1,7 milliard $ par année: trop cher pour nourrir gratuitement les élèves du public au Québec?


Anne-Sophie Poiré
Au Collège Jean-de-Brébeuf, il faut débourser 7,43$ pour un repas complet et nourrissant à la cafétéria.
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Cette école est classée au premier rang des 468 établissements d’enseignement publics et privés du Québec. Les frais de scolarité grimpent à près de 7000$ par année. On peut supposer que cette somme ne pèse pas si lourd dans le budget familial.
Mais qu’en est-il des élèves dans les écoles publiques, où plusieurs parents n’ont même pas les moyens de nourrir convenablement leur enfant?
Des organismes et des partis politiques plaident pour que l’État offre aux jeunes qui fréquentent ces écoles au moins un repas gratuit, tous les jours.
1,7 milliard $ pour nourrir les élèves du réseau public
Il faut savoir que le Canada est un des rares pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), et le seul du G7, à ne pas s’être encore doté d’un programme national d’alimentation scolaire.
Des pays comme le Brésil et la Finlande nourrissent gratuitement depuis plus de 70 ans les millions d’enfants qui fréquentent le système scolaire.
Par conséquent, le gouvernement de Justin Trudeau a annoncé au printemps dernier l’implantation d’un tel programme partout au Canada, qu’il espère lancer avant la fin de l’année scolaire. Ottawa prévoit y consacrer 1 milliard $ au cours des cinq prochaines années.
Québec solidaire, qui demande quant à lui la mise sur pied d’un programme provincial d’alimentation scolaire, estime que la part qui reviendrait au Québec serait d’environ 40 millions $ par année.
Or, offrir un repas quotidien gratuit à tous les élèves du réseau scolaire public coûterait 1,7 milliard par année, selon les estimations de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS).
«Je comprends que c’est cher, mais c’est un levier incroyable pour améliorer la santé de la population et diminuer sur le long terme les coûts de l’État liés aux problèmes de santé dus à une mauvaise alimentation», fait valoir le nutritionniste Bernard Lavallée.
L’IRIS lui donne raison. Le programme est susceptible de générer des gains économiques annuels d’au moins 1,9 milliard $ en création d’emplois, gains de productivité et réduction des coûts de santé, toujours selon son étude.
Réduire les inégalités
Bernard Lavallée croit qu’un programme national d’alimentation scolaire permettrait en outre d’atténuer les inégalités sociales, notamment liées aux facteurs socioéconomiques.
Même la charge mentale du lunch des enfants qui pèse bien souvent sur les femmes se verrait diminuée, ajoute celui qui est aussi connu sous le nom du Nutritionniste urbain.
«Les inégalités commencent très tôt et simplement dans l’assiette», signale-t-il.
«Un jeune qui souffre d’insécurité alimentaire, ça va affecter sa santé, sa croissance, sa concentration et ses résultats scolaires, mais également hypothéquer le reste de sa vie parce que ça va lui fermer des portes dans le futur», prévient M. Lavallée.
«Imaginons que tous nos étudiants pouvaient manger une fois par jour un repas nutritif et nourrissant: on aurait vraiment fait notre job en tant que société».»