À quoi pourrait ressembler une sortie de crise?


Mathieu Bock-Côté
La tentation du pire habite ceux qui, actuellement, rêvent de transformer le conflit en Ukraine en guerre totale entre la Russie et l’Occident.
Ils sont hypnotisés par les dieux de la guerre, qui rendent les hommes fous, en leur faisant contempler avec les yeux de Chimène l’embrasement du monde.
Ne nous trompons pas : ils sont nombreux. La guerre les excite, les électrise.
Ceux qui veulent garder la tête froide doivent plutôt se demander à quoi peut ressembler une sortie de crise. Le plan sera inévitablement bancal. Il aura néanmoins la vertu de permettre aux esprits de se refroidir et de sortir d’une période où le pire est possible.
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Paix
Essayons de dire les choses clairement, et calmement.
L’objectif des Occidentaux, à court terme, ne peut pas être de renverser Vladimir Poutine, aussi détestable soit ce personnage qui passera à l’histoire à la manière d’un autocrate ayant entraîné son pays dans ses obsessions idéolo-giques. Plus encore, c’est avec lui qu’il faudra, dans les jours ou les semaines à venir, trouver une paix de compromis.
C’est ce que comprend Emmanuel Macron, d’ailleurs, qui cherche à tout prix à garder un canal de communication avec le Kremlin.
On le sait, les ambitions de Poutine ne se limitent pas à l’Ukraine. Il entend reconstituer une forme de souveraineté impériale russe restaurant sous un visage nouveau l’URSS. Mais ces ambitions se sont fixées pour un temps sur l’Ukraine. C’est donc autour du statut de l’Ukraine que peut se jouer un dénouement de la crise.
Premier principe : l’indépendance de l’Ukraine doit être garantie. Elle ne saurait être annexée à la Russie d’une manière ou d’une autre.
Mais l’Ukraine ne saurait toutefois rejoindre l’OTAN. Elle doit en prendre l’engagement. On nous dira probablement que l’Ukraine est un pays souverain libre d’adhérer aux organisations selon son bon vouloir. Théoriquement, c’est vrai. Pratiquement, il existe une telle chose en ce monde que la géographie.
L’Ukraine peut-elle exiger le maintien de son intégrité territoriale?
Non et oui.
Non, car le destin de la Crimée est pour de bon lié à la Russie. On ne voit pas de quelle manière il pourrait en être autrement pour l’époque qui est la nôtre. De même, le destin des territoires russes de l’est de l’Ukraine est au cœur du présent conflit. Poutine, pour éviter de perdre la face, doit au moins peser sur leur statut. Peut-être faudra-t-il envisager, les concernant, un référendum d’autodétermination?
Oui, car ces questions tranchées, l’Ukraine assurerait son existence comme État. Poutine ne saurait la contraindre à une démilitarisation complète.
Ukraine
Ensuite, le calme retrouvé permettra à chacun de rentrer dans ses terres.
Il est évidemment plus facile d’écrire tout cela que de le réaliser.
Mais si je l’écris néanmoins, c’est pour rappeler que la solution à la crise sera nécessairement décevante, imparfaite, limitée. Elle sera toutefois ancrée dans la réalité.
Et nous préservera des conséquences apocalyptiques d’une guerre en Europe.