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L'article provient de Le Journal de Montréal
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Avortement : un obstacle de plus à franchir pour les militaires américaines

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2022-06-26T17:17:07Z
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La fin du droit à l’avortement aux États-Unis risque d’affecter plus particulièrement les femmes militaires, qui auront un obstacle de plus à franchir pour réussir dans un monde d’hommes où la fréquence des agressions sexuelles et le taux de grossesses non désirées restent supérieurs à la moyenne nationale. 

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Dès l’annonce de l’abandon par la Cour suprême de l’arrêt « Roe v. Wade », qui garantissait le droit à l’avortement dans tous les États-Unis, le ministre de la Défense Lloyd Austin s’est engagé à examiner les réglementations du Pentagone pour « s’assurer que nous continuions à offrir un accès aisé aux soins de santé reproductive, dans le cadre des lois fédérales ».

Mais il n’a annoncé aucune mesure pour aider les quelque 230 000 femmes qui servent dans l’armée américaine alors que, conformément à une loi de 1976, le système de santé militaire ne peut procéder à des interruptions de grossesse qu’en cas de viol ou d’inceste avérés, ou encore si la vie de la mère est en jeu.

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Or les États américains les plus conservateurs — qui ont annoncé l’interdiction immédiate ou très prochaine de l’avortement — abritent d’importantes bases militaires, comme le Texas (Fort Hood).

Comme le reste de la population, les femmes affectées à ces bases qui souhaiteraient une IVG devront donc prendre plusieurs jours de congé pour changer d’État, à leurs frais, et trouver une clinique civile pratiquant l’avortement.

Mais « je pense que ce sera un peu plus difficile pour les femmes militaires », indique à l’AFP Julie, une infirmière militaire s’exprimant sous le couvert de l’anonymat. Les salaires dans l’armée ne sont pas élevés, explique-t-elle, et les femmes vont hésiter à demander des congés, car elles devront dire pourquoi et elles auront peur pour leur carrière. 

« Je crains que les femmes ne se tournent vers des pratiques dangereuses pour ne pas avoir à révéler pourquoi elles ont besoin de quatre ou cinq jours de congé (...) si elles ont besoin d’aller dans un État différent, deux ou trois États plus loin », ajoute-t-elle.

Les femmes ne représentent que 17 % des effectifs militaires américains, mais c’est une population jeune en âge de procréer (75 % des nouvelles recrues ont moins de 22 ans) et près de 25 % d’entre elles ont été victimes d’agressions sexuelles dans l’armée, selon une analyse réalisée en 2018 par la revue Trauma, Violence and Abuse.

« Nuage noir »

Or même en cas de viol, les femmes hésitent à s’adresser à un médecin militaire, qui aurait pour obligation d’ordonner une enquête sur l’agression. La majorité des agressions sexuelles dans l’armée sont en effet commises par un supérieur hiérarchique. 

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Autre obstacle à surmonter, les femmes militaires hésitent à se faire prescrire des contraceptifs par la médecine militaire, car l’activité sexuelle est découragée dans les rangs, notamment lors des déploiements.

Selon une étude publiée en 2020 par la revue Military Medicine à partir de témoignages volontaires de 319 femmes militaires, les femmes sont généralement réprimandées pour activité sexuelle pendant des déploiements, y compris pour des missions d’entraînement qui durent parfois plusieurs mois, notamment dans l’US Navy, ce qui laisse une marque dans leur dossier et ralentit d’éventuelles promotions. 

« Et même si elles ne sont pas officiellement punies, il y a un gros nuage noir au-dessus de celles qui tombent enceintes pendant un déploiement », témoigne dans cette étude une réserviste de l’US Navy. « Il est peu probable qu’elles obtiennent le transfert qu’elles souhaitent ou qu’elles soient bien notées ».

Des élus démocrates de la Chambre des représentants ont introduit un projet de loi qui autoriserait la médecine militaire à pratiquer des avortements.

Les femmes militaires « ont un taux de grossesses non désirées supérieur de 22 % à celui de la population civile », a souligné l’une des responsables à l’origine de ce texte, l’élue de Californie Jackie Speier, en présentant le projet de loi début juin. « Nos soldates méritent le même accès aux soins de santé de base que la population qu’elles protègent au combat ».

Les élus démocrates ont parallèlement appelé, dans une lettre publiée à la mi-juin, le ministre de la Défense à faciliter l’accès à l’avortement des femmes militaires, en remboursant notamment les frais de voyage de celles qui devraient changer d’État, voire de pays, pour obtenir une IVG.

La contraception n’est pas remboursée à 100 % par l’assurance maladie de l’armée américaine, ce que les démocrates tentent aussi de changer.

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