Un arbre millénaire sauve le Pérou: des botanistes au secours de la biodiversité


Albert Mondor
Nous assistons présentement à un phénomène inquiétant puisque chaque année des espèces vivantes disparaissent de la surface de notre planète. Nous vivons donc actuellement une perte de biodiversité inquiétante. Selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), un peu plus de 900 espèces animales et végétales se sont éteintes dans leur milieu naturel depuis les années 1500 et plus de 47 000 espèces vivantes seraient actuellement menacées d’extinction.
Cependant, il est difficile de définir précisément ce nombre et d’identifier correctement la cause de ces disparitions. Bien que peu d’endroits n’ont pas été colonisés par les humains, la Terre recèle encore de grandes étendues naturelles inhabitées et souvent inaccessibles. L’immensité et la grande complexité de l’écosystème planétaire sont fort bien illustrées par ce fait plutôt étonnant: nous ne connaissons actuellement qu’une infime partie de toutes les espèces peuplant la Terre. En effet, chaque année, les scientifiques découvrent entre 15 000 et 18 000 nouvelles espèces animales et végétales. Ainsi, entre 2000 et 2009, 176 311 nouvelles espèces ont été découvertes et décrites. Certains scientifiques estiment qu’il y aurait près de 7 millions d’espèces encore inconnues sur le globe!


Mission: sauver les plantes menacées
Une équipe de botanistes des réputés Jardins botaniques royaux de Kew, situés en Angleterre, s’efforce d’assurer un meilleur avenir aux plantes les plus menacées de notre planète. Ils travaillent principalement à évaluer la santé des populations végétales vulnérables et leur diversité génétique, ainsi qu’à établir les meilleures méthodes de propagation et de conservation de ces plantes. Leur but ultime est de réintroduire ces plantes dans leurs milieux naturels en collaboration avec les autorités de leurs pays d’origine.
Depuis l’an 2000, plusieurs projets mis en œuvre par les Jardins botaniques royaux ont permis la restauration d’écosystèmes à travers le monde et la réintroduction de dizaines d’espèces de plantes dans la nature. Voici deux belles histoires racontant les efforts d’humains passionnés et dévoués pour assurer la sauvegarde de plantes menacées.

Des arbres pour contrer l’avancée du désert
Le huarango (Prosopis pallida) est un petit arbre proche parent du mimosa qui croît à l’état sauvage dans les régions désertiques de l’ouest de l’Amérique du Sud, notamment au Pérou. Bien adapté aux sols pauvres et secs, cet arbre pouvant vivre plus d’un millénaire possède de très longues racines qui atteignent jusqu’à cinquante mètres de profondeur afin de puiser l’eau des nappes phréatiques. En plus de permettre à plusieurs autres espèces végétales de pousser dans le désert grâce à l’ombre et à l’humidité qu’il fournit, cet arbre est une source de nourriture pour de nombreux animaux et les humains, et ses fleurs produisent un nectar abondant pour les abeilles. Pendant des milliers d’années, le huarango a freiné l’avancée du désert au Pérou et a permis la survie des populations locales. Malheureusement, comme il est massivement récolté pour en faire du charbon, il disparait rapidement, ce qui favorise la croissance du désert.
En collaboration avec les étudiants de l’Université nationale d’Ica au Pérou, l’Association pour les enfants et leur environnement (ANIA) et des citoyens bénévoles, les scientifiques des Jardins botaniques royaux de Kew ont récolté des semences de huarango, les ont propagées en pépinière et ont replanté des dizaines de milliers de jeunes plants en milieu naturel, sur les terrains des écoles ainsi qu’aux abords des terres agricoles. Un festival du huarango a été créé et de nouveaux produits alimentaires durables ont été développés et commercialisés. Plus que jamais, les Péruviens sont maintenant conscients de la prime importance de conserver cet arbre si précieux!

Un crocus bleu qui l’a échappé belle!
Les scientifiques travaillant aux Jardins botaniques royaux de Kew ont également réussi à réintroduire le fameux crocus bleu du Chili (Tecophilaea cyanocrocus) dans son milieu naturel. Depuis les années 1950, on considérait le crocus bleu du Chili comme une espèce éteinte à l’état sauvage, en raison principalement du développement urbain, du surpâturage et de la récolte intensive de ses bulbes dans le but d’en faire le commerce. Les Jardins botaniques royaux de Kew et la Corporación Nacional Forestal de Chile (CONAF) ont lancé un plan pour réintroduire cette plante dans son lieu d’origine. Cependant, au printemps 2001, une population florissante de Tecophilaea cyanocrocus a été découverte dans la nature près de Santiago, avant que les tentatives de réintroduction aient commencé. Bien qu’il demeure rare, le crocus bleu du Chili colore à nouveau les Andes chiliennes de ses magnifiques fleurs bleues.
