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Style de vie

Cancer du sein: quand le pouvoir d'une communauté soigne

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Élise Fiola

2025-10-14T16:00:00Z
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Parfois, ce n’est pas seulement un traitement ou une opération qui sauve. Parfois, c’est une voix à l’autre bout du fil, un atelier de yoga, une séance de massothérapie, une conversation autour d’un pinceau ou d’un tricot. Pour des centaines de femmes qui sont touchées de près ou de loin par la maladie au Québec, les services communautaires sont devenus cette bouée, souvent négligée mais indispensable, qui leur permet de traverser la tempête du cancer du sein qui s’abat sur elles.

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Quand Annick Gervais raconte son parcours, elle garde cette force tranquille qu’on devine forgée dans l’épreuve. Son histoire a commencé par un combat d’un an qui, de jour en jour, paraissait interminable. Sa mère, décédée d’un cancer du sein, avait sonné l’alerte. Et pourtant, malgré les suivis et les mammographies, son intuition a été ignorée pendant des mois. «Entre les tests et les diagnostics, souvent le plus lourd, c’est l’attente. C’est comme une épée de Damoclès, toujours suspendue au-dessus de notre tête.»

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Quand son diagnostic tombe, la roue se met à tourner: cancer du sein, stade avancé. Opération, chimiothérapie et traitements lourds s’enchaînent. Mais une autre bataille commence en parallèle: celle de rester debout, malgré la peur et la fatigue, pour profiter pleinement des instants qui lui reste entourée de sa famille.

Souffler et s’informer

Parce qu'elle avait dû épauler sa mère dans une épreuve semblable, Annick connaissait l'importance d'un bon réseau. D’abord bénéficiaire des services offerts par la Fondation cancer du sein du Québec, elle devient paire aidante pour la Ligne rose: une ligne d’écoute créée pour soutenir les femmes vivant avec un cancer du sein.

Comme les autres qui s’y impliquent, son parcours lui permet d’écouter avec une empathie et une sensibilité singulières celles qui, à leur tour, se posent les mille et une questions qui lui ont déjà traversé l’esprit — et qui occupent encore parfois ses pensées. «L’écoute peut faire une grande différence, dit-elle. De se sentir entendue, de ne pas se faire dire: “Ne t’inquiète pas, tout va bien aller.” Non. Parfois, on a juste envie de dire: je suis stressée, je ne suis plus capable, je panique, et d’avoir quelqu’un qui nous répond: “C’est normal, je t’entends”».

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La Ligne rose, comme d’autres initiatives communautaires au Québec, offre quelque chose qui n’est pas à sous-estimer dans la lutte: une présence humaine, une personne au bout du fil qui n’est pas de la famille et qui peut guider, à la fois avec distance et empathie. «Les femmes qui appellent ne cherchent pas nécessairement à parler à un médecin pour poser des questions techniques. Elles veulent parfois simplement utiliser cet espace-là pour crier, dans leurs mots, que ça ne va pas. Et ça, c’est précieux», explique Annick Gervais.

Marco Décelles, directeur général de la Fondation québécoise du cancer, reconnaît lui aussi l’importance des échanges. C’est pourquoi l’organisme s’assure de pouvoir répondre de vive voix à ceux qui s’informent auprès d’eux. À ses yeux, la mission des organismes communautaires n’est pas de remplacer l’hôpital, mais de pallier à ce que le réseau public n’arrive pas à couvrir. «Les besoins sont trop grands. Personne n’est en mesure de répondre à toutes les demandes. C’est pourquoi on déploie un effort collectif pour informer la population et la rediriger vers les solutions, nombreuses et variées, qui lui sont proposées», estime-t-il.

La fondation québécoise du cancer se veut alors un bottin, un outil de référencement qui recense plus de 2000 ressources disponibles partout au Québec, pour les personnes touchées par le cancer. Certaines s’adressent directement aux personnes ayant reçu un diagnostic, d’autres aux proches, parce que «une fois sur deux, ce n’est pas la personne malade qui appelle, mais bien est le conjoint, l’enfant ou l’ami de cette personne».

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Briser l’isolement

Ces ressources prennent mille visages. Il y a les groupes de soutien, bien sûr, mais aussi des ateliers insoupçonnés qui répondent à des besoins très concrets, explique Marco Décelles.

L’un d’entre eux, organisé par la Fondation et particulièrement populaire, s'intitule «Belle et bien dans sa peau». Cet atelier d’esthétique animé par des bénévoles et professionnels aide les personnes atteintes d'un cancer à composer avec les effets secondaires visibles de la maladie: perte de cheveux, cicatrices, changements de peau. Il s’agit aussi d'un moment de légèreté. «Ça répond à un besoin très précis, explique Marco Décelles. Pour certaines femmes, retrouver un peu de contrôle sur leur apparence, c’est retrouver une part d'elles-mêmes». Un baume non négligeable dans cette épreuve.

