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L'article provient de TVA Nouvelles
Affaires

«C'est un gros échec»: Stéphan Huot brise le silence sur sa débâcle financière

Le promoteur déchu, en pleine débandade depuis février, a accepté de se confier en exclusivité à notre Bureau d'enquête

Photo d'archives, STEVENS LEBLANC
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Photo portrait de Kathryne Lamontagne

Kathryne Lamontagne

2023-10-05T04:00:00Z
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Après des mois de tempête, le promoteur déchu Stéphan Huot brise le silence et revient pour la première fois sur sa débâcle financière. Dans une entrevue exclusive accordée à notre Bureau d’enquête, l’homme d’affaires de Québec se confie sur cet « échec », ses erreurs et le deuil qui l’afflige depuis l’effondrement de son empire immobilier. 

• À lire aussi: Endetté de 1,2 G$, le promoteur déchu Stéphan Huot veut éviter la faillite

L’ascenseur s’arrête au quatrième étage du Centre d’affaires Les Méandres, là où se trouve le siège social du Groupe Huot. À l'ouverture des portes apparaît en grosses lettres le logo du conglomérat déchu, au-dessus d’un imposant bureau d’accueil, inoccupé.  

Stéphan Huot avance dans ces lieux déserts, qui accueillaient jadis la haute direction de son entreprise. Il ne reste, à ce jour, pratiquement plus rien de son empire. Même l’immeuble dans lequel nous nous trouvons ne lui appartient plus. 

« Je suis déshabillé, complètement. J’ai perdu 300 M$ dans tout ça. J’ai perdu tous mes actifs. En équité, en cash, j’en ai perdu une fortune aussi », lance celui qui a déclaré des dettes de 1,2 G$, au début du mois de septembre. 

Stéphan Huot, en entrevue avec notre Bureau d'enquête
Stéphan Huot, en entrevue avec notre Bureau d'enquête Photo Stevens LeBlanc

À travers les maquettes d’avion et les photographies de ses quatre enfants qui décorent son bureau, d’innombrables piles de documents se massent les unes contre les autres. Des hypothèques légales provenant de sous-traitants impayés, souligne le promoteur de 58 ans. 

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« Je ne me cache pas » 

Stéphan Huot s’est fait discret depuis la médiatisation, en février dernier, des difficultés financières du groupe qu’il a fondé.  

« Dans ma tête, pour moi, c’est un gros échec. Quand tu as un gros échec comme ça, tu te replies sur toi-même et tu n’as pas envie de parler de ça. Mais je ne me cache pas », assure-t-il.  

Dans l’ombre, Stéphan Huot assure avoir travaillé aux côtés des investisseurs et des prêteurs afin de les aider à minimiser les dégâts et à trouver une voie de sortie. 

« Je n’ai pas le choix. C’est moi qui l’ai créé. C’est moi qui l’ai bâti. Pis c’est moi qui l’ai perdu. J’ai fait mes erreurs. Je paie pour les erreurs que j’ai faites, aujourd’hui. Et même pour celles que je n’ai pas faites. Mais il faut que je les assume », plaide-t-il. 

La débâcle du Groupe Huot est émotive pour le président, car elle implique des proches. Des partenaires d’affaires et des sous-traitants de longue date, qui sont devenus des amis au fil des décennies, ont perdu, eux aussi, des sommes colossales dans cette débandade.  

Stéphan Huot
Stéphan Huot Photo Stevens LeBlanc

« Je trouve ça malheureux ce qu’ils vivent. Ils subissent les contrecoups de ma défaite [...] Je suis l’entrepreneur qui a parti des affaires, qui a dit à mes amis d’embarquer, qui leur a dit qu’on aurait des résultats », reconnaît-il. 

Des relations, qui étaient jadis « très fortes », se sont effritées depuis. 

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« C’est sûr qu’il y a des cicatrices. Quand il arrive des affaires de même... Les gars, ils ont travaillé, ils m’ont fait confiance. Là, il y a une distance qu’il n’y avait pas avant. Est-ce que ça va revenir ? Il faut que tu laisses aller les choses », estime-t-il. 

Structure « fragile » 

À son apogée, le Groupe Huot détenait 6000 portes, selon son président. À ces actifs immobiliers s’ajoutaient des entreprises de télé-médecine, de restauration, de cours de pilotage d’hélicoptère, notamment. Pas moins de 700 employés travaillaient pour Stéphan Huot, un « autodidacte » qui a appris « sur le tas ». 

« C’est peut-être une erreur dans ma vie : trop vite, et trop d’entreprises », analyse M. Huot, qui aurait souhaité être « mieux entouré » pour faire face à cette croissance rapide.  

« Ça m’aurait pris des grosses pointures », expose-t-il, ajoutant qu’il détenait davantage le côté « visionnaire » de l’entrepreneuriat que le côté « comptable ». 

Stéphan Huot
Stéphan Huot Photo Stevens LeBlanc

L’augmentation du coût des matériaux de construction et des taux d’intérêt a été fatale pour lui. Dès le début de l’année 2022, le promoteur a compris que la route serait cahoteuse.  

« Ça nous a rentré dedans. Ma structure était trop fragile pour passer au travers de ça », reconnaît Stéphan Huot, qui s'était mis à la recherche d’acheteurs et de nouveaux associés pour ses parcs en 2022, en vain.  

« On attachait de quoi, puis les taux d’intérêt montaient, et ça tombait », illustre-t-il. 

