Baisse d’achalandage dans les transports: le REM pourrait en payer le prix

Audrey Sanikopoulos | Agence QMI
Le Réseau express métropolitain (REM) pourrait souffrir financièrement de la baisse du nombre d’usagers du réseau de transport en commun montréalais, affirment des experts.
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«Si l’achalandage n’est pas au rendez-vous, ça se peut que les profits ne soient pas au rendez-vous», a résumé Jean-Philippe Meloche, professeur et directeur de l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal.
Le REM va être opéré par la CDPQ Infra, une filiale de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Elle compte atteindre un rendement de 8% sur son investissement.
Un contrat a été négocié avec Québec pour des subventions selon le nombre de passagers par kilomètre, et non en fonction de la disponibilité des services. La CDPQ Infra a alors tout misé sur l’achalandage.
Toutefois, les usagers du transport en commun sont moins nombreux depuis la pandémie, ce qui affecte les finances des sociétés de transport (voir autre texte). Par exemple, l’achalandage du train de banlieue représente actuellement 50% de celui de 2019, selon son opérateur exo.
«Le REM a été ajusté dans une perspective de 2019. Quand il va rentrer en service, on est déjà en train de se demander s’il n’y a pas trop de transport en commun selon nos besoins d’aujourd’hui», a expliqué M. Meloche.
Peu de flexibilité
Les opérateurs du REM n’ont presque aucune autre solution si l’achalandage ne suit pas. Il leur serait impossible de jouer sur le prix du billet, qui sera similaire au reste du réseau.
Sans chauffeurs, le REM nécessite aussi peu de frais d'exploitation. Il serait donc difficile d’y faire des coupes.
«Tout ce qui est espéré, c’est que ça ne va pas faire trop mal. Il va falloir que le REM absorbe le coût parce qu’il n’y a aucune flexibilité», a indiqué le professeur.
La CDPQ Infra n’a pas non plus la certitude de pouvoir compter sur Québec pour des subventions additionnelles.
«La Caisse a tellement insisté sur le fait qu’elle assumerait le risque que Québec ne recevrait probablement pas positivement une telle demande», a avancé Michel Beaulé, conseiller sur le financement du transport collectif.
Filet de sécurité
La CDPQ Infra a tout de même été prévoyante en négociant des subventions en fonction d’un achalandage potentiellement faible. «La Caisse s’est donné un coussin de sécurité», a précisé M. Beaulé.
Elle mise aussi sur un monopole du transport vers la Rive-Sud et l’ouest de l’Île. «Les opérateurs ont tout mis en place pour qu’il y ait beaucoup de passagers. Ils ont même forcé les sociétés de transport à tout rabattre sur le REM», a assuré M. Meloche.
«Nous demeurons confiants de nos prévisions, le modèle de CDPQ Infra est ancré sur une perspective long terme», a réagi Emmanuelle Rouillard-Moreau, porte-parole de CDPQ Infra.
Les premiers passagers du REM devraient pouvoir l’emprunter dès ce printemps pour aller de la Rive-Sud au centre-ville de Montréal.
Le télétravail nuit au transport collectif
Le principal rival du transport en commun n’est plus la voiture, mais bien le télétravail, qui affecte de plus en plus les finances des sociétés de transport, croit un expert.
«Le transport en commun, ça fonctionne bien dans les zones à très haute densité quand beaucoup de gens ont la même destination. Si vous n’avez pas un centre-ville dynamique, vous n’avez pas du transport en commun dynamique», a souligné Jean-Philippe Meloche.
De moins en moins de gens se déplacent dans la métropole. Selon les derniers chiffres de la Société de transport de Montréal (STM), l’achalandage actuel du métro n’atteint que 72% de celui de 2019.
Il est actuellement de 74% pour le bus. La réduction se fait aussi ressentir dans les trains de banlieue.
La STM a été obligée de mettre fin à son service de bus aux 10 minutes. Elle a aussi été forcée de réduire ses dépenses de 18 millions $ pour faire face à un trou budgétaire désormais évalué à 60 millions $.
La situation est similaire pour les autres services de transport du Grand Montréal. L’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) accuse actuellement un déficit de 500 millions $.
«Les opérateurs essaient de maintenir les services jusqu’à ce que les gens reviennent. Mais si les gens ne reviennent pas, c’est mettre de l’argent dans les poubelles», a affirmé M. Meloche.
Les services de transport n’auront donc certainement pas d’autres choix que de réajuster les fréquences de leurs modes de déplacement selon les journées les plus prisées pour le travail au bureau.
D’après Jean-Maxime St-Hilaire, porte-parole d’exo, l’achalandage des trains de banlieue vers le centre-ville est plus important du mardi au jeudi.
«Ce n’est pas juste à Montréal que les gens ne vont plus au centre-ville avec le transport en commun, c’est dans toutes les grandes villes du monde», a rappelé toutefois le professeur.