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L'article provient de TVA Nouvelles
Justice et faits divers

42 mois de pénitencier pour ce Beauceron qui a violé sa sœur

«Les victimes n’ont pas à demeurer silencieuses» a répondu le juge à la défense, qui estimait que la médiatisation de l’affaire justifiait d’éviter la prison

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Photo portrait de Pierre-Paul Biron

Pierre-Paul Biron

2023-07-06T20:48:27Z
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Un homme de la Beauce passera les trois prochaines années et demie à l’ombre pour avoir violé sa sœur le soir d’une fête familiale. Pour la victime, l’incarcération de l’agresseur est sa libération à elle, après cinq longues années de démarches. 

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Le juge Frank D’Amours a eu des mots durs pour Michael Veilleux dans la lecture de son jugement sur la peine de 42 mois qu’il a imposée à l’homme de 35 ans.

Photo tirée de Facebook
Photo tirée de Facebook

Insistant sur le fait qu’une sœur devrait toujours pouvoir «espérer qu’un frère la protège et lui vienne en aide», le juge a déploré que Veilleux ait plutôt fait le choix de lui voler une partie d’elle-même.

«La gravité objective est importante. Le tribunal ne retient aucunement la version de l’accusé, qui dit qu’il n’a aucun souvenir», a souligné le magistrat, rappelant que les images de surveillance de l’hôtel le montrent plutôt marcher d’un pas assuré, «sans jamais tituber ou même vaciller», avant de choisir une chambre à un seul lit «même s’il est avec sa sœur» pour ensuite débarrer la porte sans problème.

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Violée par son frère

Le drame qui a fait voler en éclats la vie de Myriam Veilleux s’est produit dans la nuit du 10 au 11 mars 2018. C’était soir de fête chez les Veilleux, alors qu’ils célèbrent l’anniversaire de leur père dans un restaurant, puis dans un bar. C’est là le dernier souvenir de la femme, qui se réveille le lendemain, partiellement nue et couverte de vomi, dans une chambre d’hôtel.

Photo Pierre-Paul Biron
Photo Pierre-Paul Biron

Se doutant qu’elle avait été agressée, Mme Veilleux s’est rendue à l’hôpital, où les prélèvements d’ADN ont confirmé que c'était son frère, son propre sang, qui avait abusé d’elle.

Michaël Veilleux a toujours plaidé le «blackout total», affirmant s’être réveillé dans la chambre, mais n’avoir lui non plus aucun souvenir des événements. Dans un appel téléphonique à son frère, le matin du drame, et présenté lors des observations sur la peine, on l’entend dire: «Si elle s’est fait violer, j’espère que ce n’est pas moi qui est là-dedans».

«Cet appel est fort éloquent», a mentionné le magistrat dans sa décision rendue jeudi au Palais de justice de Saint-Joseph-de-Beauce, soulignant le détachement et l’absence de remords de l’accusé face au drame.

  • Écoutez le segment judiciaire avec Nicole Gibeault diffusé chaque jour en direct 11 h 10 via QUB radio :

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Parole aux victimes

La peine de 42 mois imposée se rapproche davantage de la suggestion du procureur de la Couronne, Me Christian Gauthier, qui avait plaidé pour six ans de détention, que de celle de la défense. L’avocate de Michael Veilleux estimait qu’un sursis avec travaux communautaires était suffisant vu la médiatisation de l’affaire, «qui a eu des conséquences majeures sur sa vie».

Là encore, le juge a fait une analyse sévère, regrettant que la suggestion de la défense «s’attarde à l’accusé en faisant fi des conséquences sur la victime».

«La publicisation de l’affaire n’a pas eu chez l’accusé de conséquences autres que celles découlant normalement d’un dossier de pareille nature», a insisté le juge D’Amours, lançant un message clair aux victimes, souvent étouffées par le tabou lié aux crimes sexuels.

«Les victimes d’agressions sexuelles n’ont pas à demeurer silencieuses.»

