expriment sur le sujet
Premier livre de la nouvelle maison d'édition québécoise Le Robert Québec


Marie-France Bornais
Dans Ta langue!, un recueil à plusieurs voix, le romancier, poète et chroniqueur David Goudreault a réuni 12 amoureux de la langue française, qui viennent parler de leur langue, la chanter et la célébrer, en partageant leur opinion. Rachida Azdouz, Normand Baillargeon, Marie-France Bazzo, Mélanie Béliveau, Stéphan Bureau, Edith Butler, Mélissa François, Frédéric Lacroix, Jean-François Létourneau, Maya Cousineau Mollen, Francis Ouellette et Michel Tremblay s’expriment en toute liberté dans l’ouvrage inaugural de la maison d’édition Le Robert Québec. Et David Goudreault nous sert un rappel bien senti de l’importance d’agir ici et maintenant. Pour lui, il est «trop tard moins quart».

En route pour un spectacle présenté à Roberval, David Goudreault a pris le temps de commenter, en entrevue, cet ouvrage qui lui tient à cœur. Il partage dans Ta langue! ses préoccupations par rapport à la langue française et à la culture, ici, au Québec.
«Autant pour accepter de diriger cet ouvrage collectif que de moi-même écrire sur le sujet, je n’avais ni le temps ni l’énergie à ce moment-là. Mais en même temps, c’est tellement une bataille importante que j’ai accepté quand même. Il a fallu que je porte ce projet-là à bout de bras, en très peu de temps. On avait quelques mois pour arriver à la rentrée d’automne. Je trouvais ça important aussi que ce livre soit la première publication de la nouvelle maison d’édition Le Robert Québec.»
Développer une pensée plus élaborée
Son engagement est «viscéral», appuie-t-il. «Ça fait longtemps que j’écris sur la langue. Ça fait longtemps que je m’en préoccupe. J’ai plusieurs chroniques écrites. Je l’ai fait aussi à la télé, en entrevue. Mais là, je voulais pouvoir développer une pensée plus élaborée dans un texte qui allait s’imbriquer à travers d’autres réflexions.»
Il a donc voulu rassembler des voix différentes, avoir une «véritable polyphonie». «Au Québec, souvent, les essais et ouvrages collectifs ressemblent aux chambres d’écho qu’on va retrouver sur les réseaux sociopathes.»
«Ce que je voulais, c’était de ne pas être d’accord avec tous les textes. C’était important qu’il y ait des points de vue différents et que quelqu’un qui lit le livre soit confronté, choqué, brassé d’une façon ou d’une autre par ces idées.»
L’urgence d’agir
David Goudreault voit l’urgence d’agir pour protéger le français, au Québec. «Selon moi, il est trop tard moins quart. On est sur un continent anglophone, une planète anglophile. Malgré toutes les tensions internationales et les contestations envers le modèle occidental, il y a quand même encore une très grande force, notamment américaine, et l’anglais demeure la langue du commerce et de la guerre.»
«Nous, notre petite exception, notre petit 2% de population, en Amérique du Nord, notre particularité qui devrait faire notre force, trop souvent, est considérée comme un handicap. On est en train de la voir s’effriter, partout. Pas seulement à Montréal et Laval.»
«Même chez les jeunes de Québec, de Trois-Rivières, de Sherbrooke, on voit de plus en plus une préférence pour les termes en anglais, parfois même des phrases complètes en anglais. Les communications sur les réseaux sociaux se font en anglais. Les identifications sur les photos de profil aussi.»
«J’ai la chance de me promener dans les écoles: j’ai vu des milliers d’élèves au cours des 15 dernières années. Je le constate sur le terrain. Les jeunes sont super allumés et il y en a beaucoup qui veulent parler la langue. Mais il y a une réalité qui est une exacerbation de l’utilisation de l’anglais au quotidien, pour les jeunes, et pour la société en général.»
Ta langue!
Collectif dirigé par David Goudreault
Éditions Le Robert Québec
208 pages
▶ En librairie le 4 octobre.
- Le Robert Québec est une nouvelle maison d’édition québécoise, avec comme colonne vertébrale, le français au Québec, qui s’adresse à tous les amoureux, défenseurs ou militants de la langue.
«Troublant paradoxe: alors que fleurissent les polémiques, que se complexifient les rapports sociaux et que notre langue est mise à mal de mille manières, nous assistons à l’effondrement des remparts médiatiques, ceux-là mêmes qui auraient pu, et auraient dû, nous aider à réfléchir l’époque. Les plus importants diffuseurs, au privé comme au public, suppriment des centaines de postes, les quotidiens régionaux arrêtent définitivement leurs presses et même les miettes numériques d’une information relevant plus souvent de la chronique ou du militantisme que du journalisme se voient bloquées par les multinationales voraces derrière les incontournables réseaux sociaux.»
- David Goudreault, Ta langue!, Éditions Le Robert Québec
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