Bianca Gervais prend une nouvelle direction pour ses 40 ans
Ne manquez pas «Les Armes», le lundi à 20 h, à TVA et sur TVA+.
Michèle Lemieux
Pour ses 40 ans, Bianca Gervais s’est offert, en compagnie de son amoureux, Sébastien Diaz, et de leurs deux filles, Liv, 11 ans, et Bowie, 7 ans, deux escapades: l’une aux îles de la Madeleine et l’autre en Toscane. La nouvelle quadragénaire voit la vie lui offrir l’opportunité de se renouveler, notamment sur le plan professionnel, avec son rôle dans la populaire série Les Armes, où elle incarne Gabrielle Auclair, une haute gradée qui semble cumuler de bien vilains défauts.
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Bianca, après autant d’années de carrière, qu’as-tu ressenti face au défi qu’on t’a proposé avec Les Armes?
Ç’a été une grande surprise. Je n’ai pas auditionné pour ce rôle, mais j’ai travaillé avec Fabienne (Larouche) à plusieurs reprises, notamment dans Fortier, 30 vies et Ruptures. Habituellement, on m’offre toujours des rôles de jeunes femmes sympathiques et pétillantes. Avec Gabrielle Auclair, je pense qu’on m’a offert le personnage le plus différent que j’ai jamais incarné en 30 ans.
Elle aurait plusieurs enjeux personnels, semble-t-il?
Oui, elle a beaucoup d’agressivité en elle, et une sexualité affirmée. Elle est infidèle et elle a des enjeux avec l'alcool. Et l’ultime péché: elle aime sa fille, mais elle n’a pas développé d’instinct maternel ni d’attachement profond, ce qui lui cause beaucoup de souffrance. Pour toutes ces raisons, elle fuit dans le travail. Elle a tout ce qu’on n’aime pas d’une figure féminine. Au début, j’étais inquiète et j’en ai parlé à mes collègues. Je craignais que ce personnage ne provoque de vives réactions, mais la série Les Armes est précisément l’espace où l’on explore les vices. Les personnages y sont très caractérisés, puissants, singuliers, parfois même brisés. Je savais que je pouvais relever ce défi, même si cela diffère de ce qu’on me confie habituellement.
Comment puises-tu en toi la colère qui habite cette femme, toi qui en es l’antithèse?
J’ai fait une série appelée En crisse, qui aborde notre colère collective. Le constat est simple: il y a rarement de la place pour être en colère dans notre société. Avec mon personnage de Gabrielle Auclair, je suis payée pour être bête et ne pas faire d’efforts pour plaire. C’est super libérateur, d’autant plus que c’est rare qu’on m’engage pour ça. Ce rôle m’a permis de canaliser toutes mes frustrations. J’étais vraiment reconnaissante qu’on me le confie. Après Les Perles, il y a eu une petite accalmie. Je me suis dit que c’était peut-être fini, que je n’allais peut-être plus jamais être actrice, que j’allais faire de l’animation ou de la réalisation. J’en avais discuté avec mon chum: devais-je retourner à l’école pour planifier la suite? Fallait-il entièrement me tourner vers la réalisation?
C’est fascinant de t’entendre tenir ce discours alors que tu cumules de nombreuses années de métier...
J’ai 32 ans de métier. Notre milieu est en plein changement. Il y a moins de rôles. Il faut toujours prouver qu’on a sa place. Ça oblige à se renouveler. Je pense que, pour toutes ces raisons, il faut avoir d’autant plus de gratitude.
Avec ton amoureux, tu développes un projet de long métrage: Baignades.
Oui, mon chum a acheté les droits de ce livre. Si tout va bien, j’y tiendrais un rôle. C’est une histoire incroyable! C’est très physique, et les personnages sont sous pression. C’est comme une espèce de presto. On est tenus en haleine tout le long. Actuellement, nous sommes à la phase de développement, mais nous y rêvons très fort. Sébastien met tous les efforts nécessaires pour que ça aboutisse. Nous avons aussi un nouveau projet qui sera disponible sur Tou.tv Extra avant Noël; c’est un docuréalité intitulé Plus tôt, plus tard. Je suis seule avec ma caméra et je vais à la rencontre d’artistes, de sportifs et de politiciens. Je suis là avant et après un événement important — je ne vois pas le pendant. Ça permet de voir l’humanité derrière tout ça, parce qu’après avoir gagné un prix, tu rentres ton bac à recyclage, tu plies tes débarbouillettes, tu retournes la robe que tu as louée... Nous avons tourné avec Véronique Cloutier, Félix-Antoine Tremblay, Léa Clermont-Dion et la mairesse Catherine Fournier. Ils étaient dans l’ouverture, car ils sentaient qu’il n’y avait pas de piège ou d’angle mort.
C’est fascinant de voir que ton chum aussi se renouvelle et pousse de nouvelles portes.
Au début de notre relation, nous étions allés dans un souper d’amis. Il y avait une ardoise sur laquelle chacun écrivait ses rêves. J’avais écrit que je voulais poursuivre mon métier et fonder une famille avec Sébastien. Ça faisait un an que nous étions ensemble. Nous nous sommes demandé en mariage après un an; ça fait 16 ans que nous sommes ensemble. Toujours est-il que Sébastien avait écrit que, d’un point de vue professionnel, il allait réaliser un film. À un moment donné, je lui ai dit: «Je pense qu’il faut que tu le fasses.» Il faut essayer de réaliser nos rêves. Je le soutiens. Je veux qu’il s’émancipe. Lui et moi, on est un bon match. Nous nous disons souvent que c’est plus facile entre nous, car il n’y a pas d’ego, de hiérarchie, de non-dits. C’est clair. C’est franc. C’est honnête.
