Affaires

Aide aux entreprises: près de 5 milliards $ promis à la filière batterie

Le secteur pourra-t-il créer les 10 000 emplois que fait miroiter Québec?

Francis Halin

2024-12-14T05:00:00Z

Y voyant une façon d'enrichir les Québécois, le gouvernement Legault a fait exploser l'aide aux entreprises depuis 2018. Mais les résultats sont-ils là? Le Journal vous présente le dossier le plus complet jamais réalisé sur cet enjeu crucial alors que Québec se dirige vers un déficit record.

Même si Northvolt, Lion Électrique et Taiga vivent de sérieuses difficultés financières et que Ford vient de quitter le navire, Investissement Québec (IQ) espère toujours pouvoir créer 10 000 emplois dans la filière batterie d’ici 2030.

«Ces chiffres reflètent nos estimations actuelles», indique Mathieu Rouy, porte-parole d’IQ.

Il précise que cela est «appelé à évoluer selon les projections de chaque entreprise faisant partie de la filière batterie».

Québec prévoit créer 10 000 emplois d’ici 2030, dont 2500 à 3000 pour la région de Bécancour seulement.

«De la mine à la batterie, c’est réaliste, 10 000 emplois, si la filière se met en place correctement», analyse Michel Gauthier, chercheur et président d’Ignis Lithium.

Les gros bénéficiaires de la filière batterie

BÉNÉFICIAIRE	MONTANT
Northvolt	508 M$
Nemaska Lithium	425 M$
Ultium CAM (GM)	152 M$
Lion Électrique	109 M$
Vale Canada	55 M$
Projet mobilisateur Hexagone	36 M$
Taiga Motors	30 M$
Nouveau Monde Graphite	28 M$
Volvo	15 M$
Recyclage Lithion	15 M$

Source: Ministère de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie

Note: exclut les sommes non encore déboursées et les aides provenant des fonds propres d'Investissement Québec.

Plus de 16 G$ de projets

Depuis 2018, le gouvernement Legault a octroyé 1,35 milliard $ en prêts et autres aides à des entreprises de la filière batterie, dont 508 millions $ à Northvolt.

Le soutien de l’État pourrait atteindre 3,45 milliards $ si la totalité des projets annoncés, dont la valeur totale dépasse les 16 milliards $, se concrétise. À cela pourraient s’ajouter 1,5 milliard $ en aide à la production pour Northvolt, pour un total de près de 5 milliards $.

De son côté, Ottawa a promis 2,17 milliards $ pour la filière batterie québécoise, plus 3,1 milliards $ en aide à la production.

Joueurs clés touchés

Il y a quatre ans, une étude de McKinsey, commandée par IQ et dont Le Journal avait obtenu copie, évoquait 25 000 emplois, dont 12 000 liés aux mines à 120 000$ par année en région.

Depuis, plusieurs joueurs clés de la filière batterie, comme Northvolt, Lion et Taiga, ont connu leur lot de difficultés financières.

Il y a tout de même 2500 travailleurs de la construction actifs sur les chantiers à Bécancour, soulignait récemment le ministère de l'Économie.

Pour former les travailleurs de la filière, une école doit voir le jour à Bécancour, mais le directeur général du Cégep de Drummondville qui s’en occupe, Pierre Leblanc, refuse de commenter le dossier, qui fait toujours l’objet de discussions avec Québec.

Il y a un an, Le Journal rapportait les propos de Frédéric Laurin, professeur d’économie à l’École de gestion de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), qui disait que le Québec «aurait pu faire des choix beaucoup plus intelligents en dépensant probablement moins d’argent pour de plus grands résultats».

Transparence questionnée

Un mois plus tôt, Le Journal révélait que malgré la valse des milliards de dollars de fonds publics dans la filière batterie, IQ n’avait aucun document notable à fournir en deux ans sur les divers risques liés à sa stratégie, ce que dénonçaient des experts.

«On met tous nos œufs dans le même panier. Si dans cinq et huit ans, les batteries sont dépassées, qu’est-ce que l’on va faire de nos usines, qui nous auront coûté des milliards?», s’était demandé Luc Bernier, professeur à l’Université d’Ottawa.

– Avec la collaboration de Sylvain Larocque