Cet artiste québécois a inspiré Victor Andres Trelles Turgeon à faire du théâtre
La pièce «Boîte noire» sera présentée du 20 janvier au 21 février 2026 chez Duceppe. Pour en savoir plus: duceppe.com

Patrick Delisle-Crevier
L’acteur fait tranquillement son chemin au sein du milieu artistique québécois. De nature discrète et réservée, il préfère laisser parler les personnages qu’il interprète sur scène et au petit écran. Rencontre avec un artiste attachant qui n’a pas fini de nous charmer.
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Victor, tu seras sur les planches chez Duceppe l’hiver prochain dans la pièce Boîte noire, de Catherine-Anne Toupin. Parle-moi un peu de ce projet...
Le grand thème de cette pièce est l’intelligence artificielle. Catherine-Anne a fait des recherches hallucinantes sur le sujet; sa bibliographie pour cette œuvre est fort impressionnante. Je vais interpréter l’un des trois réfugiés, celui qui vient d’Amérique latine. Je devrai avoir un niveau de langage approprié au personnage, d’où l’importance de trouver la ligne juste pour que nous n’ayons pas besoin de mettre des sous-titres.
Quel est ton rapport au théâtre?
J’ai commencé à faire du théâtre au secondaire, quand j’habitais à Toronto. J’allais à la même école que Mani Soleymanlou, qui était une année plus vieux que moi. Je l’ai vu sur scène. Ce qu’il faisait avait l’air tellement le fun que j’ai eu envie de faire comme lui. Ç’a été ma porte d’entrée dans ce métier. J’ai ensuite étudié à Ottawa, puis à l’École nationale de théâtre.
Tu ne rêvais donc pas de ce métier pendant ton enfance...
Non, pas du tout. C’est vraiment arrivé sur le tard. Comme tout enfant d’immigrant, j’avais la pression de mes parents de choisir un métier qui offre de la stabilité, comme médecin ou avocat. Je m’enlignais pour ça, mais j’ai découvert la pièce À toi, pour toujours, ta Marie-Lou, de Michel Tremblay, dans laquelle j’ai joué le rôle de Léopold. C’était un personnage complexe à jouer, et c’est vraiment venu me confirmer encore plus fort que je voulais faire ce métier.
As-tu eu à convaincre tes parents de te laisser faire ce métier?
Oui et non: je n’ai pas eu à les convaincre parce qu’ils m’ont laissé faire, mais encore à ce jour, ma mère me demande si je vais devenir avocat. Tout ça après 17 ans de carrière et alors que j’ai les deux pieds bien ancrés dans la quarantaine!

Est-ce que ta carrière se passe comme tu le souhaitais?
Ça se passe super bien. Je suis chanceux et j’ai de belles opportunités. Comme je parle trois langues et que je n’ai pas de complexe à jouer un rôle d’immigrant ou à devenir le porte-étendard d’une cause, ça aide. Je n’ai pas eu à briser cette image tout simplement parce que je l’endosse et que je l’embrasse. Le plus drôle, c’est que je me suis longtemps demandé si j’étais québécois ou péruvien. Pour répondre à cette question, je suis parti seul au Pérou à 27 ans. Ça n’a pas été facile. J’ai vite compris que je n’étais pas péruvien et qu’on ne voulait pas de moi là-bas. Je me suis alors demandé qui j’étais. Je crois que c’est le questionnement de bien des immigrants. Je suis encore perdu dans tout ça. Mais comme je suis arrivé ici à l’âge de deux ans, je pense que je suis québécois.
Tu as eu de beaux rôles à la télé et au cinéma, notamment dans la série Les Armes et dans le film Henri Henri, dans lequel tu interprétais le rôle principal...
Oui, j’ai eu de beaux rôles, mais je dois admettre - et là, et je suis loin de me plaindre! - que j'ai eu des périodes de remises en question, au cours desquelles je me suis demandé si je devrais retourner aux études. J’aime travailler de mes mains, alors, j’ai pensé que je pourrais suivre cette voie. J’ai aussi été chanceux, car j’ai acheté un immeuble locatif avec ma blonde. Disons que ça enlève de la pression dans les moments plus tranquilles, surtout que ma blonde est aussi comédienne. Nous vivons dans une certaine incertitude. Est-ce que ça se passe comme je l’avais prévu? Non, car je n’avais rien prévu, je n’avais pas de plan précis... Quand on est deux comédiens dans une même situation, ça peut être long longtemps. Il faut se débrouiller!
