À la rencontre du géant québécois du basketball: à 7 pieds 9 pouces, Olivier Rioux fait tourner les têtes à l’Université de la Floride

Stéphane Cadorette
GAINESVILLE | C’est un mardi, en milieu de journée, au stade de basketball des Gators sur le superbe campus de l’Université de la Floride. Je suis installé aux abords du court, l’esprit plongé dans mon ordinateur portable. La voix grave typique d’un géant me fait sursauter. «Salut, c’est Olivier Rioux!» Bien assis, mon regard se tourne vers le haut, encore vers le haut, toujours vers le haut. Voilà qui promet pour ma rencontre avec celui qui a été reconnu il y a trois ans par le livre Guinness des records comme le plus grand adolescent au monde.
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On a beau s’imaginer qu’un jeune homme de 18 ans qui mesure 7 pieds 9 pouces ce sera impressionnant, mais il faut le voir pour le croire. Complètement saisi par la stature d’Olivier Rioux, centre recrue avec les Gators, je fige un instant. Je finis par me lever de ma chaise pour tendre la main au très sympathique géant. Sa paluche de taille gargantuesque ensevelit ma main, soudainement minuscule.
Son sourire contagieux illumine le Exactech Arena, amphithéâtre de 10 000 places, vide en cette journée d’entraînement. Celui que tout le monde appelle simplement «Oli» dégage une belle assurance en sautant sur le terrain avec ses hallucinantes espadrilles de taille 20. Il rit de bon cœur avec ses coéquipiers tout en trimant dur pendant une pratique de près de deux heures.
Déjà, Olivier Rioux est le plus grand joueur de l'histoire du basketball de la NCAA. S'il perce éventuellement dans les rangs professionnels et que sa taille ne change pas, il deviendra aussi le plus grand joueur professionnel au monde, à égalité avec le Chinois Sun Mingming, qui a oeuvré dans différents pays.
C'est donc dire que le «petit gars» de Terrebonne est un géant parmi les géants.
Le relationniste de l’équipe, Denver Parler, constate mon émoi et rigole. «Je mesure 6 pieds 4 pouces et depuis des années je côtoie des joueurs de très grand format. Je suis habitué et pourtant, la première fois que je me suis retrouvé à côté d’Olivier, il m’a fait sentir comme si j’étais un enfant», me dit-il en explosant de rire.

«Oli! Oli! Oli!»
Aussi bien l’expliquer tout de suite, Olivier ne joue pas cette saison. Verte recrue, il fait tout avec l’équipe, sauf prendre part aux matchs. C’est ce qu’on appelle en langage de sport universitaire une saison «redshirt», ce qui lui permet de conserver une année d’admissibilité. La procédure est courante.
Il faut savoir que les Gators, ce n’est pas de la petite bière. L’équipe est classée 13e au pays dans la NCAA et tous les espoirs sont permis cette saison. La profondeur de l’alignement permet au Québécois de s’assurer que le métier rentre avant que son rôle soit accru dans les années à venir.
Sauf que les partisans de l’équipe en ont vite fait leur favori et voudraient le voir à l’œuvre. Lors des premiers matchs de la saison, ils étaient nombreux à scander «Oli! Oli! Oli!», pour que leur colossal chouchou embarque.
«J’adorais que les gens crient mon nom. C’est sûr que c’est flatteur. Je n’ai jamais vécu ça et l’objectif, c’est de jouer l’an prochain.
«J’avais espoir de jouer, mais j’ai vite réalisé qu’avec la qualité des joueurs qu’il y a ici, ça n’aurait pas été intelligent de jouer une minute par match et de gâcher une année d’admissibilité dans mon parcours», réfléchit-il.

Comme une célébrité
Après l’entraînement, à la veille d’un duel contre l’Université de la Virginie, ce grand bout d’homme m’a accordé tout le temps du monde dans l’amphithéâtre. On s’est ensuite promené tranquillement sur le charmant campus grouillant de vie, moment idéal pour constater qu’à plus de 2000km de chez lui, il est devenu une sorte de célébrité.
On n’a pas fait 50 pas que des enfants l’arrêtent en lui posant les deux questions qui meublent constamment son quotidien. «Wow, combien tu mesures?» et «Es-tu un joueur de basketball?»

