«Bravo, Karl!»: l’équipe d’Éric Caire connaissait les problèmes qui ont mené au fiasco SAAQclic

Les problèmes de SAAQclic étaient connus du bras droit d’Éric Caire, un sous-ministre qui admirait la «vision» du responsable du projet et qui connaissait depuis longtemps «les risques» de dérapage qui ont mené à une explosion de la facture de 500 millions $.

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Le Devoir a rapporté tard mercredi qu'Éric Caire lui-même a été informé des retards et dépassements de coûts de SAAQclic en juin 2022. 

Selon nos informations, les dirigeants de la Société d’assurance automobile du Québec (SAAQ) auraient signalé «les problèmes d’arrimages et de coût du projet», et ce, dès la mise en place du ministère de la Cybersécurité et du Numérique, en janvier 2022. 

Le sous-ministre du Numérique de l’époque, Pierre E. Rodrigue, est l’un des dirigeants qui en auraient été informés. Depuis 2020, il était le dirigeant principal de l’information du gouvernement et le responsable de la transformation numérique du gouvernement Legault. Il travaillait alors de pair avec l’architecte du projet, Karl Malenfant.

L’ex-vice-président de l’expérience numérique à la SAAQ offrait une «collaboration de tous les instants», a écrit M. Rodrigue dans une publication consultée par notre Bureau parlementaire.

Ce sous-ministre a été remplacé par Stéphane Le Bouyonnec en 2023, quelques semaines après le déploiement catastrophique de SAAQclic. Le gouvernement Legault l’a ensuite nommé secrétaire général associé à l’internet haute vitesse. Coïncidence, ce mercredi, le Conseil des ministres l'a envoyé à la présidence de l’Office des professions du Québec.

«Bravo, Karl!»

Lorsque Karl Malenfant a pris sa retraite en 2023, Pierre E. Rodrigue lui a lancé des fleurs dans un long message sur un réseau social.

«Quand tu as accepté de prendre la responsabilité de CASA, tu étais sans doute loin de t’imaginer dans quoi tu t’embarquais. Je n’ai qu’un mot à te dire: bravo! J’admire ta vision, ton courage, ta résilience et ta capacité à livrer les résultats», a écrit le sous-ministre d’Éric Caire (voir encadré).

Le Journal a tenté de joindre M. Rodrigue, en vain.

Une information... publique

Mercredi matin, Karl Malenfant affirmait dans une entrevue au Devoir que le ministre Éric Caire était aussi responsable du fiasco SAAQclic, qui atteindra «minimalement» 1,1 milliard $, selon le récent rapport de la vérificatrice générale.

«Les rapports qu’il [M. Malenfant] nous avait faits disaient que tout allait bien», a plaidé Éric Caire. Ainsi, le gouvernement prétend avoir donné son feu vert au déploiement du projet parce que les dirigeants de la SAAQ assuraient que le projet était prêt.

Le premier ministre François Legault a d’ailleurs réitéré sa confiance en Éric Caire. Il a plaidé à nouveau que son gouvernement a été berné par l’ex-vice-président de l’expérience numérique à la SAAQ, Karl Malenfant. Idem pour la ministre des Transports Geneviève Guilbault.

Son prédécesseur, François Bonnardel, est aussi convaincu d’avoir été berné par Karl Malenfant. Un seul homme aurait réussi à tromper tout le monde, en cachant des dépassements de coûts de 500 millions $.

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«Il n’y avait pas de dépassements de coûts, il n’y en avait pas! Je me protège comment contre le mensonge?» a signalé le ministre Bonnardel.

Or, dans les crédits de mars 2024 du ministère des Transports déposés à l’Assemblée nationale, les dépassements de coûts du projet SAAQclic y sont décortiqués. Les montants étaient donc publics.

Démission réclamée

De leur côté, les libéraux réclament les démissions des ministres Bonnardel, Guilbault et Caire.

Le chef par intérim Marc Tanguay en appelle au premier ministre pour «réaliser l’importance de ce qui se passe».

«Ils cachent la vérité et il y a une responsabilité ministérielle qui est bafouée», dit-il.

– Avec la collaboration de Philippe Langlois et de Patrick Bellerose

Un extrait d’un message de l’ex-sous-ministre d’Éric Caire adressé à Karl Malenfant

«Je n’ai qu’un mot à te dire: bravo! J’admire ta vision, ton courage, ta résilience et ta capacité à livrer les résultats. Il faut avoir travaillé au sein de l’administration publique pour comprendre toute la complexité de l’environnement dans lequel il faut livrer les projets. C’est la plus importante transformation numérique complète de l’administration publique que tu as livrée avec l’équipe de la SAAQ. Quand on innove, quand on sort des sentiers battus, quand on remplace des technologies désuètes, il y a des risques et il est impossible de tout contrôler. Les résultats et les chiffres parlent d’eux-mêmes. Je ne terminerai pas sans te remercier sincèrement de ta collaboration de tous les instants dans mon rôle de dirigeant principal de l’information et ton implication et celle de ton équipe pour l’arrimage entre SAAQclic et le SAG.» 

– Pierre E. Rodrigue