À sa sortie du conservatoire, devinez ce que Catherine-Anne Toupin rêvait de faire...
Sa pièce «Boîte noire» sera présentée au Théâtre Jean-Duceppe en janvier prochain. Info: duceppe.com.
Patrick Delisle-Crevier
Celle qui mène de plein fouet une carrière d’actrice et d’autrice a de beaux projets, autant derrière que devant la caméra. À l’écran, elle est la Delphine Proulx de Dumas tandis que derrière le rideau, elle est l’autrice de la pièce Boîte noire, qui sera présentée en janvier au Théâtre Jean-Duceppe de la Place des Arts. Entrevue avec Catherine-Anne sur sa carrière, ses projets, ses rêves et sur sa vie de couple avec Antoine Bertrand.
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Catherine-Anne, comment ça va?
Ça va super bien. Il y a des moments dans la vie où on a l’impression d’être au bon endroit au bon moment. C’est comme ça que je me sens en ce moment. Je suis «sur mon X», pour reprendre l’expression populaire. Je suis heureuse dans ce que je fais et avec les gens qui m’entourent. Je flotte sur un gros nuage de bonheur.
Et qu’est-ce qui nourrit ce bonheur?
Une des choses les plus importantes dans ma vie, c’est la création artistique. Je me lève le matin parce que j’ai le goût de créer, que ce soit en écrivant ou en jouant. En ce moment, je travaille sur deux projets qui m’animent et où je sens que je donne le meilleur de moi-même, après 25 ans d’expérience en tant qu’actrice et autrice.
Quels sont ces deux projets?
J’écris un film et une pièce de théâtre. Ma nouvelle création sera présentée chez Duceppe en janvier 2026. Le titre est Boîte noire et ce sera un thriller dystopique qui s’inspire un peu, beaucoup de ce qui se passe en ce moment. Un suspense captivant avec une touche d’humour noir. Ça aborde l’intelligence artificielle et notre volonté de toujours s'optimiser en tant qu’être humain, de vouloir se dépasser à tout prix, afin de réussir dans chaque aspect de nos vies: notre carrière, notre santé, nos relations. C’est un texte dont je suis très fière. Selon moi, c’est la pièce la plus ambitieuse que j’ai jamais écrite. J’ai fait des mois de recherches pour bien comprendre tous les fonctionnements de l’intelligence artificielle.
Qu’est-ce qui t’a menée vers ce sujet?
Une passion. Quand je découvre un sujet, je peux m’y plonger sans relâche. Je suis très curieuse! Par exemple, quand j’ai écrit la pièce La meute, j’avais découvert la misogynie en ligne et ça me fascinait. Je suis entrée dans le sujet en essayant de bien comprendre et en me questionnant de façon assez intense. (rires) Il m’est arrivé la même chose avec le sujet de l’intelligence artificielle. On ne s'en rend pas compte, mais c’est nous qui sommes en train de nourrir cette bête-là. Nous participons tous à créer cette nouvelle technologie qui contrôlera bientôt chaque aspect de nos vies. En fouillant, j’ai découvert des choses fascinantes et je me suis dit qu’il fallait que les gens sachent ce qui se passe, qu’ils comprennent ce qui se cache derrière tout ça. Ce ne sont pas seulement des gens cool, dans des bureaux branchés en Californie, qui travaillent dans ce domaine. Ce sont aussi des millions de personnes qu’on paie deux dollars de l’heure, pour identifier des milliards de données qui nous permettent, à nous, de devenir toujours plus performant. Les grandes compagnies de Tech sont maintenant rendues dans des camps de réfugiés, et elles exploitent la main-d’œuvre détruite par la guerre et la famine. C'est bouleversant! J’ai passé six mois à faire de la recherche et à lire sur le sujet... J’ai écouté des podcasts, j’ai lu des livres et des centaines d’article. Je vais jouer dans la pièce avec Vincent-Guillaume Otis. On joue un frère et une sœur à la tête d’une grande compagnie de technologie et nos valeurs vont entrer en conflit. La mise en scène sera réalisée par Justin Laramée. Je suis très excitée et j’ai hâte que les gens découvrent cette pièce, et que nous puissions échanger sur le sujet.

La dernière fois qu’on a jasé, tu m’as confié que le métier de comédienne te manquait et que tu souhaitais un beau rôle. Et il est arrivé sous la forme de Delphine Proulx, dans Dumas.
