Pourquoi il faut revoir le «Mission: impossible» de Brian De Palma

À l’occasion de la sortie du huitième et dernier (c’est du moins ce qui est annoncé) Mission: impossible, il est temps de revenir sur le premier opus de la saga. Réalisé par Brian De Palma en 1996, il fut le tout premier long-métrage produit par Tom Cruise grâce à sa nouvelle société de production, la Cruise/Wagner Productions.

Au départ, Mission: impossible est une série télévisée de 1966, ayant pour héros Jim Phelps, et non Ethan Hunt. Dans cette adaptation pour le cinéma, De Palma a demandé à son scénariste David Koepp (à qui on doit entre autres Jurassic Park, Spider-Man ou encore La guerre des mondes) de faire passer Phelps de héros à mentor, puis à méchant, Hunt n’existant pas dans la série.

Le cinéaste va ainsi s’amuser à inverser tout du long le principe même de ce qui faisait l’essence du matériau télévisuel, prenant le spectateur à revers pour que jamais il ne s’attende à ce qui va se dérouler, afin qu’il soit aussi dérouté que le protagoniste.

De Palma inverse les codes

L’intrigue s’ouvre sur une construction typique d’un épisode de Mission: impossible, avec une équipe déjà formée, un lieu clos (la réception à Prague) et des jeux de masque et de mise en scène.

Cependant, toute cette équipe, sauf Hunt, va être décimée, tout sera à reconstruire.

De Palma voulait d’ailleurs faire revenir les interprètes de la série originale pour qu’ils puissent mourir dans la scène d’ouverture, ce qui aurait souligné son propos, mais ils ont malheureusement refusé.

Cette adaptation cinématographique va inverser les codes très rigides de la série. On ne peut dorénavant plus faire confiance à qui que ce soit.

Alors que les personnages semblaient contrôler les images dans l’ouverture (maîtrisant la situation à travers des écrans, des caméras, des lunettes enregistreuses, des montres vidéo...), ces dernières vont se mettre à nous jouer des tours. Dorénavant, ce qu’on nous montre n’est souvent qu’une manipulation, des tours de passe-passe et des faux semblants.

De Palma – dans la continuité du reste de sa filmographie –, obsédé par les théories du complot et l’assassinat de JKF, va nous expliquer qu’on ne peut faire confiance aux images parce que le cinéma est par essence un mensonge.

Les spectateurs, comme Ethan Hunt, sont la proie d’une mise en scène, dans le film et hors du film.

Le cinéaste s’amuse d’ailleurs à nous le mettre sous les yeux en faisant faire à Hunt un tour de magie, faisant disparaître et réapparaître à loisir un disque contenant des informations cruciales.

Tom Cruise a d’ailleurs appris à faire ce tour pour les besoins du film.

Le plan marquant du film

Le plan qui nous intéresse aujourd’hui est tiré d’une scène qui se déroule dans les quartiers généraux de la CIA. Hunt, accompagné de sa nouvelle équipe, doit copier les informations du serveur central de l’agence de renseignements. Pour cela, il s’infiltre depuis le haut de la pièce abritant le superordinateur, suspendu à un filin.

Il ne peut pas rentrer par la porte puisque le sol, tout en dalles blanches, est muni de détecteurs de pression, déclenchant l’alarme à la plus infime variation. Cependant, en hauteur, dans les conduits d’aération, celui qui tient le filin maintenant Hunt dans les airs, surpris par un rat, lâche un instant le fil pour le tuer.

Ce faisant, Ethan tombe en chute libre et manque d’un cheveu de toucher le sol, gesticulant dans les airs pour conserver son équilibre.

Un plan en plongée totale nous le montre alors symboliquement prisonnier d’une toile d’araignée géante, où il se débat comme un insecte pris au piège. En se croyant lui-même chef de la nouvelle équipe qu’il a créée, il est à nouveau soumis aux manipulations et mensonges de ses partenaires.

C’est avec ces idées en tête que je vous propose de redécouvrir ce film d’action, bien plus théorique qu’il n'y paraît.

Une scène complexe à tourner

Cette fameuse scène clé, tant du point de vue de la tension que sur le plan narratif et symbolique, a été extrêmement complexe à tourner.

Tom Cruise, suspendu au bout d’une corde, était lâché depuis plusieurs mètres de hauteur, et ne devait surtout pas toucher le sol. Cependant, l’acteur n’arrivait pas à trouver l’équilibre et ne cessait de se cogner la tête contre le sol.

Après de nombreuses prises, voyant qu’il n’y arrivait pas, mais tenant à réaliser toutes ses cascades lui-même comme à son habitude, il a eu la brillante idée de lester ses chaussures de pièces de monnaie afin de faire contrepoids.

En bref

Mission: impossible: 1996, Paramount pictures, réalisé par Brian De Palma, avec Tom Cruise, Jon Voight, Emmanuelle Béart, Jean Reno, Emilio Esteves, Kristin Scott Thomas.

 Recettes: 458 M$ (international)

* Victor Norek, créateur de la chaîne YouTube Le CinématoGrapheur, est spécialisé dans le décorticage des films grand public. Il écrit pour le magazine Rockyrama et est conférencier, entre autres, pour la Cinémathèque québécoise.