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L'article provient de Le Journal de Montréal
Éducation

Le français boudé dans des écoles: «C’est juste “inconvenient” pour moi»

Des jeunes ne voient pas la nécessité de parler français à l’école

Des élèves de l'école secondaire de la Cité-des-Jeunes, à Vaudreuil-Dorion, préfèrent parler en anglais entre eux, y compris lorsqu'ils sont à l'école.
Des élèves de l'école secondaire de la Cité-des-Jeunes, à Vaudreuil-Dorion, préfèrent parler en anglais entre eux, y compris lorsqu'ils sont à l'école. Photo Daphnée Dion-Viens
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Photo portrait de Daphnée  Dion-Viens

Daphnée Dion-Viens

2024-04-22T04:00:00Z
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Des élèves de Vaudreuil-Dorion ne voient pas la nécessité de parler français entre les murs de leur école secondaire francophone. «Nous empêcher de parler la langue qu’on veut, c’est comme si tu nous empêchais de nous exprimer comme on veut. Si on veut parler anglais, ça change quoi?» 

• À lire aussi: L’anglais difficile à contrer dans des écoles secondaires francophones au Québec

Parmi les jeunes rencontrés par Le Journal à l’extérieur de l’école secondaire de la Cité-des-Jeunes la semaine dernière, plusieurs ont affirmé comprendre pourquoi leurs profs exigeaient qu’ils parlent français dans leur cours de français.

Mais, dans les autres matières ou dans les corridors et à la cafétéria, ils ne voient pas l’intérêt. Plusieurs sont tannés de se faire avertir.

«À l’extérieur des classes, ça gosse vraiment», lance Zack, un élève de cinquième secondaire.

Le français est sa langue maternelle, mais il parle en anglais avec ses amis parce que c’est la langue qui rejoint tout le monde, dit-il.

Pour d’autres, il est tout simplement «plus facile» de parler anglais parce qu’il y a moins d’accords avec les adjectifs et de conjugaison à faire, un avis partagé par des élèves qui ont appris le français ici, mais aussi par des jeunes dont le français est la langue maternelle.

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«C’est juste inconvenient pour moi [de parler français], je suis plus habitué à l’anglais», lance un élève francophone de cinquième secondaire, qui parle en anglais parfois même à la maison, avec ses parents, dont le français est la langue maternelle.

Il fréquentera un cégep anglophone l’automne prochain, mais il admet qu’il aurait plus de facilité en français à l’école s’il le pratiquait plus souvent.

D’autres jeunes ne comprennent pas pourquoi ils se font avertir à l’école uniquement lorsqu’ils parlent en anglais, et non s’ils parlent arabe, russe ou espagnol.

«Pourquoi c’est correct de parler d’autres langues mais ce n’est pas correct de parler en anglais? C’est juste des langues», lance une élève de quatrième secondaire.

  • Écoutez la rencontre Dutrizac – Dumont via QUB :

Née au Québec, plus à l’aise en anglais

Zada, une élève de 16 ans d’origine asiatique qui est née ici, reconnaît quant à elle que sa maîtrise du français s’effrite, malgré tout son parcours dans le réseau scolaire francophone.

«Je ne suis pas entourée de gens qui parlent en français, donc mon français diminue. Je suis limitée maintenant dans ce que je peux dire en français, ça paraît vraiment que ce n’est pas ma langue maternelle. Il y a des mots que j’ai perdus parce que je ne pratique pas assez souvent le français», affirme-t-elle.

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«Je comprends que le Québec est une province francophone et je veux y contribuer, mais en même temps je sais que personnellement, j’aurais vraiment de la difficulté à fréquenter un cégep francophone, avec toutes les exigences concernant la langue», ajoute-t-elle.

Pour une autre élève francophone qui n’a pas voulu être identifiée, la langue de Taylor Swift est tout simplement devenue un incontournable.

«C’est un peu ridicule de nous empêcher de parler en anglais [à l’école], la plupart d’internet est tout en anglais, de toute façon, lance-t-elle. Et si tu ne connais pas l’anglais, surtout au Québec, tu es fait. Tu ne pourras pas avancer.»

Le français en déclin à Vaudreuil-Dorion

L’anglais prend du galon dans les écoles de Vaudreuil-Dorion, mais aussi dans la population en général. La proportion d’habitants de cette municipalité qui ne parlent que l’anglais est en hausse, alors que celle d’habitants qui ne parlent que le français est en baisse, selon les plus récents chiffres de Statistique Canada.

Cette réalité se reflète au quotidien dans les commerces et les restaurants, où l’anglais est couramment parlé. Il est aussi parfois difficile de se faire servir en français dans certains restaurants, a constaté Le Journal lors de son passage de la semaine dernière.

D’ailleurs, une chaîne de restaurant a pris la peine d’indiquer, sur une affiche placée dans la porte d'entrée, qu’il est possible de se faire servir en français dans ce commerce.

Daphnee Dion-Viens
Daphnee Dion-Viens

Un enjeu bien réel

Le maire, Guy Pilon, reconnaît que l’anglicisation de la municipalité est un enjeu qui s’est accentué au fil des ans avec l’accroissement de sa population, qui a doublé depuis une vingtaine d'années.

«Vaudreuil-Dorion, depuis des années, c’est une extension du West Island, ç’a débordé l’autre bord du pont, affirme-t-il. De ce que je vois, ce sont des anglophones du Québec qui n’ont jamais eu à parler français. Je comprends que les gens peuvent parler anglais, mais ce que je n’accepte pas, c’est quand je vois des jeunes qui sont incapables de parler français un minimum.»

«Il y a deux endroits où je ne vais plus parce qu’on n’est pas capable de se faire servir en français, poursuit-il. C’est aussi à nous, comme client, de dire: “OK, je n’y vais plus”.»

Connaissance des langues officielles à Vaudreuil-Dorion

De 2016 à 2021

  • Proportion d’habitants qui ne parlent que l’anglais: de 10,1% à 13,5%
  • Proportion d’habitants qui ne parlent que le français: de 23,6% à 19,0%
  • Proportion d’habitants qui parlent le français et l’anglais: de 65,4% à 66,1%
  • Proportion d’habitants qui ne parlent ni l’anglais ni le français: de 1% à 1,4%

Source: Statistique Canada

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