Le yoga oncologique connaît aussi beaucoup de succès, tant à la fondation qu’ailleurs. Chaque semaine, près de 100 femmes se connectent à l’atelier en ligne animé par Isabelle O’Brien, kinésiologue spécialisée. «Souvent, après une chirurgie du sein, les femmes perdent de la mobilité. Rien que de pouvoir rattacher son soutien-gorge devient un défi. Le yoga ou la kinésiologie aident à retrouver des gestes du quotidien». Un sentiment d’empouvoirement et de bien-être qu’Annick Gervais a elle aussi ressenti lorsqu’elle s’est inscrite à un atelier du genre offert par un autre organisme.

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Parmi les séances d’art-thérapie, de massothérapie, d’aide en nutrition et de marche adaptée, les options sont nombreuses, souvent gratuites ou offertes à très faible coût, et animées par des personnes qui veulent faire une différence, souligne M. Décelles. Déjà en train de développer une offre virtuelle au moment où la pandémie a frappé, la Fondation a accéléré le mouvement. «Maintenant, on offre de l’art-thérapie toutes les semaines sur Zoom. Une femme vivant en région éloignée, même si elle n’a pas d’organisme près de chez elle, peut participer». Mais Marco Décelles insiste: l’objectif reste d’amener les femmes à sortir de chez elles, à se regrouper. «Le virtuel, c’est bien, mais ça ne crée pas la même cohésion. On croit beaucoup à l’importance de la socialisation et on encourage les gens à sortir de chez eux pour établir ce lien puissant qui les aidera à se sentir soutenus, compris et épaulés».

Car malgré les avancées, le cancer reste un sujet difficile à aborder. «Les gens ne veulent pas nécessairement inquiéter leur entourage. Ils appellent donc la Ligne Rose pour libérer un peu leur parole et leurs émotions», note Annick Gervais. Ces services deviennent alors des bulles de socialisation, où les femmes découvrent qu’elles ne sont pas seules. Dans un atelier de yoga, dans un groupe d’art-thérapie, dans une simple conversation téléphonique, elles rencontrent d’autres visages qui comprennent sans avoir besoin d’explications, loin de la honte que certaines personnes peuvent encore ressentir.

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Car oui, encore aujourd’hui, certaines personnes refusent d’aborder le sujet par honte ou encore pour éviter de faire de la peine à ceux qu’elles aiment. Si cette constatation est malheureuse, elle ne provient pas de nulle part: les conjoints, enfants et parents s'inquiètent pour la personne qui leur est chère et deviennent en quelque sorte des «patients de l’ombre». Si elle n'est pas abordée, cette situation peut d'ailleurs engendrer des questions un peu maladroites, des craintes face à l’inconnu et même des frustrations à travers tout un cercle social.

Annick Gervais invite donc les proches à appeler en cas de préoccupations, notamment pour s’outiller dans leur accompagnement, qui est loin d’être une tâche facile. À la Fondation québécoise du cancer, cette réalité est aussi prise en compte. Des ateliers spécifiques pour les proches existent, notamment en art-thérapie. «On veut s’assurer de les soutenir. Eux aussi doivent sentir qu’ils ne sont pas seuls dans leur situation», souligne M. Décelles.

«Pas magique, mais essentiel»

Ni Annick ni Marco n'idéalisent ces services. Ils savent qu’ils ne peuvent pas tout résoudre. «J’aimerais dire qu’on a une réponse magique qui apaise tous les maux quand on reçoit des appels, mais ce n’est pas le cas, reconnaît Annick. Mais les appelantes nous recontactent souvent pour dire merci, parce que ce soutien leur a permis d’affronter un rendez-vous différemment, de poser les bonnes questions, ou simplement de respirer un peu mieux.»

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À travers les appels et les rencontres, un message vital se dessine: «Quoi que l’on choisisse, il ne faut pas s’isoler et il ne faut pas se priver d’aller chercher l’aide disponible», martèle le directeur général. Heureusement, il remarque toutefois que de plus en plus de femmes sont portées à demander un soutien. Il reste tout de même un grand travail de sensibilisation à faire auprès de leurs homologues masculins, qui peinent à se manifester.

Ces services communautaires sont essentiels et donnent une dimension humaine à un parcours médical souvent froid et expéditif. Qu’on ait besoin de quelqu’un pour nous cuisiner un bon repas, d’une maison où se reposer avant ou après un traitement, d’un espace pour se libérer l’esprit dans un cadre adapté qui ne ramène pas tout à la maladie, il existe des remèdes pour ces petites batailles du quotidien. Et l’esprit de communauté rappelle aux femmes qu’elles ne sont pas seules. Et parfois – souvent – cette certitude fait toute la différence.

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