Autrice et productrice émérite: «La télé c’est ma vie, c’est ma passion» – Fabienne Larouche


Guillaume Picard
Qu’est-ce qui fait courir l’autrice et productrice émérite Fabienne Larouche, qui manufacture simultanément cinq fictions parmi les plus regardées du petit écran québécois?
Passionnée et allumée par la création, la femme de 65 ans produit et script-édite les deux grandes nouveautés de la rentrée, Dumas et Les Armes – qui s’affrontent dans la même case le lundi soir, la première sur ICI Télé et la seconde à TVA –, ainsi que les séries À cœur battant, Doute raisonnable et STAT.
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Et il n'est pas question de ralentir pour l'experte des quotidiennes depuis 1996 à Radio-Canada. C'est même plutôt le contraire, elle qui a des ambitions internationales pour sa boîte de production Aetios, lancée il y a 25 ans cette année.

«Je ne veux pas arrêter, parce que tout le monde autour de moi qui prend sa retraite s’ennuie. Je m’arrêterais pour faire quoi? Faire le tour des États-Unis en VR? La télé, c’est ma vie, c’est ma passion, je suis super heureuse, je ne vais pas faire autre chose», a-t-elle lâché au cours d’une longue entrevue où elle s’est montrée verbomotrice, comme à son habitude, reconnaissant même avec le sourire avoir livré un «monologue» qui, du reste, était tout sauf ennuyant.
«Le plus difficile et le plus excitant à la fois, c’est de partir une série. Michel [Trudeau] et moi avons lancé Dumas et Les Armes, le plaisir qu’on a eu! Je me réveillais la nuit pour y penser. C’est exaltant de lancer des séries, l’excitation de dire: “A-t-on pris les bonnes décisions?” Quand la mayonnaise prend grâce à une bonne histoire, aux acteurs, au réalisateur, ayoye, c’est ma drogue! C’est un travail d’équipe avec les réseaux. Je suis une fan de Céline Dion qui disait dans son documentaire que si tu veux monter vite, tu montes toute seule, mais si tu veux rester en haut, tu fais ça en équipe.»
Fabienne Larouche est aussi engagée dans la prochaine offrande de Luc Dionne, L’appel, qui porte sur le second procès de Maurice «Mom» Boucher et qui est destinée à Club illico, qui sera rebaptisé illico+ le 23 octobre prochain en accueillant les productions de Vrai. Le plateau s'ouvrira d'ailleurs aux journalistes mercredi prochain.
Celle qui affiche au compteur 35 ans de création télé à titre de coautrice, d'autrice, de script-éditrice et de productrice planche par ailleurs sur la prochaine série de Danielle Trottier et voit même plus loin en songeant déjà à la quotidienne qui succédera éventuellement à STAT.

«Il faut être préparée, on ne se prépare jamais assez!» répète-t-elle à qui veut l'entendre.
Moins occupée
Celle qui a passé l’été à lire des scénarios et à réfléchir à l’avenir de la télé en français ne chôme pas, même si elle est moins occupée qu’à l’époque où elle écrivait la quotidienne Virginie, en plus de plancher pendant ses vacances sur d’autres projets comme Music Hall et Fortier. Vous avez dit emballée par son travail, c'est assurément son cas avec toutes les productions qui figurent à son CV.
«Pour moi, ça a toujours été un grand privilège d’écrire pour les téléspectateurs. Je travaillais plus à l’époque où, pendant 20 ans, j’écrivais des quotidiennes et d’autres séries en parallèle. Aujourd’hui, j’accompagne des auteurs, de l’idée jusqu’à la diffusion, mais ce n’est pas le même stress. Je me trouve très privilégiée de collaborer avec de nouvelles plumes et d’autres qui ont du métier, comme François Avard, Luc Dionne et Danielle Trottier.»
Elle dit même que les «téléspectateurs sortent gagnants» de la course aux cotes d'écoute entre Radio-Canada et TVA, racontant au passage que les équipes de Dumas et des Armes se sont mêlées l'une à l'autre lors de visionnements organisés dans un hôtel, le 9 septembre dernier.
«Reine du lundi soir»

Fabienne Larouche refuse les étiquettes de «papesse du petit écran», de «reine de la quotidienne» ou encore de «reine du lundi soir» à cause de Dumas et des Armes, sans oublier Doute raisonnable qui est diffusée le même soir. Elle rappelle qu’elle n’a aucun contrôle sur la programmation, la chasse gardée des deux principaux réseaux au Québec. Et, du reste, il faut bien loger ses nombreuses séries quelque part.
«Lâche-moi la reine! (rires) Ce n'est pas Fabienne, c’est Gildor, c’est Vincent-Guillaume, c’est Luc Dionne. Les Armes aurait pu être présentée à 21h à mon avis et on l’aurait crinquée un peu plus avec des scènes d’amour. Mais bon, que veux-tu que je fasse, je ne peux rien faire», a dit celle qui a à son actif 1600 heures de fiction depuis le début des années 1990. Elle a commencé à écrire en solo à partir de Virginie.
Fabienne Larouche, qui a claqué la porte des Gémeaux pour la deuxième fois, l'an dernier, reconnaît être «exigeante». Avec elle comme avec les autres.
«Il faut que tu sois capable de prendre ce que je suis. Je suis exigeante quand je suis certaine de quelque chose!»

Cela prenait certainement du caractère et de la persévérance pour livrer tous les épisodes de ses différentes quotidiennes pendant 20 saisons consécutives, à raison de 120 demi-heures par année, mais aussi pour fonder sa propre boîte de production, Aetios, en 1999. Le tout en faisant sa place.
«En 35 ans, je ne l’ai pas toujours eu facile, puis j’arrivais du champ gauche et, souvent, j’ai ouvert des portes – au lieu de passer la main et d’ouvrir le loquet – je donnais un coup de pied dans la porte», a-t-elle reconnu.
Terre de sang, la dernière œuvre signée Fabienne Larouche?
Fabienne Larouche a délaissé l’écriture ces dernières années, mais elle prépare son grand retour comme autrice avec la série Terre de sang, une fresque historique en 10 épisodes dont héritera Radio-Canada. C'est un projet de longue haleine qui est déjà écrit. Le montage financier n'est pas cependant pas encore bouclé.
«C’est peut-être mon dernier projet d’écriture et je veux avoir les moyens pour le faire. C’est une histoire d’immigration, un hommage à nos arrière-arrière-arrière-arrière-grands-mères qui sont arrivées de France, juste avant les Filles du Roy. Si nous existons encore, c’est parce que ces jeunes filles, souvent orphelines, sont venues ici. Elles ont été courageuses.»
Les séries d’époque se font rares au petit écran québécois, les coûts de production étant exorbitants. Dans ce cas-ci, Terre de sang couvre la période s'étirant de 1659 à 1663, en pleine Nouvelle-France.
Hommage à Janette Bertrand et à Lise Payette
Si Fabienne Larouche est un modèle pour les auteurs de STAT et des Armes, respectivement Marie-Andrée Labbé et Pierre-Marc Drouin, qui l’a inspirée, elle?
La réponse est servie du tac au tac: la grande Janette Bertrand, qui célébrera son 100e anniversaire en mars prochain et qu’on a longuement ovationnée dimanche dernier au Gala des 39es prix Gémeaux.

«C’est un être humain à part, elle a été douée dans tout. Janette a déjà dit: “Écrire, c’est réécrire”, et ça, c’est resté avec moi tout le temps.»
Lise Payette l’a également touchée, notamment pour son cycle entamé avec La bonne aventure, en 1982.