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Il aurait aimé pouvoir compter sur l’aide de Robert Giroux, cet homme d’affaires de Québec qui a amené 75 millionnaires de la région à injecter 220 M$ dans ses projets. 

Stéphan Huot assure l'avoir informé dès le début de l’année 2022 qu’il était « sur le bord du précipice ». Il aurait voulu discuter avec les millionnaires afin de trouver des pistes de solution. Mais Robert Giroux, de qui il se disait « dépendant » financièrement, l’en aurait empêché.  

« [Les millionnaires] n’étaient pas au courant de la misère et de la pression que j’avais. S'ils avaient su, ça n’aurait pas été long qu’on se serait assis et qu’on aurait eu des discussions », plaide-t-il. 

Robert Giroux fait face aujourd'hui à une poursuite de 150 M$ de la part des « millionnaires de Québec », qui l’accusent d’avoir mis sur pied un stratagème qui s’apparente à un système de Ponzi et de leur avoir caché les difficultés du Groupe Huot. M. Giroux nie ces allégations et celles soulevées par M. Huot.

Tourner la page

Dans l’incapacité de trouver des solutions durables à ses problèmes, Stéphan Huot a jeté la serviette. 

« Je n’étais plus capable. C’était inhumain. Je travaillais sept jours sur sept », se souvient-il. 

Dans les premières semaines de la médiatisation de sa débâcle, le promoteur affirme avoir été rongé par l’anxiété, l’angoisse, l’insomnie et les cauchemars. 

« Je ne voyais pas d’issue. Je te dis ça, j’ai des émotions. Ce n’est pas moi. C’était terrible », dit-il.

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Le choc a aussi été immense pour ses enfants, déjà impliqués dans l'entreprise familiale. Du jour au lendemain, leur vie changeait. Leur héritage disparaissait. Malgré la déception et l'incompréhension, ils sont demeurés à ses côtés. 

« Sans eux, je ne serais peut-être plus là aujourd'hui », confie M. Huot.

L'homme d'affaires souhaite maintenant compléter la vente de ses actifs, payer les comptes, finaliser les paies des employés et prendre une pause durant « une grosse année », question de tourner la page. 

« Je veux partir la tête haute », expose-t-il.

Stéphan Huot
Stéphan Huot Photo Stevens LeBlanc

Il lui faudra toutefois du temps avant de délaisser complètement ce qu’il a construit. Au cours des trois heures qu’aura duré cette rencontre, Huot parle au présent et avec fierté de ses réalisations même si bientôt, aucune d’entre elles ne lui appartiendra.  

Il vante les habits de pilote qu’il a créés et qui ont séduit Jeff Bezos d’Amazon, la technologie de son service de télémédecine, l’ingéniosité de ses condos locatifs inspirés des « resort », un modèle qui a été « copié » partout au Québec, soutient-il. Le promoteur a une pensée pour ses locataires, qui ont eu « une année de merde » à cause de sa débandade.  

« Ça fait mal »

L’attachement à ses projets est tel qu’il ne peut envisager, pour le moment, de travailler ou de vivre à Québec. 

« Je n’ai pas envie de voir mes bâtisses, qui ne sont plus à moi. Non. Peut-être plus tard. Mais là, c’est trop frais. Faut que je fasse un deuil. C’est plusieurs deuils : mon immobilier, mes amis, l’héritage de mes enfants, de mes petits-enfants, ma réputation, la crédibilité perdue », énonce-t-il. 

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« Il va falloir que je m’éloigne un peu, que je me retrouve. Que je gobe ça, cette perte incroyable là. C’est une perte de dignité, de valeur. C’est beaucoup. Ça fait mal. T’aimes mieux être ailleurs. Quand tu reviens, tu te refais. Tu t’es pardonné », philosophe-t-il. 

Chose certaine, au final, il ne restera que des souvenirs du Groupe Huot. Le promoteur n’a pas l’intention de repartir l’une ou l’autre de ses filiales, une fois la tempête passée. 

« J’aime mieux peut-être recommencer à zéro », termine-t-il.  

– Avec Philippe Langlois et Jean-François Cloutier 

IL NE RESTE PLUS RIEN

  • Le Groupe Mach devrait acquérir cet automne les condos locatifs Les 7 Éléments, Les Diplomates, La Cité M, Les Façades du Mesnil et le Consolata.
  • Les condos Camomille, les Triplex du Petit Mesnil, le Complexe Capitale Hélicoptère et les appartements adjacents ont été cédés au créancier Potenza Capital, en juillet.  
  • Les associés de Stéphan Huot ont repris le contrôle des complexes de l’Aventura et de l’Altitude.
  • Le centre de distribution Transrapide s’est placé à l’abri de ses créanciers au printemps. L’homme d’affaires de Beauce Pierre Thabet devrait en reprendre le contrôle avec des partenaires. 
  • La compagnie de sauvetage Airmedic a été vendue à Dessercom le mois dernier, une transaction évaluée à 54 M$. 
  • Millenum Construction a déclaré une faillite de 84 M$.
  • Stéphan Huot affirme être à la recherche d’acheteurs pour les projets Ariela et Riviera, qui sont en construction, en plus du Centre d’affaires Les Méandres, sous séquestre. 
  • Le service de télémédecine Olive, les vêtements techniques pour pilotes Stephan/H et Atelier-H Architecture ont fermé leurs portes.
  • Les actifs de Arrow, spécialisée dans la location domiciliaire temporaire, sont entre les mains de Simon Landry, le gendre de Stéphan Huot.
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