Après 20 ans de carrière et une petite rébellion, Robert Naylor a rechoisi le métier d'acteur
«Société distincte» est disponible sur TVA+
Alicia Bélanger-Bolduc
Robert Naylor évolue dans le monde du cinéma et de la télévision depuis l’âge de 8 ans. Vingt ans plus tard, il demeure tout aussi présent, autant sur la scène francophone qu’anglophone. Né d’un père anglophone et d’une mère québécoise, il nourrit depuis son enfance deux grandes passions: l’art et le soccer. On peut d’ailleurs le voir en ce moment dans Société distincte, une série offerte sur TVA+.
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Dans la série Société distincte, tu joues le rôle de Julien, un ami du personnage principal, qui est ufologue. Quelle a été ton expérience, dans cette production qui sort des sentiers battus?
C’est à la fois une histoire d’amour fraternel et maternel. Bien sûr, à travers tout ça, on ajoute une touche de science-fiction, puisqu’on évoque la disparition d’un enfant qui aurait été enlevé par des extraterrestres. Mon personnage, lui, est plutôt classique, assez neutre dans un univers qui ne l’est pas du tout. Au Québec, c’est rare et stimulant de combiner deux genres complètement différents. La série évolue tranquillement, les spectateurs s’attachent aux personnages et finissent par embarquer dans cette histoire un peu surréelle. On est prêts à les suivre partout et à y croire. J’ai vraiment aimé faire partie de ce projet.
L’univers des extraterrestres te fascinait-il déjà?
Pas plus que la moyenne des gens. Je trouve l’idée intrigante: il y a de fortes chances qu’ils existent dans l’univers. Est-ce que ce sont de petits bonhommes verts aux grands yeux? Je n’en sais rien. Et c’est justement ça qui est passionnant: on ne sait pas du tout de quoi on parle! C’est un concept flou, avec des milliers de perspectives. J’ai fait quelques recherches avant le tournage, mais pas trop, puisque Julien n’est pas plongé dans cet univers. Quand mes personnages vivent des surprises, j’aime me laisser porter, afin de réagir de la manière la plus authentique possible. Je veux qu’ils vivent pleinement le moment.

Tu aimes donc travailler à l’instinct pour préparer tes rôles?
Quand même, oui! Après 21 ans de carrière, j’ai appris beaucoup. Enfant, je fonctionnais entièrement à l’intuition. À huit ans, c’est simplement impossible d’avoir une formation. En vieillissant, j’ai raffiné ma démarche. J’aime écrire mes réflexions sur l’histoire et sur mon personnage, voir ce qui en ressort. Souvent, tout se place naturellement. Mais ça m’a pris des années d’essais et d’erreurs pour découvrir ce qui me convenait le mieux.
Comment atterrit-on dans ce métier à huit ans?
Personne dans ma famille ne travaillait dans le milieu. Je faisais du théâtre à l’école et un jour, j’ai décidé que je voulais devenir acteur. J’ai dit à ma mère qu’il fallait me trouver un agent, même si je ne savais pas trop ce que c’était! (rires) Comme tous les enfants, je changeais d’obsession aux trois ou quatre mois, donc elle a attendu un peu. Mais en voyant que j’étais sérieux, elle a contacté une connaissance. Ils m’ont trouvé mignon avec ma grosse face ronde, puis j’ai commencé par des publicités... J'ai même joué un cadavre dans mes premiers contrats!