Ta blonde est l’actrice Laurie Gagné. Est-ce difficile pour votre couple de composer avec cette insécurité?
J’ai toujours été responsable sur le plan financier. Si je n’ai pas une ou deux années de salaire en banque, je ne suis pas bien. Je suis comme un petit écureuil qui fait des provisions. Nous formons une bonne équipe, Laurie et moi: elle s’occupe de collecter le loyer des locataires et je me charge d’entretenir l’édifice et de faire les travaux.
Depuis combien de temps êtes-vous ensemble?
On est en couple depuis nos débuts dans ce métier, ça fait donc 18 ans. Nous avons deux enfants, nous sommes heureux et nous sommes bien ensemble. Notre fils, Thomas, a 7 ans, et notre fille, Cécilia-Rose, a 11 ans.
Parle-moi de ton personnage dans Les Armes. Il se passe beaucoup de choses pour lui...
J’interprète Santiago Garcia. J’aime beaucoup ce personnage. Il y avait fort longtemps que je voulais interpréter un rôle comme celui-là. C’est le gamin en moi qui aime jouer avec ce genre de personnage. J’aurais aimé en faire encore plus, avoir un entraînement précis et devoir apprendre le maniement des armes. C’est aussi un plaisir de jouer avec Eve Landry, qui est une amie. On a fait plusieurs projets ensemble, alors c’est vraiment le fun de la retrouver. Travailler avec le réalisateur Jean-Philippe Duval est un privilège. Il se passe beaucoup de choses pour mon personnage. Tout reste à voir, mais il y aura des changements à venir pour lui dans cette nouvelle saison.
As-tu eu à t’entraîner physiquement pour ce rôle?
Au début, on a eu un entraînement avec un ancien militaire. Ç’a été très formateur! Ça m’a rappelé des souvenirs du temps où nous habitions à Sherbrooke, près de la Ligue navale du Canada. Je pouvais voir de près la marche militaire et l’autorité; ça ressemblait beaucoup à l’armée. Ce sont les mêmes bases. Pour Les Armes, j’ai lu différents documents afin de bien comprendre l’univers militaire. J’ai aussi regardé beaucoup de films et de documentaires pour me préparer à jouer ce personnage.
Jouer dans une série populaire comme Les Armes a-t-il changé le regard des gens sur toi?
Oui! Me voilà en train de faire une belle entrevue avec 7 Jours, ce qui ne m’était jamais arrivé! Je suis quelqu’un de très renfermé dans la vie, alors je n’attire pas trop le regard des gens. Le seul endroit où l’on me parle de mon métier, c’est quand je vais chercher mes enfants à l’école. On dirait que je suis moins fermé à ce moment-là et que mon non-verbal est plus ouvert, ce qui me permet d’avoir un contact plus facile avec les gens. Sinon, je suis pas mal dans ma bulle et dans mon monde.
On trouve très peu d’informations sur toi sur le Web. Tu n’es pas non plus celui qu’on voit le plus dans les talk-shows et sur les tapis rouges. Est-ce volontaire?
Oui, je calcule mes apparitions. Je n’aime pas trop parler de moi. Je préfère parler des personnages que je joue. Je ne me dévoile que très rarement. Je suis frileux à l’idée de m’exposer moi-même, avec mes propres mots. Je dois vraiment être en confiance pour me dévoiler.
As-tu des visées de carrière internationale?
J’aurais adoré ça, mais j’ai 42 ans et une famille... Alors, je me vois mal tout plaquer pour aller tenter ma chance ailleurs. Mais j’ai toujours rêvé de jouer dans un genre de télénovela au Mexique. Quand j’étais petit, c’est ce que je regardais avec mes parents quand je revenais de l’école. C’étaient des moments heureux qu'on passait en famille. J’aimerais vraiment faire ça un jour. Sinon, je suis bien ici et je suis heureux. J’ai joué de petits rôles ici et là, notamment dans Star Trek: Discovery, qui a été tourné à Toronto. Je rêve d’avoir plus d’opportunités ici. Cela dit, je suis loin de me plaindre. Avec la personnalité réservée que j’ai, je pense que je suis dans un bon milieu. Je ne crois pas que je serais si heureux si je devenais une star internationale. J’aime être tranquille, passer du temps en famille et m’occuper de mes enfants, qui commencent justement à nous demander s’ils peuvent faire ce métier. Mais je veux qu’ils vivent leur enfance. Et j’aimerais peut-être mieux qu’ils fassent une profession comme médecin ou avocat! (rires)