Ukraine : l’UE adopte des sanctions contre Poutine et Lavrov

AFP
Le président russe, Vladimir Poutine, et son ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, figurent sur la liste des personnes sanctionnées par l’Union européenne, en réponse à l’invasion de l’Ukraine, a annoncé vendredi le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell.
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«C’est un pas important. Les seuls dirigeants dans le monde sanctionnés par l’UE sont le président syrien, Bachar al-Assad, et le président du Bélarus, Alexandre Loukachenko, et donc désormais Poutine pour la Russie», a déclaré Josep Borrell lors d’une conférence de presse.
Il s’exprimait à l’issue d’une réunion des ministres des Affaires étrangères des Vingt-Sept qui a formellement approuvé un paquet de sanctions sans précédent contre la Russie, annoncé jeudi soir par les chefs d’État et de gouvernement européens.
Les sanctions frappant Vladimir Poutine et Sergueï Lavrov sont «les mêmes» que celles prévues pour les autres personnalités mentionnées sur cette liste noire européenne, y compris «le gel des avoirs», a expliqué M. Borrell.
Londres prévoit également des sanctions «imminentes» contre le chef du Kremlin et son ministre des Affaires étrangères.
Tous les membres de la Douma, la chambre basse du Parlement, figurent désormais sur la liste de l’UE, ainsi que 26 personnalités du monde des affaires. Les individus sanctionnés se voient également interdire d’entrer sur le territoire européen.
«Je ne pourrais jamais trop insister sur la gravité de la situation», a déclaré M. Borrell, selon qui le paquet de sanctions est «le plus sévère jamais mis en œuvre». Il a souligné que l’UE pourrait encore prendre de nouvelles mesures de représailles si nécessaire, mais «pour l’instant nous devons concentrer nos efforts sur la mise en œuvre» de ce qui a déjà été décidé.
L’UE a décidé de limiter drastiquement l’accès de la Russie aux marchés de capitaux européens, entravant et renchérissant le financement de sa dette. Elle va également réduire l’accès du pays à des technologies cruciales, en la privant de composants électroniques et de logiciels, de façon à pénaliser gravement son économie.
Il sera interdit d’exporter vers la Russie des avions, pièces et équipements de l’industrie aéronautique et spatiale, ainsi que des technologies de raffinage pour l’industrie pétrolière. Ces restrictions toucheront aussi les biens à double usage (civil et militaire).
Les banques de l’UE auront interdiction d’accepter des dépôts de citoyens russes de plus de 100 000 euros, et plusieurs entreprises étatiques russes se verront bloquer l’accès aux financements européens.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait réclamé de bloquer l’accès de la Russie au système de messagerie bancaire Swift pour l’isoler financièrement du reste du monde, à l’instar de l’Iran fin 2019. Quelque 300 banques et institutions russes utilisent Swift pour leurs transferts de fonds interbancaires.
Mais il n’a pas été suivi. Des États membres freinent, dont l’Allemagne, très dépendante du gaz russe pour son approvisionnement, qui préfère l’envisager pour plus tard.
«Cette question a été considérée [mais] pour l’instant, il n’y a pas eu l’unanimité nécessaire, donc elle n’est pas dans le paquet», a déclaré Josep Borrell, en soulignant que cette mesure restait «une possibilité» pour l’avenir.
Londres annonce geler les avoirs de Poutine et de Lavrov
Le gouvernement britannique a annoncé vendredi avoir gelé les avoirs du président russe, Vladimir Poutine, et de son ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
Le Trésor a indiqué avoir ajouté les deux hommes à sa liste des entités et individus ciblés par des sanctions en raison de leur rôle dans « la déstabilisation de l’Ukraine » ou « menaçant son intégrité territoriale ».
Le premier ministre Boris Johnson avait informé ses alliés vendredi, lors d’un sommet de crise de l’OTAN, qu’il prévoyait de sanctionner « de manière imminente » Vladimir Poutine et son chef de la diplomatie, après une série de sanctions décidées cette semaine visant notamment des oligarques et des banques russes.
