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L'article provient de Le Journal de Montréal
Société

Avortement: nous ne sommes pas Américains

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Photo portrait de Mathieu Bock-Côté

Mathieu Bock-Côté

2022-06-29T09:00:00Z
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Le Québec est-il soumis aux décisions de la Cour suprême américaine? 

À entendre certains depuis quelques jours, on pourrait le supposer. 

Ils font semblant de croire que le renversement de Roe vs Wade aura un impact de notre côté de la frontière et que le droit à l’avortement sera aussi fragilisé chez nous.

Petit rappel : le Québec n’est pas un État américain. 

Avortement

D’où vient alors cette conviction par plusieurs partagée? D’un grave problème : je parle de notre américanisation mentale.

Depuis quelques années, pour diverses raisons, nous avons pris l’habitude de nous projeter dans les catégories sociologiques et politiques qui structurent la vie américaine, comme si nous vivions leur vie nationale par procuration. 

Nous nous passionnons davantage pour la politique américaine que pour la québécoise. Nous nous projetons dans leurs débats de société en désertant trop souvent les nôtres. 

Résultat : nous en venons souvent à confondre la société américaine et la nôtre. 

Écoutez Les idées mènent le monde, une série balado qui cherche a éclairer, à travers le travail des intellectuels, les grands enjeux de sociétés.

On l’a vu notamment en 2020 au moment de l’affaire George Floyd, quand certains se sont convaincus que la question du racisme aux États-Unis se posait de la même manière au Québec, et qu’il fallait assimiler la situation des communautés issues de l’immigration chez nous à celle des Noirs américains. 

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C’était un grand délire, mais ce délire médiatiquement relayé déforme notre perception de nous-mêmes. Tout cela nous a conduits au débat portant sur la théorie loufoque du racisme systémique. 

Et c’est exactement ce qui arrive aujourd’hui avec la question du droit à l’avortement. 

Au Texas, il est compromis, au Missouri aussi. Et dans bien d’autres États. 

Mais il ne sert absolument à rien de se faire croire qu’il l’est au Québec! Nous avons assez de problèmes sans sentir le besoin de nous en ajouter un artificiellement.

Précision : nous ne sommes pas les seuls à réagir comme si nous étions des Américains. 

En France, où le droit à l’avortement est reconnu, et où aucun parti politique ne le remet en question, le parti présidentiel a même entrepris, à la suite de la décision de la Cour suprême américaine, de l’inscrire dans la constitution. 

Autrement dit, la France envisage de modifier sa loi fondamentale pour réagir à une décision qui relève de la politique intérieure américaine. 

Il serait bien que nous cessions de nous tromper de pays et de renouer avec notre propre réalité.  

On peut néanmoins tirer une réflexion générale de ce qui se passe aux États-Unis. 

Il est bien vu, aujourd’hui, de vénérer les juges et tribunaux – et plus encore à la Cour suprême. 

Tribunaux

On constate enfin que les tribunaux sont des acteurs politiques. Leurs décisions sont idéologiquement orientées. Ils ne sont pas plus impartiaux que les assemblées d’élus. 

Une dernière chose : la seule raison pour laquelle les Québécois entendent parler politiquement de l’avortement de temps en temps vient de leur participation à la fédération canadienne, qui les force à subir les débats qui animent l’Ouest canadien comme s’ils étaient les leurs. 

S’ils ne veulent plus jamais en entendre parler, ils savent quoi faire.

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