Y a-t-il un avenir pour les psychologues scolaires?

Monsieur Legault,
Je suis psychologue scolaire. J’ai choisi d’exercer ma profession dans le milieu scolaire public pour plusieurs raisons. J’y travaille par conviction, au service des familles, y compris celles qui n’ont pas les moyens de se payer ces mêmes services au privé. Je suis directement sur le terrain, là où les enfants évoluent.
J’ai la chance d’œuvrer dans un milieu unique et stimulant, où le travail en multidisciplinarité n’a pas son égal. Psychologues, psychoéducateurs, orthophonistes, orthopédagogues, éducateurs spécialisés, conseillers d’orientation, enseignants, direction et autres intervenants ayant chacun un rôle essentiel et spécifique, y travaillent ensemble pour répondre aux besoins des élèves.
Le rôle du psychologue scolaire est surtout de comprendre les élèves dans leur globalité, cibler leurs besoins et leurs forces afin d’optimiser leur développement et leurs capacités d’apprentissage.
Tâches plus lourdes
Aussi, il faut fréquemment gérer des crises, composer avec les situations d’exception, quand la vie et la sécurité des enfants sont sérieusement compromises. Lorsqu’elles éclatent, tout l’entourage de l’enfant est affecté et notre travail s’élargit alors aux amis, aux enseignants et aux parents.
Au cours des dernières années, nous remarquons un alourdissement de la tâche. Les crises sont plus intenses et les problématiques sont de plus en plus complexes chez nos enfants, et ce, de plus en plus jeunes. Bref, la tâche est colossale. Faute de ressources, nous devons hiérarchiser les souffrances afin de prioriser les demandes les plus urgentes et laisser les autres en attente. Pour nous, cette liste d’attente est bien vivante. Chaque jour, on l’entend souffrir un peu plus.
Le problème d’attraction et de rétention en psychologie scolaire n’est pas nouveau. Chaque année, je participe à l’accueil de nouveaux psychologues qui débutent dans notre milieu. Je les accompagne en espérant les convaincre de rester.
Malheureusement, plusieurs psychologues quittent le milieu scolaire malgré l’accompagnement offert. Parmi les nombreuses raisons citées, nous retrouvons année après année : lourdeur de la tâche, conditions de travail difficiles, salaire peu attrayant, etc. J’avoue que je commence moi-même à être à court d’arguments pour les convaincre de rester !
Valoriser la profession
Il est plus que temps que l’on reconnaisse la valeur de notre travail, la spécificité de celui-ci, les responsabilités qui y sont liées et les exigences nécessaires pour pouvoir l’exercer. Comme vous le savez, un psychologue doit faire des études doctorales pour pouvoir exercer et adhérer à l’Ordre des psychologues du Québec. Or, il est bien désolant de constater qu’une fois les exigences établies et le diplôme délivré, on n’en reconnaisse plus la valeur.
En ce temps de négociations, comment expliquer que les années consacrées à l’obtention d’un diplôme afin de faire face aux exigences de notre rôle ne soient pas considérées ? Dans ce contexte, l’exode vers le secteur privé est inévitable.
M. Legault, vous affirmez que l’éducation est une priorité, que la santé mentale est un enjeu important. Puisque le psychologue qui intervient directement sur le terrain peut faire une différence significative, qu’attendez-vous pour agir en conséquence ? Rassurez-moi, démontrez-moi qu’il y a un avenir pour la psychologie scolaire.
Suzy Pouliot, Marie-Claude Michaud, Lucie Boulos et Christine Fortin, psychologues au Centre de services scolaire Marie-Victorin
* Cosignataires, psychologues au Centre de services scolaire Marie-Victorin: Nancy Bélair, Michèle Belzil, Hélène Boisclair, Louise Bouchard, Virginie Boudreau, Anouk Burelle, Marie-Line Chamberlain, Julie Chamberland, Kim D’Amours, Julie Demers, Manon Dumais, Jean-Nicolas Carrier, Élysa Côté-Séguin, Luc Germain, Marie Grihon, Bénédicte Hecquet, Sarah Jezequel, Marie L’Archevêque, Stéphanie Lévesque, Diana Karina Lopez Rodriguez, Sandra Mayer-Brien, Silvana Marti, Sophie Martinache, Vera Melnic, Sandrine Muriel Chavallard, Sophie Normand, Germain Quintal, Denis Racine, Chantal Rivard, Diane Roy, Chantal Vachon, Johanne Vézina