Dany Turcotte: confidences sur son nouvel amoureux
«Les Belhumeur: Roman à l’eau de vaisselle», de Dany Turcotte est disponible en librairie.
Samuel Pradier
Après avoir publié sa biographie, Dany Turcotte signe son premier roman, Les Belhumeur, une plongée dans l’univers d’une famille dysfonctionnelle menée par un père toxique sur fond d’homophobie. Il a également accepté de nous parler de son nouvel amoureux, d’origine thaïlandaise.
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Danny, comment a germé la trame narrative de cette histoire d’une famille de banlieue?
Je voulais travailler sur le sujet de l'homophobie, parce que c'est quelque chose qui me touche. Il y a beaucoup de gens qui m'ont fait des témoignages parce que j'étais une personnalité publique homosexuelle, j'attirais les confidences. Je suis un peu comme un parc éponge de Montréal: sans le vouloir, je retiens les histoires qu’on me raconte, et ce sont souvent des histoires dramatiques. Quand je me suis mis à écrire, cette histoire est arrivée... Il y avait le thème de l'homophobie, il y avait aussi la famille, un sujet universel. Tout le monde vient d'une famille, et toutes les familles ont des problèmes. J'ai décidé de mettre dans ce roman toutes les bébites qui m'habitaient.
Aviez-vous déjà pensé devenir romancier?
Après avoir quitté Tout le monde en parle, j’étais en reconstruction, et j'ai commencé à écrire ma biographie. Quand je l’ai fini, je n’étais pas rassasié et je me cherchais un projet, un exercice pour essayer de m'accrocher à quelque chose. Je me suis dit que j’allais commencer un roman pour le fun. De jour en jour, l’histoire se construisait. Je n’avais pas de plan, mais j’avançais l'histoire. Chaque jour, j'avais comme un projet pour le lendemain, et je me suis rendu compte que ça m’habitait. Je travaillais 2-3 heures par jour. Ensuite, je partais à vélo et je continuais à travailler dans ma tête. Il m’est même arrivé de m’arrêter sur le bord des pistes cyclables pour prendre des notes. J’étais tellement content que je roulais là-dessus toute la journée, j'étais heureux. L’écriture est une belle activité, valorisante et intéressante. Je trouve qu'à mon âge, c'est quelque chose qui me va bien, il y a moins de pression.
Dans votre roman, l’homophobie du père est particulièrement destructrice. Avez-vous connu ça dans votre propre famille?
Ce n'est pas de l'autofiction et mon père n'était vraiment pas homophobe. Au contraire, mon père avait une ouverture d'esprit et ma famille aussi. Par contre, il fait partie de cette génération d’hommes qui ne parlaient pas beaucoup. C'était un homme de peu de mots qu'il fallait lire par ses gestes d'affection. Parfois, il allait jusqu'à te mettre la main sur la tête, et pour lui, c'était une explosion d'amour. Il fallait juste le savoir. Quand il en arrivait là, ça voulait dire qu'il était vraiment heureux de te voir et qu'il était content.
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Le fils de la famille est obligé de suivre une thérapie de conversion alors qu’il est adolescent. Avez-vous fait beaucoup de recherches sur le sujet avant d’en parler?
J’ai suivi avec la Fondation Émergence un séminaire sur les thérapies de conversion durant lequel il y avait des témoignages de gens qui en avaient subi. Je me suis inspiré de tout ce que j'ai entendu dans ce séminaire-là. On peut parfois avoir l'impression que ça ne se peut pas, que c'est de la science-fiction, mais c’est arrivé au Québec. Ça se fait même encore, en ligne, aux États-Unis. Il y a encore des religions américaines extrémistes qui vont encore offrir des thérapies de conversion, même s’ils ne les appellent plus comme ça.
Un des personnages du livre fait son coming out, geste absolument nécessaire pour sa survie. Est-ce inspiré d’histoires que l’on vous a racontées?
Oui, ce sont des choses qu'on m'a racontées. J'ai vu des jeunes de 23 ans se faire mettre dehors de leur famille parce qu'ils étaient homosexuels, encore aujourd’hui. Et le rejet peut venir autant du père que de la mère. Moi, je n'étais pas nerveux, parce que j'avais 17 ou 18 ans. J'étais très jeune et très naïf et il n'était pas question que je me cache. J’ai fait mon coming out durant un party de Noël un peu alcoolisé. Finalement, ç’a passé comme dans du beurre, parce que ma famille est très ouverte d'esprit.
Votre coming out s'est bien passé dans votre famille, mais vous avez déjà dit que votre père n'en avait jamais reparlé après. Était-il dans le déni?
C’était dans sa façon d'être, dans le silence des hommes de cette époque. Mon père, il en a parlé une fois, mais il a habité chez nous, avec mon chum. Il savait très bien qu'on était des amoureux. Un jour, on a eu une chicane et on est allé souper, mon père et moi. C’est là qu’il m’a dit: que ce soit un gars, que ce soit une fille, l'amour, c'est de l'amour. C'est la seule fois qu'il a mentionné ça. C’était quatre mots, mais ils voulaient dire beaucoup. C’était sa façon de me dire qu’il m’aimait et qu’il était content pour moi.
Dans le roman, le fils retrouve son amour de jeunesse et reprend son histoire avec lui. Est-ce un fantasme pour vous?
La scène où le père les surprend, quand ils sont jeunes, est quand même assez traumatisante. Je trouvais intéressant d'aller rechercher ce gars et de raconter son cheminement difficile de bisexuel avec des enfants. Je trouvais le fun qu'ils se reconstruisent ensemble après avoir été séparés de façon violente. Je pense que tout le monde a un peu le fantasme de retrouver son amour de jeunesse, parce que c’est souvent le premier amour qui va nous marquer toute notre vie. Moi, mon premier amour de jeunesse, c'est Émile Gaudreault, le cinéaste qui était dans le Groupe Sanguin. On est encore amis aujourd'hui, on se voit souvent. Il y a un respect mutuel et une complicité qui est restée entre nous.
Et où en est votre vie amoureuse, aujourd’hui?
J'ai un nouveau conjoint depuis un an et demi. Je suis en couple avec un Thaïlandais qui habite Montréal depuis sept ans. Il s’appelle Saran, mais le nom que tout le monde utilise c’est Rain. Je suis déjà allé à Bangkok pour rencontrer sa famille. Ce n’était pas forcément prévu, mais comme il partait là-bas, je suis allé avec lui. J’y ai passé pratiquement un mois et j'y ai rencontré beaucoup de gens. Sa famille a une usine de fabrication d'uniformes scolaires et j'ai rencontré ses deux tantes qui gèrent l’usine ainsi que son père. Il m'a fait connaître Bangkok comme jamais je n'aurais pu la connaître en tant que simple touriste. C'était extraordinaire.
Quelle est son activité?
C'est un contre-ténor, et il donne actuellement des cours de chant d’opéra. Il adore enseigner, il donne même des cours en ligne, la nuit, à des gens qui sont en Thaïlande ou en Australie. Il a des étudiantes à qui il a commencé à enseigner à 8 ans, qui sont rendues à 16 ans et qui passent des auditions pour entrer dans de grosses productions en Thaïlande. Il est venu tout seul au Québec pour étudier parce qu’il avait entendu que l’université McGill offrait un bon cours d'opéra. Finalement, il s’est accroché les pieds ici, même s’il n'aime pas l'hiver. Il est drôle, parce qu'il fait une fixation sur le soleil. Les Asiatiques s'occupent beaucoup de leur peau, plus que nous, et il m’envoie régulièrement des articles sur l’utilisation de crème solaire pour empêcher de vieillir.
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