Coupable d’agressions sexuelles: l’ex-moniteur scout Raphaël Bélisle demande un nouveau procès
Guillaume Cotnoir-Lacroix
Coupable d’agressions sexuelles sur trois adolescentes, l’ex-moniteur scout Raphaël Bélisle était entendu en appel lundi, au palais de justice de Sherbrooke. M. Bélisle conteste non seulement sa culpabilité, mais aussi la peine de trois ans d’emprisonnement qui lui a été imposée par le juge Serge Champoux.
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M. Bélisle avait été trouvé coupable d’attouchements sur trois jeunes filles au terme d’un procès de quelques jours. Parmi les gestes reprochés, l’accusé s’était placé en position de «cuillère» avec l’une des victimes sans son consentement alors qu’elle s’apprêtait à s’endormir. Elle avait tenté de se défaire de son emprise. Il avait aussi assis sur lui certaines des victimes alors qu’il se trouvait en érection. Les gestes se sont produits à son appartement de Sherbrooke, mais aussi lors de séjours organisés, d’une part dans un chalet en Estrie, puis en Floride.
La défense allègue d’abord et avant tout plusieurs erreurs qu’aurait commises le juge et demande un nouveau procès pour l’accusé.
Lors de la deuxième journée du procès, Raphaël Bélisle avait choisi de témoigner pour sa défense et son audition avec les questions de son avocat avait débuté. Au retour d’une pause, la Couronne avait indiqué avoir une nouvelle preuve à déposer. Il s’agissait d’images et de vidéos. Le juge Serge Champoux, à ce moment, a refusé que l’accusé puisse bénéficier d’un moment pour discuter de cette nouvelle preuve avec son avocate.
«La règle, c’est qu’un accusé a droit à l’assistance de son avocat, tout au long des procédures, a argué Me Hugo T. Marquis, l’un des deux avocats de l’accusé pour cet appel. L’erreur du juge, ici, elle est grave, manifeste et déterminante», a-t-il poursuivi.

«L’erreur n’a pas été sans conséquence, pas du tout. L’accusé a été contre-interrogé rigoureusement sur la nouvelle preuve et le juge en tient compte dans son jugement», a indiqué l’avocat de l’accusé.
Le vétéran juge de la Cour supérieure Martin Bureau, qui entend l’appel, n’a pas caché que cet argument de la défense allait être l’une des «clés» de sa décision sur le verdict de culpabilité.
«Ma première réaction, c’est que ça n’avait pas de bon sens. Voyons donc!» a mentionné le juge de l’appel ce matin, qui s’est ouvertement dit «inquiet» de cette potentielle erreur du juge de première instance.
Le procureur de la Couronne Louis Fouquet a le mandat de défendre la décision du juge Serge Champoux et ne partage toutefois pas le point de vue de la défense et les inquiétudes du juge de l’appel.
«Pour moi, c’est assez élémentaire qu’un accusé qui a débuté son interrogatoire ne peut en aucun temps bénéficier d’un moment pour discuter de son témoignage avec son avocate», a estimé Me Fouquet en salle d’audience.
Le juge Bureau a promis de se pencher sur la jurisprudence pour déterminer si le juge Champoux était tenu ou non d’accorder un délai à Bélisle pour qu’il puisse consulter son avocate concernant cette nouvelle preuve.
Des témoignages vidéo n’ont pas été écoutés en raison d’un problème technique
Il n’est pas rare dans des dossiers de nature sexuelle impliquant de jeunes victimes que leurs témoignages vidéo soient déposés en preuve à la cour, plutôt que les victimes soient forcées de raconter de nouveau leur histoire. Dans ce contexte, elles subissent un contre-interrogatoire par la défense, mais ne sont pas questionnées par la Couronne.
La pratique courante veut que dans le cadre de ces permissions spéciales, les interrogatoires vidéo soient tout de même présentés et regardés en salle d’audience. Un problème technique a toutefois empêché le visionnement des interrogatoires et le juge Champoux a convenu de les regarder plus tard et le procès s’est poursuivi.
La défense estime que le juge a erré en regardant, seul, les vidéos, plutôt qu’ils soient présentés devant les victimes. «Les avocats doivent pouvoir voir les réactions des victimes, leur gestuelle pendant qu’elles regardent les vidéos», estiment les avocats de Bélisle, qui croient que cette permission doit être utilisée «de façon rigoureuse, pas à la légère».
Ni la défense ni la Couronne n’ont pu trouver des cas de jurisprudence où le visionnement des vidéos des victimes a été fait ailleurs que dans la salle d’audience.
«Les millions d’heures de visionnement en salle de cour qu’il y a eu [depuis toujours], finalement ça aurait pu être fait ailleurs qu’en salle de cour?» s’est demandé Me T. Marquis.
Une peine trop sévère?
À défaut d’obtenir un nouveau procès, Raphaël Bélisle et ses avocats demandent une réduction de la peine de trois ans qui lui a été imposée par le juge Champoux. La défense avait à l’époque plaidé pour une peine de neuf mois.
La défense reproche au juge de première instance d’avoir erré dans sa pondération des facteurs aggravants et atténuants. À titre d’exemple, le juge retient que Bélisle nie toujours sa culpabilité et il critique son manque d’empathie à l’égard des victimes.
«Qui s’excuse s’accuse, a toutefois pointé Nicolas Lemyre-Cossette, lui aussi avocat de l’accusé. Selon moi, c’est évident que dans le cas de M. Bélisle, il ne l’a jamais caché à personne, il a toujours nié sa culpabilité», a-t-il rappelé. Le tribunal ne peut en effet retenir la tenue d’un procès comme facteur aggravant.
Me Lemyre-Cossette a également présenté de la jurisprudence qui montre qu’une décision sur la peine du juge Champoux a déjà été cassée en appel pour la même raison.
«Vous avez devant vous malheureusement un juge qui continue de perpétrer une erreur en reprochant presque systématiquement aux accusés qu’il déclare coupable de continuer à clamer leur innocence. Dans ce cas-ci, vous avez une concession du ministère public à l’effet qu’il s’agit d’une erreur», a soulevé l’avocat de défense.
Pour la Couronne, Me Fouquet a reconnu qu’il considérait aussi qu’il s’agissait d’une erreur du juge, or il estime que l’impact de cette erreur est limité.
«Même en omettant ce facteur aggravant là qu’il a retenu, je vous soumets que la peine était tout à fait appropriée dans les circonstances», a-t-il débuté.
Me Fouquet a rappelé que pour deux des trois victimes, les conséquences à court terme étaient peut-être «un peu moins importantes», mais que ces victimes allaient «nécessairement présenter des conséquences à long terme».
Il a toutefois mis l’accent sur le fait que les trois victimes avaient un lien privilégié de confiance avec l’accusé. L’une d’elles a effectivement subi des impacts majeurs, qualifiée de «déchéance», après avoir dénoncé son agresseur.
«Elle se sentait à l’aise avec lui, c’était la personne en qui elle avait le plus confiance. Elle a subi de l’intimidation à l’école, elle a voulu lâcher l’école. Elle n’a pas été crue par ses pairs. Angoisse. Cauchemars», a énuméré le procureur.
La défense considère aussi que le juge Champoux a accordé trop peu d’importance à son jeune âge – il avait 24 ans au moment des faits – et trop d’importance à son risque de récidive considéré «dans la moyenne».
Le juge Bureau doit rendre sa décision au cours des prochains mois.