Ils voient donc leurs actifs gelés sur le sol britannique.
Qualifiant de « catastrophe » l’offensive russe et estimant que Vladimir Poutine était engagé dans « une mission revancharde pour renverser l’ordre post-Guerre froide », le dirigeant a aussi exhorté les dirigeants des pays membres de l’Alliance atlantique à « agir immédiatement » pour exclure la Russie du système bancaire Swift « afin d’infliger le maximum de souffrance » au Kremlin, selon une porte-parole de Downing Street.
Assurant que le Royaume-Uni était prêt le cas échéant à accroître son soutien militaire dans le cadre de l’OTAN, « il a prévenu le groupe que les ambitions du président russe pourraient ne pas s’arrêter là et qu’il s’agissait d’une crise euratlantique avec des conséquences mondiales ».
En plus des cinq banques et trois oligarques déjà sanctionnés mardi, le Royaume-Uni a imposé jeudi une nouvelle série de sanctions contre la Russie, interdisant la compagnie aérienne Aeroflot et ciblant le secteur bancaire, les exportations de technologies et cinq hommes d’affaires.
Conseil de l’Europe contre la Russie: la Turquie s’est abstenue
La Turquie s’est « abstenue » vendredi lors du vote visant à suspendre la Russie du Conseil de l’Europe en réponse à l’invasion de l’Ukraine, a indiqué le ministre turc des Affaires étrangères.
« Lors du vote à Strasbourg [siège du Conseil de l’Europe, NDLR] la Turquie a choisi l’abstention. Nous ne voulons pas couper le dialogue » avec la Russie, a justifié Mevlüt Çavusoglu lors d’un entretien à la chaîne NTV.
Ankara a pourtant jugé à plusieurs reprises « inacceptable » l’invasion russe de l’Ukraine.
Selon le magazine allemand Der Spiegel, la Turquie est le seul membre de l’organisation paneuropéenne à s’être abstenu, l’Arménie et la Russie ont voté contre, et tous les autres pays (42), pour, la suspension de Moscou.
L’Azerbaïdjan n’a pas pris part au vote, ajoute l’hebdomadaire sans préciser sa source.
Depuis l’invasion de l’Ukraine, il s’agit de la première sanction de cet ordre prononcée par une organisation internationale, dont la Russie est membre.
La Turquie, membre de l’OTAN et riveraine de la mer Noire comme les deux belligérants, avance sur la corde raide depuis le début des hostilités.
Ankara, qui avait offert sa médiation pour tenter d’éviter un conflit entre Moscou et Kiev, essaie de ménager ses relations avec les deux capitales.
Considérée comme alliée de l’Ukraine - auquel elle a vendu des drones militaires notamment - elle est aussi très dépendante de la Russie, à laquelle elle a acheté un système de défense antimissile, ainsi que du gaz et des céréales.
Cependant, le président, Recep Tayyip Erdogan, a jugé dès mardi « inacceptable » l’opération russe en Ukraine et fustigé, vendredi, le « manque de détermination » de l’Union européenne et de l’OTAN dans leur soutien à l’Ukraine.
« Tout ce qu’ils font c’est donner des conseils et des avis à l’Ukraine sans lui apporter de vrai soutien », a dénoncé le chef de l’État turc, parlant de « théâtre ».
Par ailleurs, la Turquie a refusé jusqu’à présent d’accéder à la requête de l’Ukraine qui lui a demandé de fermer le détroit des Dardanelles, donc l’accès à la mer Noire, aux navires russes.
Ankara contrôle l’accès à la mer Noire par le traité de Montreux, signé en 1936, qui garantit la libre-circulation des navires marchands en temps de paix et lui accorde le droit de bloquer les navires de guerre dans certaines circonstances, notamment si la Turquie elle-même est menacée.
« Nos experts sont en train d’étudier s’il y a un état de guerre du point de vue légal », a fait savoir vendredi M. Çavusoglu.