Pendant notre marche de santé, des athlètes d’autres sports sur le campus sont nombreux à le croiser et à lui demander: «Comment ça va, Oli?»
Au coin d’une rue, une dame immobilise son véhicule et le salue en français. Olivier se penche vers ledit véhicule comme si vous et moi on se penchait vers un enfant en tricycle. Pourtant, son interlocutrice est dans son Dodge Ram, un camion qui fait six pieds et demi de hauteur! Il discute longuement avec celle qui se nomme Virginia Bisiaux et qui aimerait bien qu’il vienne rencontrer les étudiants du Cercle français de l’Université de la Floride.

Chaque fois, Olivier est avenant. C’est devenu sa réalité et il accueille cette attention avec humilité.
«Quand les gens me voient, c’est normal qu’ils soient curieux. Ils réalisent que c’est unique d’être grand comme moi et ils aiment m’approcher et poser des questions. Tant que c’est fait dans le respect, je vais toujours prendre le temps», explique-t-il.
Cette attention, il la reçoit depuis qu’il est tout jeune. Parfois, les choses ont même dégénéré. À 12 ans, il frôlait déjà les 7 pieds.
«Une fois, en vacances dans le Sud, un lineup se formait pour prendre des photos avec moi. Mon père a dû s’interposer et c’est un moment qui reste gravé dans mon cœur parce que j’ai adoré son geste. C’était du monde saoul au bar. J’étais jeune et ça me mettait mal à l’aise», confie-t-il.
Un parcours unique
Reste que malgré quelques moments désagréables, la majorité du parcours d’Olivier Rioux a été rempli d’expériences positives.
C’est au secondaire, au Collège St-Jean-Vianney, qu’il est vraiment tombé dans la marmite du basketball.
En 2018, aux championnats du monde juniors de la NBA en Ontario, nul autre que la vedette canadienne Jamal Murray, des Nuggets de Denver, a été à la rencontre d’Olivier Rioux pour prendre une photo avec lui, publiant ensuite le tout sur ses réseaux sociaux. En 2023, le Québécois a republié la photo à ses 121 000 abonnés sur Instagram en félicitant Murray pour son championnat de la NBA.
De fil en aiguille, il s’est retrouvé en Espagne à la même période, dans un tournoi organisé par le Real Madrid. Il a fait sensation sur place et quelques images sont devenues virales, dont une qui a été commentée sur les réseaux sociaux par le légendaire Stephen Curry.
Au milieu de son secondaire, le jeune s’est même vu offrir un contrat par le Real Madrid. Il s’est plutôt tourné vers l’Académie IMG en Floride, où il a passé les trois dernières années avant d’être recruté sans relâche par les Gators.
Parallèlement, il a aussi plusieurs fois représenté Équipe Canada, dont en 2023, lors de la Coupe du monde U19 de basketball, en Hongrie.
Le rêve de la NBA

Au fil de la balade, les regards des gens sont constamment tournés vers Olivier, mais il n’en fait plus de cas, occupé à me parler de tout et de rien.
De la grande famille des athlètes des Gators. Des installations de grande qualité de l’équipe. De ses études libres avec des cours dans des domaines aussi variés que la gestion du sport et l’astronomie. De son intérêt pour le dessin. Des défis que sa taille lui impose, comme la nécessité de s’acheter des vêtements sur mesure ou de porter ceux que ses équipes de basketball lui ont fournis.
Et bien sûr, on jase de ses ambitions dans le basketball. Fier du chemin parcouru, il se permet de rêver à la NBA, sans en faire une obsession.
«C’est un objectif dans ma vie, mais pour l’instant je n’y pense pas trop parce que c’est loin dans le temps.
«J’ai encore quatre années ici. Bien des choses vont continuer de changer, comme mes mouvements latéraux. Tout va devenir plus fluide et ma masse musculaire va aussi changer», affirme celui qui fait osciller la balance à 315 livres.
Peut-être que dans quelques années, il se retrouvera sous les projecteurs à titre de plus grand joueur de basketball professionnel au monde, dans la NBA ou ailleurs.
En attendant, celui que tous les gens rencontrés à Gainesville m’ont décrit comme un «gentil géant» gagne vraiment à être connu.