460 $ pour deux jours dans un 3 1/2
Charles Mathieu | Bureau d’enquête
Réserver un logement de Sonder sur Airbnb c’est comme rentrer dans un immeuble à condos locatifs qui pourrait autrement servir à des locataires montréalais à long terme.
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Notre Bureau d’enquête a passé la nuit du 30 au 31 mai au Richmond, un bâtiment dans Griffintown où 47 condos sont sous-loués par Sonder sur trois étages.
Le logement a été réservé sur Airbnb. Nous devions absolument louer pour deux nuits. Coût total : 460,22 $ La facture inclut des frais de ménage de 100 $, la TPS, la TVQ et la taxe sur l’hébergement de 3,5 %.
Après le paiement, nous avons été redirigés vers l’application de l’entreprise basée en Californie pour continuer le processus.
Lorsque la demande a été approuvée, les codes d’accès à utiliser pour entrer dans l’immeuble et dans la chambre nous ont été envoyés.
Arrivée
Au moment de notre arrivée, il fallait remplir à la main un registre d’entrées et sorties de l’immeuble.
Se trouvait uniquement un agent de sécurité, qui ne travaille pas pour Sonder, mais pour le propriétaire du bâtiment.
« Contrairement aux hôtels traditionnels, de nombreux Sonder n’ont pas de personnel à la réception », peut-on lire dans les instructions qui nous ont été envoyées. Nous pouvions poser des questions sur l’application mobile à Kate Anne, une employée de Sonder aux Philippines.
La porte de chaque chambre était munie d’un clavier tactile à numéros.
À l’intérieur de l’appartement, un 3 1⁄2 d’environ 550 pieds carrés, se trouvent notamment une télévision avec Google Chromecast, un duo laveuse-sécheuse et une cuisine avec lave-vaisselle, four et réfrigérateur et un climatiseur.
Notre Bureau d’enquête a tenté d’aller parler à des locataires et propriétaires sur place pour connaître leur expérience. Nous sommes toutefois tombés sur un gestionnaire de l’immeuble qui nous a demandé de cesser de les questionner.
Des immeubles aménagés pour Sonder
DE 43 LOGEMENTS À UN HÔTEL

En 2017, la Ville de Montréal a vendu un édifice patrimonial, situé à un jet de pierre du palais de justice, à l’entreprise Cours de Brésoles inc.
En très mauvais état, l’immeuble a été vendu à perte pour 1,4 M$, à la suite d’un appel d’offres public.
L’entreprise a d’abord présenté à la Ville un projet de 43 logements. Six mois après avoir obtenu son permis, le constructeur a modifié sa demande pour transformer l’édifice en « hôtel » de 46 appartements. Elles seront mises en location à court terme par la compagnie Sonder--- quand la reconstruction sera terminée.
« Le projet n’aurait pas été viable si ça n’avait pas été du contrat avec Sonder, affirme le président de l’entreprise propriétaire, Alberto Bernardi. Le projet est basé sur l’entente avec Sonder dès le départ. »
Il explique qu’il s’agira d’espaces de luxe pour des voyageurs d’affaires.
UNE CLINIQUE DEVENUE « AIRBNB »

En 2017, l’arrondissement de Ville-Marie acceptait de modifier le zonage d’un édifice de la rue Saint-Denis pour la création d’une clinique médicale et de bureaux.
Deux mois après avoir obtenu son permis, Développements Quorum Mtl a conclu un bail avec Sonder, puis a demandé à la Ville de modifier son permis pour aménager 21 appartements.
Ceux-ci sont aujourd’hui en location à court terme, notamment sur Airbnb.
Le développeur, Quorum Mtl, n’a pas donné suite à un courriel.
UN 52e HÔTEL ?

Un bail a été signé à la fin 2021 par Sonder avec la firme Swatow Developments pour la location de quatre étages dans la Plaza Swatow, dans le Quartier chinois.
Le premier actionnaire de Swatow est une compagnie à numéro québécoise comptant elle-même des actionnaires aux îles Seychelles et aux Îles Vierges britanniques.
« Il y a déjà 51 hôtels dans un rayon d’un kilomètre autour du Quartier chinois. Est-ce qu’on a vraiment besoin d’un 52e hôtel ? » déplore May Chiu, membre du Groupe de travail sur le Quartier chinois.
DES CONTROVERSES AUX ÉTATS-UNIS
Le géant de location à court terme Sonder s’est retrouvé mêlé à plusieurs litiges et controverses aux États-Unis dans les dernières années.
À New York, un immeuble situé près de la Bourse de New York dans lequel Sonder sous-louait des dizaines d’appartements a été au cœur d’au moins trois recours judiciaires.
En avril 2020, deux résidents à long terme de l’immeuble ont notamment poursuivi leur locateur et Sonder pour ce qu’ils alléguaient être un cauchemar dû à la présence de Sonder.
Entre autres, ils dénonçaient du trafic de drogue et du harcèlement dans l’immeuble. « Sonder est le pire voisin que quelqu’un peut imaginer », alléguaient-ils.
Selon le registre de la Cour, des discussions de règlements avaient lieu en novembre 2021.
À Boston, le Boston Herald a rapporté à la fin 2019 que Sonder avait reçu plusieurs amendes en lien avec de la location à court terme.
« Il s’agissait de 9 amendes potentielles, et elles ont toutes été rejetées puisqu’elles étaient émises incorrectement à des propriétés conformes, ou à des propriétés qui n’étaient pas exploitées par Sonder. Nous n’avons eu à payer aucune amende et nos propriétés sont conformes à la réglementation de Boston », s’est défendue la firme par courriel.
À San Francisco, Sonder a poursuivi en juillet 2020 un propriétaire d’immeuble pour mettre fin à un bail, invoquant l’impact de la pandémie. Une entente est intervenue, mais le proprio a poursuivi à son tour Sonder l’an passé parce qu’un locataire qui devait partir selon l’entente était toujours présent.
À Long Island City, Sonder a été poursuivie en août 2020 par un proprio d’immeuble pour 2,5 millions $ US pour bris de contrat. Il était prévu que Sonder loue un hôtel entier. « Nous avons exercé un droit contractuel de résiliation que nous détenions en vue d’un non-respect des termes du contrat », s’est justifié Sonder.