Oui! C’est très drôle. Je t’ai parlé de ça dans le 7 Jours et Fabienne m’a appelée peu de temps après pour me proposer le rôle, alors merci! (rires) J’ai tellement été chanceuse! J’ai beaucoup de fun à jouer un tel personnage. Ce fut une belle surprise. Des fois, je suis tellement prise par mes projets d’écriture que je suis moins disponible, mais nous nous organisons. J’ai écrit sans arrêt cet hiver, mais je vais ralentir en mai puisque nous débutons les tournages de la prochaine saison de la série. J'aurai alors livré la première version de mon nouveau film. Je travaille aussi sur la troisième version du texte de ma pièce. Mais j’aime tellement jouer... J’aime être sur un plateau, et j’ai beaucoup de fun avec les autres comédiens de cette série. Notre réalisateur, Stéphan Beaudoin, est exceptionnel. Il est d’une gentillesse, d’une efficacité et d’une intelligence sans pareille. Alors ce projet, c'est un réel plaisir.
Dis-moi, Catherine-Anne, tu es plutôt discrète dans la vie. Comment vis-tu avec ta popularité?
J’aime les gens, j’aime échanger avec eux, mais à certains moments, c'est parfois devenu trop intense. Je me souviens qu’à l’époque d’Unité 9 – qui était diffusée les mardis soirs –, j’évitais de prendre le métro le mercredi matin, tout simplement parce que j'avais trop d’attention sur moi. Des émissions comme Unité 9, Boomerang et Les hauts et les bas de Sophie Paquin étaient des rendez-vous télévisuels ponctuels avec le public et, à cette époque, tout le monde en parlait. Mais maintenant, les habitudes d’écoute sont beaucoup plus fragmentées. Ces situations sont plus rares aujourd’hui, au point où, parfois, tu tournes dans un projet pour une chaîne plus nichée, et les gens pensent que tu ne travailles pas... Le métier a beaucoup changé et la façon de le faire aussi. Les gens ne se retrouvent plus tellement en même temps devant leur écran pour écouter une émission.

Un moment marquant et dont les gens ont beaucoup parlé, c’est ton passage à En direct de l’univers, lorsque tu as chanté pour ton conjoint, Antoine Bertrand...
Oui, les gens m’en ont beaucoup parlé, ce fut un beau moment. Les gens ne le savent pas, mais à une certaine époque, j’ai beaucoup chanté. Je rêvais de faire de la comédie musicale quand j’étais adolescente. C’était ma passion. Mais quand je suis sortie du conservatoire, j’ai vu qu’il n’y avait pas tant d’emplois que ça pour les jeunes acteurs fraîchement diplômés, et qu’il y avait déjà beaucoup de bons chanteurs dans le milieu... Je me suis dit que ce n’était pas là qu’on aurait besoin de gens. En revanche, il y avait de la place pour des autrices, des jeunes femmes qui écrivent. Je me suis donc lancée dans cette avenue. J’ai continué de chanter par plaisir et j’ai suivi plusieurs cours de chant. Puis, l’écriture et le jeu ont pris toute la place. Mais j’aimerais bien, un jour, jouer dans un spectacle musical.
As-tu toujours eu en toi l'envie d'écrire?
J’ai commencé à écrire alors que j’étais au conservatoire. J’étais dans la même classe que François Létourneau. On a commencé en écrivant chacun de notre côté, tout en s’encourageant à poursuivre et à ne pas lâcher. C’était le fun d’avoir un ami qui m’appuyait et qui croyait en moi.
Est-il difficile d'être rassasiée des deux côtés, quand on mène deux carrières de front?
L’autrice est vraiment rassasiée, parce qu’elle a deux projets sur lesquels elle tripe beaucoup. Le film à venir me comble! Dans ce projet, j'explorerai un sujet qui fait du bien. J’avais envie de mettre de l'avant des humains qui vivent des choses qu'on vit tous, à petite échelle. On parle de grandes émotions, aussi belles que tristes. L’actrice aussi est comblée, mais elle s’ennuyait du théâtre. Je n’ai pas joué depuis La meute, il y a quelques années. Alors, j’ai hâte de jouer chez Duceppe et, surtout, dans mes mots à moi. Mais j’aimerais aussi jouer dans un grand classique; une tragédie grecque, un Shakespeare ou une tragédie québécoise. J’aimerais vraiment défendre ce genre de rôle au théâtre prochainement.
Tu as plus de 25 ans de carrière. Est-ce que ça se passe comme tu l'espérais?
Non, puisque je ne pensais pas avoir une carrière d’autrice. J’ai eu des opportunités incroyables et mes pièces ont été jouées à travers le monde. Je n’en reviens pas! Ma pièce, À présent, après avoir été jouée à Londres, deviendra un film au Mexique sous le titre Fébril. C’est complètement flyé pour moi, tout ça! On joue mes pièces en Australie, en Italie et aux États-Unis... C’est complètement fou! Mais je ne veux pas faire que de l’écriture. L’actrice en moi s’ennuierait trop de la scène et du contact avec les gens. J’ai besoin d’un équilibre entre les deux. Ma carrière d’actrice m’a donné beaucoup de plaisir et m'offre de belles rencontres. J’aime le contact avec les autres acteurs, j’aime faire ce métier-là. Jeune, j’étais gênée, et le jeu m’a aidée à vaincre cette timidité.
