Zone tampon de Rouyn-Noranda: Glencore est en mode acquisition de terrain depuis l’automne

Émilie Parent-Bouchard | Agence QMI
L’entreprise Glencore qui exploite la Fonderie Horne à Rouyn-Noranda achète des propriétés de la zone tampon depuis l’automne dernier, a appris l’Agence QMI. Elle est maintenant propriétaire de 10 % des immeubles habités de cette zone.
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C’est en tentant de contacter son propriétaire pour de petits travaux dans son 4 1/2 qu’Isabelle Courtemanche a appris que son immeuble avait changé de main. Elle devait désormais verser le loyer à un percepteur. Puis, elle a compris qui était son nouveau propriétaire en écoutant les nouvelles.

«J’ai envie que mon garçon joue dans la neige blanche, pas noire, a-t-elle expliqué. Là, on a l’impression qu’on est obligés de s’en aller. Même s’ils disent que le délai est quand même grand, ça laisse des inquiétudes. S’ils veulent démolir ici, c’est qu’il y a une raison.»
Il y a moins d’un mois, quelque 200 familles de Rouyn-Noranda ont appris dans les médias qu’elles allaient devoir trouver un nouveau toit. Le lendemain, Québec a confirmé que la multinationale Glencore devra payer pour l’acquisition des 82 immeubles situés dans le quartier Notre-Dame, voisin de la fonderie. Le gouvernement a aussi promis d’investir 58 millions $ pour réaliser ce déplacement et construire un nouveau quartier.
Or, depuis octobre, quatre immeubles du périmètre qui sera rasé sont inscrits au rôle d’évaluation municipale de la Ville de Rouyn-Noranda comme propriétés de Glencore. Deux des immeubles le sont avant même l’échéance du délai initial prévu pour la réception de l’autorisation du ministère de l’Environnement, en novembre.
L’entreprise avait déjà acquis quatre autres immeubles le 1er janvier 2019, soit quelques mois avant la publication des données de la Santé publique sur l’imprégnation à l’arsenic quatre fois plus importante des enfants du quartier Notre-Dame comparativement à ceux d’un groupe témoin à Amos.
La multinationale est donc déjà propriétaire de 10 % des 79 immeubles habités de la zone tampon projetée, pour un total de 22 logements. Elle devrait aussi négocier avec certains de ses employés.
Voisine de Mme Courtemanche, Suzanne Meunier devra déménager pour la seconde fois en raison des activités de la Fonderie Horne. L’immeuble où logeait la dame de 64 ans sur la 6e Rue est déjà tombé lors de précédentes campagnes de rachat de propriétés.

«Les loyers qui répondent [à mes besoins] sont 800-900 piastres. Je ne peux pas payer plus que 600 piastres. Tu me parles de ça et j’ai juste le goût de pleurer. S’l faut que je déménage, je vais déménager, mais avec mes conditions», a dit avec une larme à l’œil la prestataire d’assurance sociale.
Scénario préparé?
Pour la porte-parole du FRAPRU, Véronique Laflamme, «ce que ça laisse entendre, c’est que la compagnie se préparait à ce scénario. On a l’impression qu’il y a un plan pour répondre davantage aux besoins de la multinationale qu’à ceux de la communauté».
Elle invite les locataires à ne pas «signer n’importe quoi sur le coin d’une table en pensant qu’ils n’ont pas le choix».
«Il faut dire aux locataires de ne rien accepter individuellement, même s’ils n’ont plus le même propriétaire, a souligné Mme Laflamme. Actuellement, ce que les locataires ont, c’est le poids du nombre. Il faut que les gens se regroupent et fassent ça collectivement pour réussir à avoir des assurances et ne pas se faire avoir.»
Elle suggère que les locataires pourraient «revendiquer que le gouvernement s’engage concrètement envers un projet», avec par exemple la mise en place d’un «organisme sans but lucratif d’habitation».
Sentiments partagés
Isabelle Courtemanche est soulagée d’avoir à éloigner sa famille de la Fonderie Horne. Sa voisine dit vivre de l’anxiété. Les deux s’inquiètent de l’absence de détails quant aux modalités de relocalisation et d’indemnisation des locataires. Et d’avoir à trouver un nouveau toit dans une ville où le taux d’inoccupation des logements est de 0,8 %, pendant que le point d’équilibre se situe à 3 %.
Mme Meunier s’est inscrite sur la liste de l’Office municipal d’habitation, comme 165 autres personnes en attente d’un loyer à prix modique. «Il y a de 3 à 5 ans d’attente, je ne suis pas sortie d’ici. Ils ne sont pas pressés de m’appeler, eux autres», a-t-elle anticipé.
De son côté, la Ville de Rouyn-Noranda était consciente que la Fonderie Horne procédait déjà à l'acquisition de résidences dans le cadre d'un programme volontaire de rachat de propriétés, en vigueur depuis plusieurs années. Elle confirme par ailleurs que le ministère des Affaires municipales et de l'Habitation a annoncé au conseil municipal dès le 6 mars qu'il allait demander la mise en place d'une zone tampon à Glencore.
La Ville doit annoncer que les propriétaires de la zone tampon ayant vendu leur résidence depuis le 16 mars auront droit aux compensations prévues à cet effet, contrairement à ceux qui ont conclu des transactions avant cette date.
Au moment de publier, la Fonderie Horne n’avait pas donné suite aux demandes de précisions quant à ses intentions concernant le rachat de propriétés dès l’automne dernier.