«Aujourd’hui, je suis fière»

Plus de cinq ans après les événements, Myriam Veilleux peut enfin tourner la page sur une partie de ce cauchemar. De voir son frère quitter la salle menottes aux poings aura été pour elle le point final d’une étape qu’elle veut maintenant mettre derrière elle. 

Photo Pierre-Paul Biron
Photo Pierre-Paul Biron

«Des séquelles de ces cinq ans et demi, je vais en avoir, mais aujourd’hui, je suis fière», laisse tomber la femme qui ne souhaite désormais «que des moments heureux».

«Je veux revivre les moments que je vivais avant. Je veux revenir en Beauce et pouvoir vivre du beau. [...] Je veux me reconstruire.»

Un tabou difficile à surmonter pour les victimes

Quand Myriam Veilleux a choisi de faire lever l’ordonnance qui protégeait son identité, elle a choisi de renverser le fardeau de la honte. Son frère l’avait agressée et c’est elle qui devait se cacher? «Plus jamais» a décidé la victime, qui a du même coup surmonté le plus grand des tabous.

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«Tu as le sentiment que c’est toi qui détruis la famille. Le fardeau, il est sur tes épaules parce que c’est toi qui portes plainte, c’est toi qui acceptes d’être identifiée et donc d’identifier ta famille», a expliqué au Journal Myriam Veilleux, en marge de la peine de trois ans et demi prononcée contre son frère, Michael.

Malgré ce poids, Mme Veilleux a choisi d’aller de l’avant.

«Je ne voulais plus protéger et guérir tout le monde autour à mes dépens, pendant que moi je m’enfonçais», relate la femme.

Se libérer

Voilà le plus important à retenir de ce drame, estiment les responsables du Centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) Chaudière-Appalaches. 

C’est la victime qu’il faut prioriser dans ce tourbillon qui chamboule toutes ces vies.

«On encourage la personne à être au centre de son cheminement et à penser à elle. La famille aussi aura un cheminement et c’est parfois difficile de faire coexister tout ça ensemble, mais c’est la victime qui doit être au centre de tout parce que c’est elle qui a vécu l’agression et c’est elle qui en porte les impacts», explique Joany Gauvin-Lavoie, coordonnatrice clinique de l’organisme.

Et il faut parler, comme l’a également rappelé le juge Frank D’Amours dans sa décision. Les victimes doivent se choisir, et ce, même si ce n’est pas pour porter plainte au criminel. «Libérez-vous» insistent les intervenants.

«Le judiciaire n’est pas une étape obligée», rappelle la directrice générale du CALACS Chaudière-Appalaches, Marie-Pier Brousseau. «La première étape, c'est d’en parler à quelqu’un de confiance, ça permet d’entreprendre une reconstruction.»

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Marie-Pier Brousseau, directrice générale du CALACS Chaudière-Appalaches
Marie-Pier Brousseau, directrice générale du CALACS Chaudière-Appalaches Site web CALACS C-A

Centaine de messages

Myriam Veilleux l’a réalisé quand son visage et celui de son frère ont fait la manchette, puis qu’elle a reçu «au moins une centaine de messages» sur les réseaux sociaux; bien souvent, de victimes d’agressions sexuelles intrafamiliales qui n’avaient jamais osé parler.

«J’ai eu des témoignages très durs. Des gens qui me racontaient que la famille leur disait de ne pas parler parce que ça allait impacter l’entreprise familiale; un homme violé pendant des années par son propre frère et que la famille refuse de croire encore aujourd’hui», confie Myriam Veilleux, qui a pris toute la mesure du tabou entourant ce fléau depuis.

Sans devenir le visage de ces victimes de drames familiaux innommables, elle espère au moins que son histoire saura en aider quelques-unes.

«Si l’histoire et le courageux témoignage de Mme Veilleux permettent à une seule personne de se libérer et de parler, ce sera déjà un grand pas en avant», saluent les responsables du CALACS, qui rappellent que dans 8 cas sur 10, la victime connaît son agresseur. 

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