Est-ce que c'est cette envie de surmonter ta gêne qui t’a amenée vers ce métier?
Oui, et aussi parce qu'en faisant du théâtre au primaire et au secondaire, je me suis fait des amis. Sur scène, j’étais heureuse et de bonne humeur. J’aimais cette excitation de groupe avant de monter sur scène, cette envie de faire un bon spectacle ensemble. Ça me nourrit encore aujourd’hui. Pour moi, ça, c’est être en vie.
Tu es discrète dans la vie, mais tu es en couple avec Antoine Bertrand, l’un des comédiens chouchous du Québec. Comment ça se passe quand vous sortez, tous les deux?

C’est limite intense! Antoine et moi le vivons très différemment. Antoine est quelqu’un qui aime croiser du monde à l’épicerie et jaser pendant une heure. Il est beau à voir et les gens sont contents de le voir. Tout cet amour qu’il reçoit m’émeut. Moi, les gens m’en donnent beaucoup, mais je suis plus discrète: je porte souvent un chapeau, des verres fumés ou je cache mes cheveux. Pas parce que je ne veux pas rencontrer les gens, mais parce que je suis dans ma bulle. Antoine, lui, il entre quelque part et tout de suite, il y a une vingtaine de personnes autour de lui. Je le laisse parler et je vais faire l’épicerie. Je suis consciente que c’est un grand privilège, que c’est précieux et que les gens nous aiment. Au Québec, c’est agréable, car il y a du respect et de l’amour de la part du public. Ce n’est pas le cas en France. Antoine a beaucoup tourné en France, ces derniers temps, et quand je suis allée là-bas avec lui, j'ai trouvé l’approche bien différente.
À quoi ressemble le quotidien avec Antoine Bertrand?
Il est tellement simple et pas compliqué! On s’aime tellement, nous deux! Ça fera bientôt 18 ans que nous sommes ensemble. C’est fou comme le temps passe vite avec lui! Je l’aime, cet homme. C’est un être humain incroyable, et on rit beaucoup ensemble. Il est drôle et adorable.
Revenons à vos débuts. Semble-t-il que c’est toi qui as voulu prendre une bière avec lui?
Oui, nous jouions ensemble au théâtre, à l’époque. Antoine m’intéressait, mais il pensait que je n’étais pas dans sa ligue. (rires) Alors, il n’a pas osé. Nous répétions ensemble dans les loges de la pièce Appelez-moi Stéphane, et j’ai fait les premiers pas.
Pensais-tu rester en couple aussi longtemps avec Antoine?
Je ne suis pas quelqu’un qui fait des plans dans sa vie personnelle. J’ai besoin de beaucoup de liberté et de laisser la vie être ce qu'elle est. Je n'avais pas de plans de mariage, d'enfants, de chien et de maison. Moi, je voulais faire de la création artistique. C’était ça, mon plan de vie.
Avez-vous des projets professionnels communs, Antoine et toi?
Pas pour le moment, parce que nous avons voulu laisser passer un certain temps après Boomerang. Mais j’aimerais, d’ici deux ou trois ans, trouver un projet dans lequel nous pourrions à nouveau mettre à profit la belle chimie que nous avons aussi au travail. Sinon, Antoine est mon premier lecteur.
Antoine et toi aviez votre havre de paix à Saint-Zénon, mais voilà que vous l'avez vendu. Pourquoi?
Après quelques années, nous avons simplement eu envie d’autre chose. On avait le goût de bouger un peu, donc nous voilà ailleurs! Nous avons voulu nous rapprocher un peu de la ville, aussi. C’est bien, parfois, de changer d’air.
Tu as eu 50 ans il y a quelques jours. Comment entrevois-tu cette nouvelle décennie?
Ça me donne envie de foncer, sans me laisser arrêter par quoi que ce soit. Je mords encore plus dans la vie, j’ai une urgence de vivre! J’ai le goût de voyager, de travailler et de rencontrer du monde tripant. J’ai le goût de faire des projets qui n’ont pas d’allure. Je me fous des petites rides qui apparaissent sur mon visage, parce que je me sens plus confiante et plus en contrôle de ma vie qu’avant. Je ne retournerais pas à 20 ans, à l'époque où je ne savais pas trop où je m’en allais.
En terminant, tu as toujours des rêves et des ambitions sur ta Bucket list. Qu’est-ce qu’on y retrouve, pour les prochaines années?
À part mon grand rôle classique au théâtre, j’aimerais faire encore plus de cinéma. J’aimerais que quelqu’un me voie dans son film, dans un personnage qu’il a écrit et qu’il a envie de me confier. Je suis ouverte à tout et je suis prête à foncer!