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L'article provient de Le Journal de Montréal
Culture

Controverse autour du film «Le brutaliste»: l’IA à l’assaut des salles de cinéma

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Isabelle Hontebeyrie

2025-01-25T13:00:00Z
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La biographie de Laszlo Toth, personnage de fiction incarné par Adrien Brody, est le film favori en cette saison des remises prix qui va culminer avec la cérémonie des Oscars, toujours prévue le 2 mars prochain. Or, un scandale secoue désormais Hollywood puisque le réalisateur Brady Corbet a eu recours à l’intelligence artificielle. Explications... 

Le brutaliste, présenté à Venise en septembre dernier et récipiendaire du Lion d’argent de la meilleure réalisation, a également obtenu trois Golden Globes lors de la cérémonie du 5 janvier dernier, dont la statuette du Meilleur film dramatique. Le long métrage-fleuve de 215 minutes suit Laszlo Toth, un Juif hongrois survivant de la Shoah. Ayant émigré aux États-Unis après la guerre et marié à Erzsebet (Felicity Jones), Laszlo devient l’architecte de Harrison Lee Van Buren (Guy Pearce), un homme qui se révélera être particulièrement violent.

Adrian Brody dans «Le brutaliste» de Mel Gibson.
Adrian Brody dans «Le brutaliste» de Mel Gibson. PHOTO FOURNIE PAR ENTRACT FILMS

Depuis septembre, rien ne laissait présager un quelconque scandale... jusqu’au week-end dernier. En effet, dans une entrevue publiée par le magazine RedShark News, qui s’intéresse aux technologies, le monteur du film, David Jancso, explique la manière dont le film a été fait. Il parle ainsi du choix de la caméra VistaVision, employée notamment par Alfred Hitchcock dans La mort aux trousses et Sueurs froides. Il mentionne le montage, puis glisse vers l’intelligence artificielle.

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«Je suis de langue maternelle hongroise et je sais que c’est l’une des langues les plus difficiles à apprendre à prononcer. Même avec les origines hongroises d’Adrien – (la mère de Brody est une réfugiée hongroise qui a émigré aux États-Unis en 1956) –, ce n’est pas si simple. C’est une langue extrêmement unique. Nous avons entraîné [Brody et Felicity Jones] et ils ont fait un travail fabuleux, mais nous voulions aussi le perfectionner pour que même les locaux ne voient aucune différence», indique ainsi David Jancso.

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«Quand on est anglo-saxon, certaines sonorités peuvent être particulièrement difficiles à appréhender. Nous avons d’abord essayé de doubler ces éléments plus difficiles avec les acteurs. Ensuite, nous avons essayé de les doubler complètement avec d’autres acteurs, mais cela n’a tout simplement pas fonctionné. Nous avons donc cherché d’autres options (...).» Ainsi, Adrian Brody et Felicity Jones ont été totalement impliqués dans le processus et ont enregistré leurs voix dans Innovative Respeecher, ainsi que David Jancso, afin d’entraîner l’outil d’IA.

De plus, l’outil GenAI a aussi été utilisé pour dessiner des plans de bâtiments qu’aurait pu dessiner Laszlo Toth, personnage fictif.

«En ce moment, c’est controversé dans l’industrie de parler d’IA, mais cela ne devrait pas l’être, a ainsi souligné David Jancso. Nous devrions avoir une discussion très ouverte sur les outils que l’IA peut nous fournir. Il n’y a rien dans le film utilisant l’IA qui n’ait été réalisé auparavant. Cela rend simplement le processus beaucoup plus rapide. Nous utilisons l’IA pour créer ces petits détails que nous n’avions ni l’argent ni le temps de filmer.»

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La levée de boucliers

Évidemment, le scandale est immédiat, certains appelant à disqualifier Le brutaliste pour le reste de la saison des prix. Quelques jours plus tard, le réalisateur Brady Corbet se justifie par un communiqué envoyé à The Hollywood Reporter. «Les performances d’Adrien et Felicity leur sont entièrement propres. Ils ont travaillé pendant des mois avec la coach Tanera Marshall pour perfectionner leurs accents. La technologie Innovative Respeecher a été utilisée uniquement dans l’édition des dialogues en langue hongroise, spécifiquement pour affiner certaines voyelles et lettres pour plus d’exactitude. Aucun dialogue en langue anglaise n’a été modifié. Il s’agissait d’un processus manuel, réalisé par notre équipe de son et Respeecher en postproduction. Le but était de préserver l’authenticité des performances d’Adrien et Felicity dans une autre langue, non de les remplacer ou de les altérer, et ce, dans le plus grand respect du métier.»

Mais le mal est fait et les déclarations du cinéaste suffiront-elles à calmer les esprits?

Le brutaliste, en salle en 70 mm dans certains cinémas de Montréal, prend l’affiche partout au Québec dès le 24 janvier.

L’IA a déjà envahi Hollywood

Discrètement ou non, les outils dits d’intelligence artificielle ont déjà été utilisés dans bon nombre de productions, comme le rapporte la publication économique Forbes.

  • Logan: la production du dernier film mettant en vedette le mutant Wolverine (Hugh Jackman) en solo a fait analyser le scénario du long métrage afin de bonifier les dialogues et la trame narrative.
  •  Avengers: la guerre de l'infini: les studios Disney n’ont pas caché avoir utilisé son FaceDirector pour affiner les expressions du visage de certains acteurs.
  • The Irishman: le réalisateur Martin Scorsese s’est servi d’une technologie semblable à celle utilisée pour les deepfakes afin de rajeunir Robert De Niro, Al Pacino et Joe Pesci.
  • Les studios Warner se servent régulièrement d’outils tels que Cinelytic afin d’orienter le choix des acteurs afin de prédire le succès financier d’un long métrage.
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