En 20 ans de carrière, as-tu traversé des périodes de doute?
Absolument! Quand tu commences jeune, tu ne te poses pas de questions, tu suis la vague. Mais à 18 ans, je me suis rendu compte que je n’avais pas pris beaucoup de décisions pour moi. J’ai dit oui à huit ans, mais est-ce que c’était encore ce que je voulais faire? J’ai eu une mini rébellion, durant laquelle je me disais que le métier d'acteur était stupide. Je me suis autosaboté en audition et sur les plateaux. C’était intense comme vie: j’ai quitté la maison à 17 ans pour habiter seul, et j’ai vécu mon adolescence sur le tard. Finalement, en me questionnant, j’ai compris que j’adorais mon métier, et qu’il me permettait également de nourrir mes autres passions, comme la musique et le Manchester United! (rires) C’est une profession qui demande énormément de discipline. Tu dois structurer ta vie, mais aussi être prêt à tout lâcher quand un projet arrive.
Avoir des amis dans le milieu, ça aide?
Au début, je pensais que non. Je me disais: «Pourquoi avoir des amis simplement parce qu'ils font le même métier que moi?» Je ne forçais pas les choses. Mais plus tard, j’ai réalisé que c’est précieux d’avoir des gens qui comprennent ma réalité. Quand je tourne, j’apprends mes textes, je me donne à fond, puis je tombe très tranquille avec la fatigue. Je suis bien entouré à la maison avec mes trois chats, mais personne ne comprend vraiment ce que c’est que d’enchaîner les auditions et les rejets constants. D’avoir des amis qui vivent ça aussi, sans compétition, avec lesquels on est sincèrement heureux des succès de l’un et de l'autre, c’est inestimable. Et lorsque ça va moins bien, on s’épaule.
Et cette passion pour le Manchester United, d’où te vient-elle?
J'ai surtout été élevé par ma mère, mais du côté de mon père, tout le monde est originaire de Manchester. Mon grand-père, un pianiste de jazz, a immigré au Québec pendant la Deuxième Guerre mondiale. Comme ma mère travaillait beaucoup, ce sont mes grands-parents qui me gardaient. Mon grand-père était un immense fan du Manchester United. Mes premiers souvenirs, c’est de regarder le soccer avec lui. Le soccer est devenu mon premier amour. J’ai remarqué que plusieurs artistes sont très investis dans des équipes sportives. Je pense que c’est une façon d’équilibrer le monde très subjectif des arts avec celui, hyper objectif, du sport: si tu marques le plus de buts, tu gagnes. J’y ai trouvé un refuge, et je suis fier de porter ça dans mes origines.

As-tu déjà visité l’Angleterre?
Oui, j’ai vécu plusieurs mois à Londres, et mon meilleur ami habite là-bas. On a fait le tour de l’Angleterre en voiture. Mais je n’ai encore jamais vu le Manchester United jouer. C’est un de mes plus grands rêves! J’essaie toujours d’initier mes amis à cette passion pour qu’ils deviennent mes partenaires de match.
Tu joues beaucoup dans les deux langues. J’imagine que tes origines y sont pour quelque chose?
Effectivement, j’ai toujours parlé anglais et français. Comme j’ai grandi beaucoup avec mes grands-parents britanniques, j’avais un énorme accent au départ, mais je suis allé à l’école francophone, ce qui m’a permis de naviguer entre les deux cultures. Aujourd’hui, ça m’ouvre beaucoup de portes et de belles opportunités.
Un de tes premiers rôles a été dans Every Thing Will Be Fine, aux côtés de James Franco et Charlotte Gainsbourg. Est-ce plus formateur de tourner avec de gros noms?
Mon premier film était 10 1⁄2, avec Claude Legault, et ç'a complètement changé ma trajectoire. Puis, à 14 ans, j’ai auditionné pour Every Thing Will Be Fine. J’avais encore ma naïveté d’enfant, et c’est probablement ce qui m’a aidé. À cet âge-là, je ne connaissais pas vraiment les acteurs avec qui je collaborais, donc je ne me mettais pas de pression. J’essayais de les étudier pour voir s’ils étaient spéciaux ou différents de nous... mais non! En neuf jours de tournage, James Franco m’a adressé la parole deux fois, dont une pour savoir si on faisait tous du ski au Québec... Cette expérience m’a surtout appris que je ne voulais pas me limiter aux grosses productions. Mon ambition, c’est de choisir des projets qui me rendent heureux et de retrouver un peu de la naïveté de mes débuts. Cela dit, c’était un film bien différent de la norme, ce que j’aime.

En parlant de projets hors du commun, l’un de tes premiers longs-métrages québécois a été Quand l’amour se creuse un trou, où ton personnage vit une histoire d’amour avec celui de France Castel, malgré leur grande différence d’âge.
J’avais 18 ans à l'époque et, en plus de jouer dans le film, j’en ai écrit la musique! C’était un projet qui pouvait sembler intimidant à cause des scènes intimes assez explicites, mais l’équipe et France ont été incroyables. Elle était extravertie, drôle, et toujours prête à raconter des anecdotes. Ça m’a mis à l’aise. Les séquences osées se sont tournées dans la bonne humeur, avec beaucoup de fous rires, ce qui m’a rendu bien plus confortable.
Pour finir, quels sont tes prochains projets?
Je fais partie de la saison 2 de Détective Surprenant, où je joue un rôle magnifique qui m'a permis de tourner aux îles de la Madeleine. Je joue aussi dans Mile-End Kicks avec Barbie Ferreira. C'est un film tourné à Montréal et qui sera présenté au TIFF en grande première. Récemment, je suis allé à Winnipeg avec Roy Dupuis pour un film réalisé par Sacha (Alexandre) Trudeau, le frère de Justin Trudeau. Ça devrait sortir sous peu.