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L'article provient de Bureau d'enquête

Accès à l'information: pas d’ingérence politique... sauf une fois au chalet

Le ministre responsable de l'Accès à l'information, Jean-François Roberge, déclarait au printemps 2023 qu'il n'y avait pas d'ingérence politique dans les demandes d'accès aux documents. Pour les demandes médias aux ministères, par contre, c'est une autre histoire.
Le ministre responsable de l'Accès à l'information, Jean-François Roberge, déclarait au printemps 2023 qu'il n'y avait pas d'ingérence politique dans les demandes d'accès aux documents. Pour les demandes médias aux ministères, par contre, c'est une autre histoire. Photo d'archives, Stevens LeBlanc
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Photo portrait de Annabelle Blais

Annabelle Blais

2024-02-13T05:00:00Z
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Même si le ministre Jean-François Roberge assure qu’il n’y a pas d’ingérence politique dans les demandes d’accès, plusieurs exemples démontrent la grande proximité entre les cabinets politiques et les fonctionnaires lorsque vient le temps de répondre aux médias.

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La Commission d’accès à l’information dit n’avoir reçu qu’un seul signalement à ce sujet et il concernait les dirigeants d’un organisme et non pas les autorités politiques. Aucun manquement à la loi n’a finalement pu être prouvé.

Le Journal a toutefois constaté plusieurs exemples où le gouvernement est informé et intervient dans les questions envoyées aux ministères. La crainte est que le cabinet décide de l’information qui peut être rendue publique en fonction d’intérêts partisans. 


Des demandes média qui passent par le cabinet de Caire

En mai 2023, en plein scandale à la Société d’assurance automobile du Québec, notre Bureau parlementaire découvrait que près de 40 200 inscriptions au nouveau service d’authentification du gouvernement (SAG) du Québec se sont soldées par un «échec» lorsque des citoyens ont tenté de valider leur identité avec la SAAQ. Il y avait un problème avec les accents chapeautant certaines lettres. 

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En marge de ce reportage, des questions ont été posées au ministère de la Cybersécurité et du Numérique. Quelques heures après avoir envoyé le courriel, notre journaliste a reçu un texto de la porte-parole et directrice des communications du ministre Éric Caire. 

  • Écoutez l'entrevue avec Jean Louis Fortin, directeur du Bureau d’enquête de Québecor au micro d’Alexandre Dubé via QUB radio :

«Allô. On te revient avec des détails sur ta demande que tu as fait au MCN. Je suis en contact avec eux», a indiqué Nathalie St-Pierre.  

Étonné, le journaliste a répondu: «Ah, OK... C’était une demande pour le ministère. Je comprends qu’il n’y a pas de séparation de pouvoirs avec le cabinet».

En réponse, Mme St-Pierre a écrit: «Je n’ai pas vu ta demande, juste un texto de ma Dcom [...] J’ai demandé les détails, je te reviens.»


«Assurons-nous que le cabinet sait que Québecor fouille ça»

En 2022, nous avions envoyé une demande média au ministère des Transports pour obtenir une directive et des données sur le nombre de projets d'infrastructures

«Tout sera soumis au Cabinet, comme nous le faisons toujours.», pouvait-on lire dans les échanges de courriels obtenus grâce à la Loi d’accès à l’information impliquant le porte-parole du ministère.

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«Assurons-nous que le cabinet sait que Québecor fouille ça», avait également écrit la sous-ministre adjointe à son adjointe et conseillère principale. 

Nous avions alors reçu une réponse officielle affirmant que la directive n’existait pas. Mais les courriels obtenus par notre demande d’accès démontraient qu’elle existait, ce qui semait la confusion quant à la réponse à transmettre. «La directive existe déjà... Alors je sais pas trop», écrivait la directrice des communications. 

Radio-Canada a d’ailleurs vécu une situation similaire en 2020 impliquant cette fois le ministère de la Santé. Les journalistes tentaient d’obtenir des recommandations de la santé publique faites au Conseil exécutif, le ministère de François Legault. 

Ils ont reçu comme réponse qu’aucun document n’avait été trouvé. Or, par demande d’accès, ils ont appris que non seulement le document existait, mais que le Conseil exécutif refusait de le transmettre.

À la suite de ce reportage, le ministère de la Santé avait reconnu que le ministère intervenait dans les discussions avec les responsables de l’accès à l’information, mais «à de rares exceptions».


Lourdeur

Le syndicat des professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) affirme qu’à sa connaissance, les demandes médias aux responsables des communications des ministères ne «bifurquent» pas systématiquement vers les cabinets. « Mais ça n’exclut pas que ça puisse arriver», indique son président, Guillaume Bouvrette.

Il déplore surtout un contrôle très serré de l’information où tout doit être approuvé en haut lieu par le Secrétariat aux communications gouvernementales qui relève du Conseil exécutif. La lourdeur des paliers d’approbation est un irritant.

«Même si vous demandiez à un ministère combien y a-t-il de places de stationnement dans tel édifice et que c’est banal et facile, ils vont devoir avoir l’autorisation», dit-il.

-Avec la collaboration de Nicolas Lachance

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