Et aujourd’hui, tes rêves à réaliser ressemblent à quoi?
Je veux juste que mes enfants s’épanouissent et qu’ils soient heureux. J’ai revu mes attentes à la baisse. Je m’explique. Je l’ai eu mon beau lead avec Les Perles. J’ai touché à beaucoup de choses, mais notre bonheur est surtout lié à nos connexions. Je veux perdurer comme actrice, réalisatrice et animatrice, mais je veux surtout que mes enfants soient heureux et que mes parents soient bien. On dirait que la quarantaine me fait revenir à la base. Mais d’un point de vue professionnel, j’aimerais bien que Les Armes continue et qu’on m’offre plus de rôles forts comme celui-là.
Comment abordes-tu la quarantaine?
J’ai donné un nom à cette décennie. Pour moi, la trentaine, c’était la quête d’authenticité, une période pour enlever les masques, cesser de vouloir plaire à l’autre, de sourire quand ça ne nous tente pas. La quarantaine, c’est l’enracinement. Je réalise que chaque moment est précieux. Le temps passe. Je le vois avec mes parents, avec mes sœurs, avec la petite enfance de mes enfants qui s’achève. Je veux voyager, passer du temps avec les gens que j’aime, moins me définir par le travail. Durant la trentaine, j’étais fière d’avoir de la broue dans le toupet. Aujourd’hui, je regarde cette période et je me demande: «Mais c’était quoi, au juste: la fierté de ne pas vivre?» (sourire)
Comment as-tu célébré cette étape?
Pour mes 40 ans, je voulais fêter aux îles de la Madeleine. J’y suis allée avec mon chum et nos enfants. Ç’a été une grande révélation. J’ai trouvé que les gens étaient formidables à cet endroit. Là-bas, le temps ralentit. J’ai ramené plein de cailloux de la Grave que j’ai cachés dans ma voiture et dans mes pochettes de tournage. Quand ça va moins bien, je prends mes cailloux et je les frotte, comme des pierres de douceur. Je vais revenir aux îles, un jour.

Les filles ont-elles adoré, elles aussi?
Je pense que les filles aiment surtout voir leurs parents ralentir. Avoir des parents qui ont le temps de jouer aux cartes, d’écouter des émissions avec elles. Mes filles ont des parents qui travaillent beaucoup, mais qui sont là à chaque repas. Je dirais que 90 % du temps, Sébastien et moi ne travaillons pas les week-ends. Et à 17 h, nous arrêtons tout. Ça fait des journées chargées, mais les filles ont deux parents pour vivre le quotidien. Nous sommes aussi allés en Toscane. J’ai pleuré tous les jours. Je me sentais dans la gratitude extrême. Ma vie est belle, mes enfants vont bien, la santé de mes parents est bonne. Nous travaillons, nous sommes bien entourés, nous nous aimons. Quand je voyage, je pleure souvent au jour 3. Au début, mes filles se levaient de table et me faisaient un câlin. Maintenant, quand elles me voient pleurer, elles disent: «Ah, c’est la gratitude de maman!» et elles ne se lèvent plus pour m’offrir un câlin. (rires) Je veux qu’elles réalisent comment nous sommes chanceux. Elles ont une belle vie. Nous essayons de capter le beau alors que ça brasse autour. Elles ont 11 et 7 ans. Liv a commencé à me poser des questions sur les enjeux politiques et environnementaux. L’année prochaine, elle ira à l’école secondaire.
As-tu le sentiment que cela leur inculque de la gratitude pour tous ces petits détails de la vie?
Je l’espère. Notre voyage en Italie a été l’occasion de ralentir. Nous avons loué une petite villa où nous nous sommes posés. Nous avons vécu au village, à observer les gens. Il y a eu un mariage, un enterrement. Là-bas, ils font la sieste. Entre 13 h et 16 h, tout est fermé. Ils ne sont pas tant dans le capitalisme: c’est correct pour eux de ne rien vendre pendant cette période. J’ai eu l’impression que l’Italie au grand complet prenait congé au mois d’août, alors que les trois-quarts des commerces étaient fermées parce que les Italiens étaient occupés à vivre leur best life en famille.
C’est inspirant, quand même.
Oui. Alors nous sommes restés au même endroit et nous avons essayé de pas être des touristes, mais des locaux. Nous nous sommes rendus dans un festival rétro où nous avons dansé jusqu’aux petites heures du matin avec les enfants, habillés vintage. C’était génial! C’était doux. Nous n’avions pas d’horaire ni de plan, sinon que de se baigner, et de manger des popsicles et de la gelato. (sourire) C’était la dolce vita. Le soir, sur Centris, je m’inventais une vie en imaginant que je vivais en Italie... (rires) Je suis une fille émotive. Je ris fort. Je parle fort. Je m’exprime avec mes mains. Les Italiennes sont toutes comme moi! Je comprends leur langage. Je me suis dit que les Italiens, c’étaient les miens. Ç’a été, pour moi, une autre raison de pleurer... (sourire)