«Convoi de la liberté»: l'Alberta voulait l'aide de l'armée


Anne Caroline Desplanques
OTTAWA – L’Alberta a réclamé le soutien de l’armée pour en finir avec le blocus imposé par le Convoi de la liberté à Coutts, un petit village frontalier collé sur la frontière américaine, en février dernier.
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C’est ce qu’on a pu apprendre ce matin à la Commission d’enquête sur les mesures d’urgence où témoigne Marlin Degrand, le sous-ministre adjoint, Division de la sécurité publique du ministère de la Justice de l’Alberta.
«Nous avons demandé du soutien logistique, mais ça nous a été refusé», a-t-il déclaré, indiquant que l’Alberta avait demandé l’aide de l’armée pour remorquer les camions qui ont bloqué le passage frontalier entre le 29 janvier et le 14 février.
M.Degrand a expliqué que la province souhaitait que des engins militaires puissent être utilisés ou au moins qu’on lui envoie des réservistes pour conduire des remorqueuses, puisque les compagnies privées de remorquage refusaient d’assister les services de police.
Le 8 février, le ministre fédéral de la Protection civile, Bill Blair, indiquait à son homologue de l’Alberta être en discussion avec la ministre de la Défense, Anita Anand, afin d’évaluer quelle aide les Forces armées canadiennes (FAC) pourraient fournir, d’après un échange de textos présenté en preuve.
Quelques jours plus tôt, le 3 février, le gouvernement fédéral s’était déclaré prêt à répondre aux demandes de soutien. « Mais pour l’instant, ce n’est pas quelque chose qu’on est en train de regarder, d’envoyer les Forces armées contre les citoyens canadiens », soulignait alors le premier ministre Justin Trudeau.
Neuf jours plus tard, le 11 février, il déclarait « c’est une solution de dernier, dernier, dernier, dernier, dernier recours. [...] Il y a tellement d’autres étapes qu’on peut, et qu’on est en train d’utiliser, on n’est pas rendu là encore. Loin de là ».
«Vous ne nous avez pas aidé»
Le lendemain, le 12 février, l’Alberta fournissait des remorqueuses d’occasion à la GRC pour qu’elle intervienne à Coutts. Mais finalement, c’est la saisie d’un arsenal d’armes, le 13, qui a mené à la levée de la barricade ont indiqué les témoins devant la commission ces derniers jours.
« La vérité c’est que Coutts était réglé le 14. Et nous nous sommes procuré nos propres remorqueuses parce que vous ne nous avez pas aidé », a cinglé le ministre albertain des Affaires municipales, Ric McIver, dans un texto envoyé au ministre Blair.
Tandis que celui-ci lui demandait s’il approuvait l’invocation de la Loi sur les mesures d’urgence, M.McIver a répliqué : «Non. Vous avez agi trop tard et vous l’avez mal fait»
Le 19 février, le gouvernement de l’Alberta annonçait une poursuite contre le gouvernement fédéral pour le recours «injustifié» à la Loi des mesures d'urgence.
Le premier ministre Jason Kenney déclarait alors que le recours à la loi était «inutile» et «disproportionné», représente une intrusion dans les compétences provinciales et créait un dangereux précédent.
Windsor avant Ottawa
À l’inverse, son homologue de l’Ontario Doug Ford s’est, lui, déclaré totalement en faveur de cette Loi. M.Ford a refusé de témoigner devant la commission.
Des échanges entre le premier ministre de l’Ontario et le premier ministre Justin Trudeau ont cependant été déposés en preuve aujourd’hui au cours du témoignage du sous-solliciteur général de l’Ontario, Mario Di Tommaso.
«La police et le maire d’Ottawa ont totalement mal géré ça», peut-on lire M.Ford dire à Justin Trudeau. Mais c’est surtout le blocus du pont transfrontalier, à Windsor, qui inquiétait Doug Ford.
«Le plus gros pour nous et pour le pays, c’est le pont Ambassador», dit-il.
Comme lui, le premier ministre Trudeau se montre particulièrement inquiet des impacts de ce blocus pour l’économie du pays et les emplois, au moment même où son gouvernement travaille à attirer des investissements au pays.
C’est d’ailleurs en raison des impacts économiques que la police provinciale de l’Ontario a placé Windsor avant Ottawa dans sa liste de priorité d’intervention, a dit M.Di Tommaso.
La faute aux autres
Selon lui, la police d’Ottawa faisait adéquatement son travail avec le soutien de la police provinciale. Interrogé à savoir si selon lui l’ordre public régnait à Ottawa, il a répondu par l’affirmative. Il s’est vivement opposé aux déclarations des témoins de la Ville d’Ottawa, y compris le maire Jim Watson, qui ont déclaré que la province n’avait pas soutenu suffisamment la municipalité.
«Je n’accepte pas ça du tout, a dit M.Di Tommaso sur la défensif et peu coopératif. La province était très engagée auprès de la Ville d’Ottawa.»
Selon lui, c’est plutôt le gouvernement fédéral qui tentait de «se laver les mains» du problème. Ces dernières semaines, la commission a plutôt entendu que c’est Doug Ford qui tentait de se laver les mains de la crise «pour des raisons politiques».