Affaire Will Smith: et si ça se passait au Québec?
L’acteur pourrait être accusé même si la victime des voies de fait ne porte pas plainte

Antoine Lacroix
Si l’altercation entre Will Smith et Chris Rock s’était produite lors d’un gala au Québec, l’acteur pourrait se retrouver devant les tribunaux pour sa claque en plein visage même si l’humoriste n’avait pas porté plainte.
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« Au Canada, un procureur pourrait dire : “on a la preuve et on accuse quand même”, parce que ça n’appartient pas au plaignant. Aux États-Unis, si l’individu ne porte pas plainte, ça n’ira pas plus loin », a expliqué le criminaliste Jean-Pierre Rancourt, qui connait bien le système judiciaire américain puisqu'il pratique des deux côtés de la frontière.

La police de Los Angeles a déjà confirmé que Chris Rock n’avait pas souhaité porter plainte après avoir reçu cette claque au visage durant les Oscars, qui a rapidement fait le tour d'Internet, mais qu’une enquête pourrait être ouverte s’il changeait d’idée ultérieurement.
« La preuve est assez claire à cause du vidéo. Sauf qu’aux États-Unis, ça se fait devant un grand jury. Le plaignant va faire une plainte, la police va la prendre et avec le “district attorney” ils vont se présenter devant le panel, présenter la preuve et demander qu’une accusation soit portée », a résumé Me Rancourt.
UNCENSORED EXTENDED VERSION of Will Smith smacking Chris Rock from Japanese TV pic.twitter.com/s9BZoRyrrm
— Barstool Sports (@barstoolsports) March 28, 2022
À l’inverse, au Canada, les policiers peuvent procéder à l’arrestation d’un individu s’ils ont des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise. Par après, c’est au procureur de la Couronne d’analyser la preuve et qui décidera si des accusations sont portées, et ce, même sans plainte.
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Quelle sentence pour Smith?
Si le dossier était judiciarisé au Québec, l’acteur Will Smith pourrait s’en sortir avec une absolution conditionnelle, donc sans casier judiciaire, ou à devoir payer une amende ou réaliser des travaux communautaires.
« La dénonciation d’un tel geste est importante, mais il ne faut pas non plus faire une sentence exagérée. C’est un geste inacceptable et désolant, mais il faudrait envoyer le message qu’on ne peut pas régler nos problèmes de cette façon-là, à coup de claques, même si c’est une grande star d’Hollywood », a soutenu Nicole Gibeault, juge à la retraite.
Elle craint toutefois que ça puisse créer un effet d’entrainement et que d’autres personnes sur scène soient victimes de voies de fait.
Selon Me Rancourt, il pourrait aussi s'agir d'un cas de figure où un individu commentant un tel geste pourrait être éligible au Programme de mesures de rechange général.
D'autre façon d'intervenir
Selon Manon Monastesse, de la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes, l'acteur aurait dû intervenir autrement au lieu de choisir d'utiliser la violence, même s'il n'a pas apprécié la blague de Chris Rock au sujet de sa conjointe.
«On le sait, les femmes, que ce soit en politique, de façon générale, on va beaucoup critiquer leur apparence et pas celle des hommes. La blague que l’humoriste a faite, au-delà du fait que c’est vraiment de mauvais goût parce que ça fait référence à une maladie, c’est sexiste. Si Will Smith avait voulu être vraiment percutant, il aurait attendu d’avoir le micro et dénoncer le fait qu’on critique toujours l’apparence des femmes et non celle des hommes», a-t-elle estimé.
Peu de temps après l'altercation, Will Smith a remporté l'oscar du meilleur acteur et a livré un discours décousu. Il a notamment mentionné que «l'amour faisait faire des choses folles», une remarque qui a fait sourciller Mme Monastesse.
«C’est loin d’être adéquat comme message. C’est banaliser la violence, carrément. Ça cautionne le fait que des hommes, par jalouse, vont frapper d’autres hommes qui vont ne serait que regarder leur femme. C’est pas de l’amour de frapper quelqu’un d’autre pour sa conjointe. C’est comme de dire que par amour, on peut aller casser la gueule d’un homme», a-t-elle affirmé.
- avec Frédérique Giguère
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